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Nombre en baisse

Les Mauriciens divorcent du mariage

17 mars 2024, 18:00

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Les Mauriciens divorcent du mariage

Les dernières données de Statistics Mauritius indiquent que le nombre de mariages enregistrés en 2023 était de 8 654, contre 9 558 en 2022. Ce qui représente une baisse de 9,5 %. Par ailleurs, si en 2022 on avait enregistré 16,8 % de mariages de plus qu’en 2021, une baisse générale des taux de nuptialité ces dernières années est néanmoins être constatée. Par exemple, le nombre de mariages enregistrés en 2019 était de 9 709, soit 3,2 % de moins qu’en 2018.

Le nombre de mariages est ainsi en baisse à Maurice. Ce scénario prévaut également dans d’autres pays. Selon les données publiées en février 2023 par Stats SA, une tendance générale à la baisse des mariages entre 2012 et 2021 a été constatée en Afrique du Sud, avec de légères augmentations en 2015-2016 et une augmentation notable de 19,2 % entre 2020 et 2021. Cette dernière pourrait toutefois être due aux restrictions des rassemblements imposées en 2020 en raison du Covid-19.

Aux États-Unis également, les taux de mariage ont augmenté en 2022 contre 2021 et 2020, note l’Institute for Family Studies. «Cela reflète un rebond naturel. Le taux de mariages aux États-Unis était à son niveau le plus bas en 2020, lorsque de nombreux couples ont dû retarder leur mariage à cause de la pandémie.» Cependant, un sondage réalisé auprès de personnes en couple, mais non mariées par le Thriving Center of Psychology en juin 2023, a révélé que 85 % d’entre elles ne pensent pas que le mariage soit nécessaire pour avoir une relation épanouie et engagée. Plus d’une personne sur six n’envisage pas non plus de se passer la bague au doigt.

Comment expliquer cela? Moins d’inégalité de genre et une plus grande participation des femmes dans le monde du travail, ont conduit à l’indépendance financière de celles-ci, ce qui a eu pour effet de changer les idées sur le mariage en accordant une importance égale ou supérieure aux aspirations éducatives et professionnelles. Par ailleurs, les gens choisissent aussi d’être en couple mais en cohabitation, évaluant leur compatibilité sans la nécessité légale d’être mariés, évitant ainsi les responsabilités liées aux noces et réduisant aussi le risque de divorce. Des facteurs économiques tels que l’augmentation du coût de la vie et l’individualisation associée au postmodernisme sont entrés en jeu. Tous ces éléments font que le mariage est désormais moins considéré comme une étape obligatoire dans la vie des gens et davantage comme un choix individuel, explique un sociologue.

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Dire oui : combien cela coûte-t-il ?

Malgré la baisse du nombre de mariages, les jeunes générations ne veulent pas rester célibataires pour toujours, souligne le Thriving Center of Psychology, qui note que, selon son enquête, 83% des personnes en couple envisagent de se marier à un moment ou un autre. Toutefois, l’un des obstacles au mariage demeure le coût des noces. Soulignons que 73 % des jeunes estiment qu’il est trop cher de se marier à l’heure actuelle, note l’organisation. À Maurice, la flambée des prix a réduit le pouvoir d’achat de la population, surtout après la pandémie. N.K, jeune professionnelle qui s’est mariée en 2023, explique qu’elle a choisi d’organiser une réception de mariage uniquement avec les membres de la famille et les amis proches. «J’avais prévu de me marier en 2023 parce que je voulais que tout se passe normalement après le Covid-19. Le hic, c’est que maintenant, le prix de tout ce qui se trouve sur le marché a presque doublé alors que nos salaires sont restés les mêmes... J’ai loué des plateaux de mariage au lieu de les acheter et je les ai décorés moi-même. Idem pour les coupes de champagne, entre autres, ce qui a permis d’économiser de l’argent. Par contre, j’ai beaucoup dépensé pour les plats et les gâteaux, ainsi que pour les photos et vidéos de mon mariage, car elles restent gravées dans la mémoire (...)»

Les dépenses pour son mariage : Rs 5 000 pour le gâteau, Rs 30 000 pour les décorations, Rs 30 000 pour les photos et vidéos et Rs 40 000 roupies pour sa tenue. En ajoutant la location de la salle, le maquillage, la coiffure, les voitures et le repas, entre autres, pour quatre jours et les dépenses pour d’autres cérémonies religieuses liées au mariage, le coût total d’un mariage peut atteindre Rs 500 000, voire plus.

M.H, qui doit organiser le mariage de son frère en décembre, est lui d’avis que «le mariage unit deux familles pour les générations à venir. Même si les fiançailles sont minimales, les parents, les familles ou les couples préfèrent réduire la liste des invités ou leur propre confort des mois avant, mais dépensent des sommes énormes, voire contractent un prêt, pour s’assurer que le mariage sera grandiose».

Pression sociétale

S.R., âgée de 34 ans et devant se marier en octobre 2024, partage qu’«à cet âge, j’ai suffisamment accompli sur le plan professionnel et je suis assez indépendante financièrement pour être prête à m’engager avec quelqu’un qui me traite comme une partenaire égale. Néanmoins, pour moi, se marier est un choix, et je déterminerai plus tard si je souhaite avoir des enfants. En préparant mon mariage, je me rends compte toutefois qu’il peut être très stressant en termes de coûts. Lorsque j’ai rencontré mon planificateur, on m’a dit que le coût de la salle de mariage s’élevait à Rs 50 000 par jour. Viennent ensuite la décoration, les repas et le service catering pour trois jours, qui s’élèvent à Rs 240 000. Dans la capitale, les robes de mariée coûtent au minimum Rs 40 000... Cela représente un budget total de plus de Rs 500 000 pour trois jours, ma liste d’invités comptant 450 personnes...»

Notre interlocutrice ajoute : «Je voulais organiser un petit événement, mais j’ai dû changer d’idée. Les gens disent qu’il suffit de faire une petite cérémonie et de servir des rafraîchissements pendant une journée et de garder une intimité simple. Mais en réalité, on ressent une énorme pression sociétale pour maintenir un certain standard en termes de décoration, de repas et d’apparences. Ironiquement, ces mêmes personnes, si elles sont invitées à un mariage simple, feront des commentaires désobligeants sur le fait que la robe de la mariée est bon marché ou que le marié n’est pas arrivé dans une voiture luxueuse. D’autre part, si vous invitez peu de personnes, d’autres s’insurgeront en disant ‘zot tou dan ou fami ti vinn manzé dan mariaz kot mwa, mé ou pan invit mwa kot ou’. Il s’agit également de se plier aux règles de la société, ce qui devient un stress énorme, en particulier pour les jeunes couples...»

Yaasir, professionnel âgé de 29 ans, confie pour sa part : «Je ne pense pas que le coût élevé de la vie soit un facteur déterminant, car nos parents se sont mariés même lorsqu’ils n’étaient pas financièrement stables ; ils ont construit leur vie ensemble et leur relation a duré des décennies. Aujourd’hui, la société est plus matérialiste et les attentes sur le mariage sont tellement affichées sur les réseaux sociaux qu’il s’agit moins d’être avec la personne que de porter des tenues extravagantes, d’organiser des cérémonies et d’entrer en compétition avec d’autres couples. Ou alors il faut se marier dès qu’on atteint un certain âge, car les membres de la famille diront ‘inn ariv laz aster, si pa maryé asterla pa pou gagn tifi apré’, ce qui est dissuasif pour nous.»