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Arrestations de Côte-d’Or

Les juristes crient à l’arrestation illégale

29 août 2024, 09:03

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Les juristes crient à l’arrestation illégale

C’est lors d’une manifestation pacifique des membres du mouvement Rann Nou Later, mardi, que Rajen Narsinghen, conseiller juridique du mouvement, a été emmené de force, avant d’être embarqué dans un véhicule de la police. Si l’ex-responsable du département de droit à l’université de Maurice n’a pas été placé en état d’arrestation, la question se pose porte sur les conditions qui ont permis à la police d’emmener une personne de force sans pour autant l’arrêter.

La nécessité d’un avertissement préalable

Sollicité, l’avocat de Rajen Narsinghen, Me Shakeel Mohamed, explique que, tout d’abord, la police a le droit d’arrêter une personne. Mais elle doit être munie d’un mandat d’arrêt dûment signé par un magistrat ou un haut gradé de la police tel qu’un assistant surintendant. D’ailleurs, la police peut aussi procéder à une arrestation si elle voit que le ou la suspect(e) est sur le point de commettre un crime, un meurtre ou vol, entre autres, ou si elle a une reasonable suspicion qu’un délit a été commis ou sera commis. Dans le cas du constitutionnaliste, tel n’a pas été le cas.

L’application de la «Public Gathering Act»

Me Shakeel Mohamed, en décortiquant la Public Gathering Act (PGA), explique qu’elle stipule qu’un rassemblement de moins de 11 personnes est autorisé. «Avant de procéder à une arrestation, la police est tenue de donner un avertissement clair aux personnes concernées et le warning doit préciser : Stop, you are committing an offence, avant de les informer que le rassemblement dépasse le seuil légal de 11 personnes. Mais dans le cas présent, non seulement l’absence de l’avertissement est à déplorer mais les manifestants étaient moins de 11 en nombre.» Il estime que si cette procédure n’a pas été respectée, cela relève d’une arrestation illégale.

L’accusation de «rogue and vagabond»

L’avocat de Rajen Narsinghen aborde également le concept de rogue and vagabond, une accusation portée contre les manifestants. Cette accusation désigne, en effet, une personne errant sans but valable ou une personne ivre et dont la présence pourrait perturber la paix publique. Selon l’avocat, cette notion n’était pas applicable dans le cas présent. «Les manifestants, eux, se trouvaient sur place avec une pancarte et manifestaient de manière pacifique. Leur présence ainsi que celle de Rajen Narsinghen ne correspondent pas à l’image d’individus errant sans raison ou perturbant l’ordre public.» Le cas de Rajen Narsinghen qui a été emmené de force par la police est pire qu’une arrestation illégale.

L’incident à la clinique : Une situation illégale

Me Shakeel Mohamed critique également le fait que, après l’arrestation, lorsque Rajen Narsinghen a été admis à la clinique, un sentry, soit un policier, a été placé dans sa chambre. Selon lui, cela constitue une atteinte grave aux droits de son client et il qualifie cela de «pire qu’illégal». Cette surveillance en milieu médical, alors que Rajen Narsinghen n’était même pas en état d’arrestation, soulève des questions éthiques et légales sur les pratiques policières. «Cette action de la police a porté atteinte aux droits du constitutionnaliste, qui a vu la restriction de la liberté de ses mouvements pendant qu’il recevait des soins de l’établissement hospitalier.» L’avocat soutient que dans une vidéo disponible, on voit Rajen Narsinghen s’adressant à la presse au moment où la police l’a emmené de force. L’avocat insiste sur le fait que le droit de s’exprimer à la presse est un droit fondamental qui doit être protégé et que les actions de la police dans ce contexte ont violé ce droit.

Quid des prochaines démarches judiciaires ? L’homme de loi confie que son client, qui souffre toujours de douleurs aux côtes, au dos et aux genoux, fera une déclaration contre la police pour unlawful arrest. Va-t-il aussi saisir l’Independent Police Complaints Commission ? Il répond par la négative, tout en soutenant que ce sera une perte de temps. «C’est comme le chien qui est appelé à surveiller la viande. Mon client, qui va agir, va plutôt alerter les instances internationales.»

Même son de cloche du côté d’un homme de loi qui traite les affaires pénales. «Si une personne est sur le point de commettre un délit, par exemple un vol, ou un crime, la police peut l’arrêter sans mandat d’arrêt parce qu’elle n’aura pas le temps de se munir de ce document et que le but est d’empêcher toute commission d’un crime. Pour Rajen Narsinghen, la police n’avait non seulement pas le droit d’utiliser la force pour l’emmener, mais l’élément de rogue and vagabond n’entrait pas en jeu. C’était une marche pacifique», dit-il.

Me Erickson Mooneapillay, défenseur des droits humains, est, pour sa part, d’avis que la police a commis un excès de zèle. «Dans la vidéo, on voit aussi des policiers en civil. Comme ils n’ont pas informé le principal concerné qu’ils étaient des policiers, Rajen Narsinghen aurait pu croire que c’étaient des vagabonds qui l’embarquaient. Ce que je veux dire, c’est que ces policiers en civil devaient décliner leur identité. D’ailleurs, on voit aussi que la police a utilisé de la force irraisonnable. La police l’a non seulement détenu sans base légale mais a agi en violation de ses droits. C’est une honte pour le pays, avec les images relayées à travers le monde.»