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Assemblée nationale

Les questions sur les mairies et les conseils des districts interdites

4 juillet 2024, 18:15

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Les questions sur les mairies et les conseils des districts interdites

C’est une première dans l’histoire de la démocratie parlementaire. Les députés de l’Assemblée nationale ne pourront plus poser de question sur les municipalités et les conseils des districts. Le speaker de l’Assemblée nationale, Sooroojdev Phokeer, en a décidé que ce sera dorénavant ainsi, une annonce faite mardi. «It has been observed that there has been a significant number of such questions from both sides of the House on the administrative responsibilities and operational activities of the different local authorities which often do not comply with Standing Order 21(2)... Honourable Members are therefore advised to raise such questions firstly with the local authorities directly or the Minister personally or in the last resort at adjournment time. I therefore invite Honourable Members to stand guided accordingly», a-t-il déclaré. Cette mesure est une autre étape franchie par le speaker qui suspend, expulse et rejette des questions depuis quelque temps. Cette décision est considérée comme une entrave à la démocratie parlementaire et met en péril la redevabilité des ministres. D’ailleurs, cette décision pourrait même être anticonstitutionnelle.

Il y avait neuf interpellations mardi adressées au ministre des Collectivités locales, Anwar Husnoo, nécessitant des réponses écrites. Bien que Sooroojdev Phokeer ait laissé les députés poser leur question uniquement pour cette séance, il y avait des restrictions. Les députés n’ont eu droit à aucune question supplémentaire. D’abord, la députée Stéphanie Anquetil a posé une question sur l’état délabré du complexe municipal de Vacoas. Par la suite, Patrick Assirvaden a évoqué la construction d’un parking à l’arrière du marché de la même ville, mais il n’a pas eu droit à une question supplémentaire malgré les protestations. Stéphanie Anquetil a même été expulsée en osant dire, par contestation, que l’argent provient de la caisse de l’État. D’ailleurs, le ministre Anwar Husnoo a demandé au speaker s’il devait répondre et l’opposition a protesté.

Le constitutionnaliste Milan Meetarbhan a analysé la déclaration de Sooroojdev Phokeer. «Le principe constitutionnel veut que les ministres soient redevables envers les institutions qui tombent sous leurs responsabilités. C’est une pratique depuis des lustres que les ministres doivent rendre des comptes au Parlement sur ces institutions. Cependant, de temps en temps, il y a eu des exceptions pour des compagnies bien que l’État soit actionnaire à 100 %. L’autre exception est quand il y a une enquête en cour», rappellet-il. Cependant, Milan Meetarbhan maintient qu’il ne faut pas uniquement s’arrêter à l’annonce du mardi comme un cas isolé. «Il y a eu une série d’éléments depuis quelque temps qu’il faut englober pour mieux comprendre la situation. Il y a eu des questions éditées par le bureau du speaker ; il y a eu des questions rejetées avant même la séance ; il y a des députés privés de questions supplémentaires, et nous nous souvenons aussi que Xavier-Luc Duval, alors leader de l’opposition, avait été privé de prendre la parole. Maintenant, avec un Parlement sans questions sur les conseils de district et les municipalités, nous passons à une autre étape. Le ministre ne sera plus redevable envers le Parlement pour les collectivités locales», analyse-t-il.

Espace démocratique

De plus, Milan Meetarbhan considère cela comme une restriction de l’espace démocratique. «Nous allons vers une situation dans laquelle les collectivités locales ne seront plus redevables puisque le ministre concerné ne sera plus redevable. Cela peut aussi arriver aux statutory bodies.» Est-ce que cela pourrait également s’appliquer à la Central Water Authority par exemple? Le constitutionnaliste affirme que cela pourrait arriver si on analyse la déclaration du speaker. «Un esprit démocratique avait pris place depuis l’Indépendance. Mais nous pouvons déjà voir les questions parlementaires diminuer chaque semaine avec le nombre d’expulsions et de suspensions, et cela pourrait empirer avec l’interdiction de poser des questions sur les collectivités locales et les statutory authorities», regrette-t-il.

Le whip de l’opposition, Patrick Assirvaden, est également sidéré par la décision de Sooroojdev Phokeer. «Le gouvernement et le speaker bâillonnent la démocratie. Les collectivités locales sont financées par le gouvernement et leur budget est voté par le Parlement. Donc, le ministre est redevable au Parlement et, par ricochet, à la population. Si les députés ne peuvent pas poser des questions à Anwar Husnoo, il est devenu obsolète. Ce n’est plus la peine qu’il vienne au Parlement puisqu’il n’a plus de compte à rendre à la population», insiste le porte-parole officiel de l’opposition. D’ailleurs, il rappelle qu’Anwar Husnoo a le droit de révoquer un élu local tout en en nommant un autre à sa place. Encore une raison, dit Patrick Assirvaden, pour qu’il soit redevable envers le Parlement. Pour sa part, un habitué d’Erskine May est convaincu que c’est une personne qui manie bien les rouages du Parlement qui a rédigé l’annonce de Sooroojdev Phokeer. «Le speaker a raison sur un point. Les députés ne pourront pas poser de questions sur les activités journalières des collectivités locales. Cependant, il doit laisser une porte ouverte quand il y a un cas de corruption ou une mauvaise utilisation de l’argent public, par exemple, mais Sooroojdev Phokeer a fermé toutes les portes. Les députés ne pourront poser aucune question alors que le ministre est redevable envers le Parlement», maintient-il.

D’ailleurs, que lors de la séance de mardi, la question de Stéphanie Anquetil a permis de savoir que le complexe municipal de Vacoas est tombé presque en ruine et qu’il faut Rs 22 millions pour les réparations. Pour sa part, Patrick Assirvaden voulait poser une question, lors de la prochaine séance, pour savoir dans quelle circonstance deux éboueurs de la municipalité de Vacoas sont décédés en service et un autre est handicapé. Il voulait aussi savoir la raison pour laquelle il n’y a que huit camions de la municipalité qui opèrent alors que 12 autres sont en panne. «Il y a même des camions qui roulent sans fitness. Pensez-vous que les contribuables de Vacoas n’ont pas droit à des réponses ? Les proches des ouvriers morts non plus ?»

Des interrogations supplémentaires pas toujours autorisées

Il y a une pratique qui devient de plus en plus courante. Autrefois, le speaker n’autorisait que deux questions supplémentaires à la suite de la réponse d’un ministre. Depuis quelque temps, Sooroojdev Phokeer n’accorde même pas de questions supplémentaires aux députés de l’opposition. Plusieurs députés ont protesté pour dire que le speaker n’a même pas pris la peine d’écouter leur question. «The matter has been sufficiently canvassed», répète systématiquement le speaker.