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Procès en réclamation

Les défis juridiques qui menacent les fonds d’Air Mauritius

7 septembre 2023, 13:00

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Les défis juridiques qui menacent  les fonds d’Air Mauritius

L’année 2023 peut s’avérer une période difficile pour Air Mauritius, alors qu’elle fait face à une série de procès en réclamation devant la justice. Après le jugement de la cour industrielle rendu le 24 août, sommant MK de payer Rs 150 millions de dommages à l’ex-chef pilote Salim Toorabally, ces litiges, engagés par d’anciens membres du personnel et de la direction pourraient plonger l’entreprise dans une situation financière préoccupante. Allant des réclamations de plus de Rs 45 millions de l’ancien pilote belge à celles de l’ex-CEO Megh Pillay, Air Mauritius aura du pain sur la planche pour le paiement d’indemnités substantielles à ces anciens employés licenciés. Voici ces procès en attente d’un dénouement.

Licenciement du pilote belge Patrick Hofman

L’ancien commandant de bord d’Air Mauritius, Patrick Hofman et ancien président de l’Airline Employees Association, réclame Rs 24 550 206 à Air Mauritius. Dans sa plainte, le pilote parle de «licenciement injustifié» de la part de la compagnie d’aviation nationale. Pour rappel, le samedi 7 octobre 2017, le Prime Minister’s Office avait annulé le permis de résidence de Patrick Hofman. Ce Permanent Residence Permit avait été émis officiellement le 28 avril 2016 pour une période de dix ans, en vertu de l’article 5 A de l’Immigration Act. Depuis 2003, il avait un contrat en tant que Flight Captain à Air Mauritius. Il devait prendre le vol à destination de Perth, mais pour des raisons de santé, il n’avait pu le faire. À son grand étonnement, le capitaine Hofman devait apprendre le même jour qu’il avait été limogé sans autre forme de procès. Lors du procès en février, un représentant de MK avait toutefois concédé que le pilote Hofman avait été licencié sans qu’il ait pu présenter un certificat médical ou être appelé à s’expliquer devant un comité disciplinaire. Le jugement dans cette affaire est attendu.

Dommages de Rs 50 millions de l’ex-CEO Bungsraz

L’ancien Chief Executive Officer (CEO) d’Air Mauritius (MK), Soobhiraj Bungsraz, avait été débouté en cour par le juge Abdurafeek Hamuth, en 2017. Il avait intenté un procès en réclamation de dommages de Rs 50 millions à la compagnie nationale d’aviation pour «renvoi injustifié». En appel, le chef juge Ashraf Caunhye et le juge David Chan Kan Cheong ont, dans leur verdict rendu le 23 décembre 2020, renversé le jugement. Ils autorisent ainsi l’ancien CEO à entrer un nouveau procès. L’affaire est toujours en cours devant la Cour suprême. Pour Soobhiraj Bungsraz, son contrat a été résilié unilatéralement par son employeur sans aucune cause ou justification, de façon injuste et arbitraire, oppressante et sans lui avoir donné l’opportunité de se défendre devant un comité disciplinaire.

Réclamations de Rs 39 millions de Megh Pillay

Après la résiliation de son contrat, l’ex-CEO d’Air Mauritius, Meghanathan Pillay, réclame une indemnisation de Rs 39 301 123,32 pour rupture illégale de contrat. Cette somme représente la rémunération qui lui est due depuis le 28 octobre 2016 jusqu’au 14 mars 2019, date à laquelle son contrat de trois ans aurait dû prendre fin. Dans la plainte, le plaignant souligne que MK a agi de façon «illégale» et est tenue par la loi de le dédommager pour cette résiliation de contrat «sans aucune justification». L’ex-CEO de MK fait ressortir que la compagnie doit lui payer son salaire de base mensuel qui était de Rs 750 000 au 29 octobre 2019 ainsi que les bonus, la gratuity qui s’élève à Rs 7 312 500, l’annual leave à Rs 2 556 818,18 et les sick leaves à Rs 1 065 340, 91. Il souligne que le 28 octobre, il avait été informé par le secrétaire du board que la compagnie avait décidé de mettre fin à son contrat avec effet immédiat et lui avait demandé de soumettre sa démission en tant que membre du conseil d’administration. Megh Pillay avait aussi mal perçu le fait que le conseil d’administration avait décidé de le limoger sans lui avoir donné l’occasion de donner sa version des faits. L’ex-CEO devait aussi s’appesantir sur le fait qu’il avait été privé de mener à bien son rôle de CEO en ligne avec les règles de bonne gouvernance et les exigences de la compagnie d’aviation nationale. Megh Pillay avançait que certaines divergences d’opinions sur la manière de gérer le couloir aérien auraient amplifié les réticences des proches du pouvoir à ce qu’il continue de gérer la compagnie d’aviation nationale. La cour n’a toujours pas tranché.

