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«Reward Money»
Les frères Mooniaruth : Soupçons et ascension express
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«Reward Money»
Les frères Mooniaruth : Soupçons et ascension express

■ (De g. à dr.) L’inspecteur Faizal Mooniaruth et l’ASP Farhaaz Mooniaruth.
L’enquête sur le scandale de Reward Money prend une tournure rocambolesque. Ce système de récompense, mis en place durant le mandat de l’ancien commissaire de police (CP), Anil Kumar Dip, a été perverti dans le but, semble-t-il, de détourner des centaines de millions de roupies. Les hauts gradés Faizal et Farhaaz Mooniaruth se retrouvent au centre de cette affaire.
Ce système de récompense, censé aller aux policiers et informateurs après le succès de certaines opérations «high profile», semble avoir profité à plusieurs unités que chérissait particulièrement l’ex-CP Dip : la Force Crime Intelligence Unit (FCIU), la Special Support Unit (SSU), Special Cell et la Special Striking Team. À mesure que les investigations progressent, l’affaire prend l’allure d’un véritable réseau tentaculaire, atteignant des niveaux insoupçonnés. Ce qui s’apparente à un détournement organisé des fonds de l’État ne serait que la partie émergée de l’iceberg.
Deux noms reviennent de façon insistante : Faizal et Farhaaz Mooniaruth. C’est sous le régime du gouvernement MSM que les deux frères se sont taillé une réputation, bénéficiant d’ascensions professionnelles rapides au sein de la police. Tous deux ont longtemps travaillé au sein de la Police Metropolitan North de Port-Louis. Farhaaz Mooniaruth, aujourd’hui assistant surintendant de police (ASP), y servait comme prosecutor à la Cour de district de Port-Louis. Un rang également détenu par l’inspecteur Faizal Mooniaruth, lorsqu’il était affecté à la Bail and Remand Court.
Mais c’est surtout leur proximité avec l’exCP Dip qui interpelle. Farhaaz Mooniaruth, considéré comme un proche fidèle de l’ex-CP, aurait bénéficié de son soutien total. Ce dernier est, rappelons-le, le premier CP à avoir connu la prison de l’intérieur – il avait passé une nuit derrière les barreaux en 2013, dans l’affaire de détournement de fonds à la Bramer Bank.
Farhaaz Mooniaruth a rapidement gravi les échelons. Après avoir travaillé dans la Police Research and Development Unit (PRDU), il a été nommé à un poste stratégique à la tête de la FCIU, unité placée directement sous l’autorité du bureau du CP dans le combat contre la drogue. Cette nomination est intervenue peu après l’arrivée de Dip à la tête de la force policière en 2021. Il dirigeait alors à la fois la Divisional Crime Intelligence Unit et la FCIU, deux unités dissoutes depuis.
De son côté, Faizal Mooniaruth, après un passage remarqué à la Very Important Person Security Unit comme officier affecté à la sécurité de l’ancien ministre Soodesh Callichurn, a vu sa carrière s’accélérer. Il a ensuite été affecté au National Security Service (NSS), puis intégré à l’équipe de l’assistant commissaire de police (ACP) Ramdenee au NSS, au cœur même du Prime Minister’s Office. Bien qu’inspecteur, il participait au debriefing matinal avec le PM de l’époque en compagnie du chef du NSS. Cette proximité a soulevé de nombreuses critiques au sein même de la police. Son affectation au NSS n’a pas duré longtemps suite à des différends avec son chef hiérarchique. Il a ensuite été muté à la Northern Division, où il était prosecutor en Cour de Rivière-du-Rempart–Pamplemousses.
Autre polémique : une fausse saisie de drogue sur un terrain abandonné à Jin Fei. Ce jour-là, des policiers du poste de Terre-Rouge, accompagnés de l’inspecteur Mooniaruth, affirment avoir agi sur la base d’un renseignement indiquant la présence de stupéfiants. Sur place, les forces de l’ordre ont repéré un sachet soigneusement dissimulé, contenant 1,9 kg de cannabis, réparti en deux paquets (450 g et 1,450 g), d’une valeur marchande estimée à Rs 16 millions. Après une surveillance d’une heure, sans qu’aucun suspect ne se présente, le colis avait été saisi et remis à l’Anti Drug & Smuggling Unit (ADSU) Headquarters aux Casernes centrales.
Fausse réclamation de Rs 3 millions
Aujourd’hui, Farhaaz Mooniaruth est au centre de l’enquête menée par la Financial Crimes Commission (FCC). Âgé de 49 ans et toujours affecté à la PRDU aux Line Barracks, il est provisoirement inculpé sous les articles 7(1) et 83 de la Prevention of Corruption Act. Il lui est reproché d’avoir, le 15 octobre 2022, abusé de sa fonction pour recommander illégalement le paiement d’une fausse réclamation de Reward Money de Rs 3 millions, au profit d’un informateur, en passant par le sergent Seebooruth. Le tout sous couvert de fausses saisies de drogue, permettant ensuite de justifier des «récompenses» distribuées à des agents prétendument informateurs.
Doutes sur des saisies de drogue
Une nouvelle piste intrigue les enquêteurs : le modus operandi des fausses saisies de drogue utilisées pour justifier le Reward Money. Dans un récent dossier, 1,9 kilo de cannabis, répartis en deux lots (l’un de 450 g et l’autre de 1 450 g), pour une valeur estimée à Rs 16 millions, ont été retrouvés. Ces drogues n’auraient, semble-t-il, jamais été déclarées officiellement dans les registres de saisie. La question cruciale : d’où proviennent ces paquets ? Durant quelle opération majeure auraient-ils été saisis, sans qu’ils soient ensuite scellés, pesés, consignés et transportés à l’Exhibit Room, comme l’exige la procédure ?
Un haut gradé à la retraite de l’ADSU explique que le Reward Money dans des pick-up drugs sans accusés sur des terrains abandonnés ne peut être réclamé qu’avec l’approbation du CP, sur la base de preuves claires de la collaboration d’un informateur. Dans ce cas précis, tout semble indiquer que la procédure a été détournée. Grâce à la modification récente de la FCC Act 2023, la FCC peut désormais mener des enquêtes conjointes avec la police dans les affaires de crimes financiers. Si la FCC formule une demande, elle pourra prêter main-forte à la police pour intervenir et faire toute la lumière sur la saisie de drogue.
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