Vers midi hier, au premier étage du Victoria Urban Terminal (VUT), une vive altercation verbale a opposé les marchands à une responsable de la direction lorsque nous sommes arrivés sur les lieux. Ce, suite à l’incendie qui est survenu mercredi après-midi. Les marchands ayant le cœur brisé sont également frustrés par les autorités qui, selon eux, font la sourde oreille.

Sur place, ils ont du mal à comprendre ce que dit la responsable de la direction car elle s’exprime en anglais. «Pourquoi envoyer une étrangère alors qu’elle ne parle pas une langue que nous comprenons?», lanceront certains. À quoi elle répondra qu’elle est Mauricienne mais qu’elle préfère s’exprimer en anglais car elle a grandi dans un pays étranger. Colère à nouveau des marchands face à l’incompréhension et au manque de connexion, qui préfèrent alors s’adresser à nous.

Devant son étal, Waheda Sooklall reste consternée pendant que ses fils rassemblent désespérément leur marchandise brûlée. «Les ventes ont diminué et les dégâts s’élèvent à plus de Rs 350 000. Mon époux est malade; l’un de mes fils vient d’avoir 18 ans et travaille avec moi dans l’attente d’un autre emploi. Mo bizin travay dan lakaz dimoun pou mo viv. Je dois payer Rs 4 000 de location mensuelle pour cet étal… Que va-t-il m’arriver maintenant ?»

S’ensuit une série de témoignages de marchands furieux. «Cette zone n’est pas équipée de caméras CCTV. Le 24 décembre 2022, un incendie s’est produit; j’ai perdu de la marchandise valant Rs 100 000. Nous ne sommes pas assurés et j’ai dû en faire les frais. Depuis, nous avons demandé, entre autres, un package d’assurance et des caméras CCTV dans cette zone pour notre sécurité. Rien n’a été fait. Nous sollicitons des réunions avec la direction qui renvoie la balle dans le camp de la municipalité. Et lorsque nous nous adressons à cette dernière, elle nous dit que ce n’est pas de son ressort», raconte un marchand.

Un autre commerçant témoigne que l’absence de mesures de sécurité pour les marchands a posé un problème majeur mercredi. «En l’absence de personnel de sécurité, j’ai pris un extincteur et j’ai essayé de maîtriser le feu. Le personnel de sécurité n’est arrivé que plus tard car il ne savait pas où l’incendie s’était produit en raison de l’absence de caméras de vidéosurveillance. Plus tard, avec leur aide et celle des pompiers, le feu a heureusement été maîtrisé. Et si le feu s’était propagé et avait causé mort d’homme ?»

Constat après l’incendie

À ce stade, les autorités enquêtent toujours sur les causes de l’incendie. Aucun blessé n’est à déplorer. Des sources policières indiquent que la zone n’est effectivement pas équipée de caméras de vidéosurveillance privées, ce qui a été notre constat sur les lieux lors de notre reportage. Aydar Rayman, président de la Street Vendors Association, dit vouloir solliciter une réunion avec les autorités concernées pour résoudre la situation. «Le VUT s’occupe de l’emplacement et le bâtiment privé est assuré. La marchandise des vendeurs ne l’est pas et tous les aspects financiers relèvent de la municipalité.»

Qu’en est-il de la sécurité des commerçants à l’intérieur du bâtiment après le premier incendie ? «Notre association avait offert au marchand une somme de Rs 25 000 en signe de bonne foi. (...) Depuis, nous avons proposé la mise en place de caméras de vidéosurveillance. Cependant, le VUT affirme que la construction du bâtiment n’est pas encore achevée.» Donc, pas de caméras de vidéosurveillance en place avant neuf mois.

Quid d’une assurance pour les commerçants ? «Des discussions étaient en cours. Mais la firme d’assurance a fait savoir que la construction du bâtiment n’étant pas terminée et tous les marchands n’ayant pas reçu leur contrat en main, nous devions attendre. Deux incidents, c’est trop», explique-t-il. Nous avons contacté à plusieurs reprises le lordmaire de Port-Louispar téléphone, qui est resté injoignable.

Pour sa part, la direction de VUT affirme que les mesures de sécurité du terminal sont constamment testées et revues. Les détecteurs de fumée et les extincteurs sont vérifiés chaque mois, alors que des simulations d’incendie sont réalisées chaque six mois. Quelle est la cause de l’incident survenu en décembre ? Depuis, comment la sécurité des marchands a-t-elle été renforcée ? Pourquoi les caméras CCTV n’ont-elles pas été installées dans cette zone malgré plusieurs demandes ? Aucune réponse à nos questions.

Ras-le-bol, les marchands disent envisager désormais des manifestations si des mesures adéquates ne sont pas prises dans l’immédiat.