Un capitaine indien réclame Rs 7 millions

Injustifiée, illégale et abusive ; c’est ainsi que le capitaine indien Gautam Banerjee qualifie sa mise à pied prématurée par la direction de MK. Raison pour laquelle il s’est tourné vers la Cour suprême, en mai 2022, en réclamant des dommages de Rs 7 022 275 à la compagnie d’aviation. Dans une lettre datant du 6 mars 2020, la direction d’Air Mauritius a mis fin unilatéralement à son contrat avec effet immédiat. Elle reproche à l’Indien de n’avoir pas atteint le niveau requis dans l’accomplissement de ses responsabilités comme capitaine à bord de l’A330.

Le plaignant précise qu’au moment de son licenciement, il était en congé en Inde. Il indique avoir officié comme capitaine à Air India, Indigo et Nepal Airlines. Suivant un contrat en écrit datant du 11 mars 2019, il s’est joint à Air Mauritius comme capitaine le 21 juin 2019. Le contrat était d’une durée de deux ans, se terminant le 16 juin 2021. Son salaire de base était de Rs 212 7109. En sus de son salaire, il a eu droit au paiement des heures supplémentaires et un boni de fin d’année qui était payable en novembre chaque année. Selon sa fiche de paie pour le mois de janvier 2020, son salaire était de Rs 428 756,83.

Un pilote de rampe demande Rs 1,6 million après un accident

Ajegen Pillay Pyneeandee, un pilote de rampe (ramp driver), réclame Rs 1,6 million conjointement à MK et Swan. Le plaignant dans sa demande explique qu’il était couvert par une assurance-accident 24 heures, souscrite par son employeur Air Mauritius Ltd auprès de la Swan Insurance Company Ltd. Le 7 mai 2012, alors qu’il était de service, il a été grièvement blessé à la suite d’un accident. Son superviseur lui avait ordonné de vérifier l’équipement au parking n°4 sur la rampe de l’aéroport de Plaisance. Ce faisant, il a glissé sur une surface mouillée dans le couloir juste devant le bureau de documentation. Cette surface humide s’explique par la fuite dans les tuyaux de climatisation, selon Ajegen Pillay Pyneeandee. En fait, dit-il, à l’endroit précis où il a glissé, plusieurs accidents s’étaient déjà produits, mais aucune mesure n’avait été prise par Air Mauritius pour remédier à la situation.

Indemnités à Salim Toorabally: appel des deux côtés !

Dans un jugement rendu le 24 août par la cour industrielle, la compagnie aérienne nationale a été condamnée à verser la somme de Rs 149 435 658 au pilote Salim Toorabally, pour licenciement injustifié. La magistrate Darshana Gayan a donné raison au pilote, qui avait plaidé le licenciement abusif dans sa plainte déposée contre MK. Cette somme représente Rs 143 274 823 de severance allowance, Rs 3 876 326 représentant trois mois de salaire in lieu of notice et Rs 2 284 509 pour des congés non pris. Air Mauritius devra payer 3 % d’intérêt par année sur la severance allowance à compter de la date du jugement jusqu’au paiement, ce qui représente environ Rs 4,3 millions par an.

Air Mauritius a fait appel de ce jugement le 30 août auprès de la cour industrielle, qui doit le référer à la Cour suprême. Le temps d’échanger les affidavits et que la Cour suprême retienne une date pour écouter l’affaire et rendre un jugement, cela peut durer plus de trois ans encore. Avec la note déjà salée en termes d’indemnités, ce montant risque encore d’augmenter en cas de jugement défavorable pour MK. Air Mauritius pourrait se trouver dans une situation similaire à l’affaire Betamax : des intérêts s’étaient accumulés sur les Rs 4,5 milliards de dommages décidés par le Centre d’arbitrage international de Singapour. Le gouvernement a dû payer presque un milliard de roupies en plus en raison des nombreux appels qui ont duré des années avant un revers final devant le Privy Council.

Mais il y a plus : Salim Toorabally a lui aussi fait appel, hier, en cour industrielle. Il conteste le montant de Rs 149 435 658 et réclame Rs 192 142 345,95 à la place !

Par ailleurs, il y a aussi de nombreux cas qu’Air Mauritius a réglés à l’amiable, coûtant des centaines de millions à la compagnie, ainsi que sur les honoraires des avocats dans certains de ces cas.