Publicité
Annulation de l’ordre de gel des avoirs des Ellayah
Les dépenses cachées du secret-défense
Par
Partager cet article
Annulation de l’ordre de gel des avoirs des Ellayah
Les dépenses cachées du secret-défense
La signature de Mohunlall Madhow, ancien directeur du National Security Service, apparaît sur les ordres de paiement du bureau du Premier ministre.
Si Danesh Ellayah a pu justifier ses revenus et ceux de sa compagnie DNS International Limited comme provenant du bureau du Premier ministre, celui-ci pourra-t-il justifier, à son tour, ces gros paiements ?
La Financial Intelligence Unit (FIU) en a vraiment pris pour son grade. Entre des arguments soit «trop techniques» soit vagues, sans oublier l’absence de preuves, la juge Karuna Gunesh-Balaghee n’épargne pas l’institution, dans le cadre du dégel des avoirs de Danesh Ellayah et de DNS International Limited. Mardi, la juge a annulé l’ordre de gel des avoirs d’Ellayah et de sa société, qui avait été émis le 28 mars 2023.
Sur la forme, le jugement souligne d’abord l’échec des arguments avancés par la FIU, que la juge balaie en rappelant à la FIU «to be less technical». Au passage, nous apprenons que Danesh Ellayah préfère déposer son argent à Dubaï.
Et puis, il y a le manque d’informations de la part de la FIU pour motiver le gel des avoirs d’Ellayah. Il y a la non-soumission des preuves alors que le bureau de l’Attorney General a bien demandé des renseignements sur les comptes des époux Ellayah auprès des autorités dubaïotes. La FIU n’a pas non plus déposé les rapports de Suspiscious Transactions (STR) qu’elle a pourtant mis en avant.
La juge Karuna GuneshBalaghee ne comprend pas non plus comment la FIU a pu avancer des arguments aussi vagues que «the USD account of another party subject to a Restriction Order witnessed an outflow of a consequential amount in USD in favour of Field Joiners Pty Ltd, a foreign company holding a bank account with a foreign bank» sans mentionner de montants exacts.
Rs 1,1 milliard payées à DNS par le bureau du PM
Mais ce qui est le plus intéressant, c’est lorsque Danesh Ellayah a fourni tous les détails de la provenance des revenus de DNS, à travers son avocat Roshi Bhadain et son avoué Yash Balgobin. C’est ainsi que l’on apprend que DNS «has derived most of its income from payments received from the Government of Mauritius on behalf of the Security Division of the Prime Minister’s Office (PMO), which amounts to USD 15,179,737.39». Et que «the Government of Mauritius has also effected payments from 28 June 2016 to 17 May 2017 for the total sum of USD 9,300,000/- and EUR 525,215.52 which was paid to DNS Consultancy Services Ltd, with regard to purchase orders for the Security Division, Prime Minister’s Office.»
La tentative de la FIU de contrer ces révélations en cour en exigeant qu’Ellayah soumette des preuves des contrats passés avec le gouvernement a été vaine puisque les preuves de paiements pour l’équivalent en roupies de 1,1 milliard ont bien été produites par Ellayah. La juge a donc conclu en disant : «notwithstanding the fact that no copy of any contract awarded to applicant No. 3 was produced, there is prima facie evidence adduced by the applicants before me which would tend to show that applicants’ respective property is from legitimate sources».
La FIU aurait dû demander au PMO pourquoi il a effectué tous ces paiements. Mais comme elle ne l’a pas fait, elle n’a pas pu contester avec succès la source des revenus de DNS. Le silence de la FIU et ses arguments incessants à l’effet que l’enquête est en cours ont poussé la juge «conclude that they (NdlR, la FIU) buttress the applicants’ (NdlR, Ellayah) averments that the money found in applicant No. 3’s USD account number 051xxxx is from legitimate sources». La juge rappelle également que «the Restriction Order was obtained on the basis of evidence of which the applicants (NdlR, Ellayah et DNS) are still unaware».
Pourquoi le PMO a-t-il transféré ces sommes énormes ? Les ordres de paiement ne contiennent pas beaucoup de détails. Mais il y a un nom qui revient plusieurs fois : Verint Systems Ltd. Si c’est Verint Systems Ltd d’Israël, comme l’affirment des sources, voici ce que dit le site de Defense Israel : «Verint Systems offers various communications and interception solutions for use by government agencies around the world towards security applications.» Les ordres de paiement citent aussi le NSS – en toute probabilité le National Security Service – la signature de Mohunlall Madhow, l’ancien directeur de cet organisme, y apparaît. Le nom de L. Deal, responsable de la cellule antiterroriste est aussi cité.
Selon nos sources, ces coûteux équipements auraient été acquis pour la lutte antidrogue et antiterroriste. Au vu du nombre grandissant de saisies de drogues et d’interpellations, on ne sait pas si le système a bien été utilisé à cette fin. Quels résultats en matière de lutte antiterroriste ? Les données manquent. C’est pourquoi ils sont beaucoup à penser que ces énormes investissements auraient été motivés par d’autres raisons. Mais comme ces paiements tombent sous l’item de la sécurité nationale, pas même une question parlementaire ne pourra éclairer davantage ces transactions.
GMZ Studio est aussi cité en plusieurs occasions dans le jugement du 12 septembre. Une recherche sur internet montre que c’est une entreprise active dans la production de solutions digitales en 3D dans le domaine de l’architecture. Pourquoi a-ton loué les services de GMZ Studio ? Le flou persiste.
Ce qui a notamment poussé la juge à trancher en faveur d’Ellayah, c’est qu’«Although it was stated in the respondent’s affidavit (then applicant) (NdlR, la FIU) that DNS Consultancy Services received two payments from the Government of Mauritius, there was no mention in the affidavit that applicant No. 3 was supplying the Government of Mauritius with national security equipment and that payment was effected by the Accountant General to it.» Ces cachotteries de la part de la FIU la condamnaient d’avance à perdre, mardi.
Après ces révélations, les questions suivantes restent posées : pourquoi ne pas avoir acheté ces équipements directement des fabricants au lieu de passer par DNS ? Quel est le véritable prix de ces produits ? Combien a été remis à Verint System et combien à DNS ? Que représentent ces sommes énormes décrites comme des frais de consultants ? Ces sommes cachentelles des commissions ? Voilà qui est «enveloppé de mystère au sein d’une énigme», comme le dit Winston Churchill. Toujours est-il que grâce aux gels des avoirs qualifiés d’intempestifs effectués par la FIU contre des «opposants au pouvoir», des secrets-défense ont été étalés en public. Verint Systems Ltd va apprécier.
Publicité
Les plus récents