Publicité

Décédés de cause naturelle en détention

Leurs proches n’y ont jamais cru

25 octobre 2024, 21:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Leurs proches n’y ont jamais cru

Aayaaz Gungah (à g) et Jean Alain Auguste.

La série de décès en détention à Maurice soulève des inquiétudes sur la brutalité policière et les conditions carcérales. Le cas de Jacquelin Steeve Juliette n’est pas le seul à faire sourciller, car d’autres tragédies, telles que celles d’Aayaaz Gungah, Jean Alain Auguste et Joselito Evenord, mettent également en lumière des circonstances troublantes.

Le lundi 21 février 2022, Aayaaz Gungah, 28 ans et habitant de Résidence Telfair, avait été arrêté pour soupçon de vol de téléphone portable par la Criminal Investigation Division (CID) de Quartier-Militaire et placé en détention à Moka. Sa sœur, Raziah, rappelle que «le lendemain, il a été traduit en cour et la police a objecté à sa libération sous caution, invoquant que l’enquête n’était pas terminée. Le magistrat lui a indiqué que vendredi, il serait libéré car il n’avait jamais eu d’antécé- dents criminels».

Le mercredi 23 février, Aayaaz était en parfaite santé lorsque son épouse lui a rendu visite au centre de détention. Il était seul à occuper sa cellule. Cependant, le lendemain matin, la famille a été informée par la police qu’il était décédé. «Nous avons appris qu’il avait été transporté à l’hôpital Dr Bruno Cheong à Flacq dans la nuit du 23 au 24 février, inconscient, et admis aux soins intensifs. Nous nous sommes ensuite rendus à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo pour identifier son corps en vue de l’autopsie.» L’autopsie a révélé que le jeune homme était décédé d’un oedème pulmonaire. Cependant, la famille soutient qu’il a été victime de brutalité policière. Son père, Abibe Gungah, avait porté plainte au poste de police de Moka ainsi qu’à l’Independent Police Complaints Commission. À l’époque, il avait confié à l’express : «Le médecin légiste de la police, le Dr Prem Chamane, m’a demandé d’identifier mon fils. J’ai été choqué de voir des blessures sur son corps. J’ai posé la question au docteur et il m’a répondu que ce sont des caillots de sang qui se forment après plusieurs heures, car son sang a cessé de circuler.» Abibe Gungah n’a pas pu nous parler cette fois-ci en raison de son état de santé préoccupant. Son fils, Nawaaz, qui a également identifié la dépouille d’Aayaaz, confirme les propos de son père.

La famille continue de réclamer justice. «Ses vêtements portaient des traces de sang. Personne n’a été capable de nous fournir la moindre explication. En y réfléchissant, nous avons réalisé que quelque chose clochait. Après ses funérailles, quelques personnes qui étaient dans les cellules voisines nous ont dit qu’elles l’avaient entendu crier de douleur ce soir-là, puis après quelques heures, tout est devenu silencieux. C’est à ce moment que les policiers l’ont emmené à l’hôpital. Comme par hasard, les caméras situées à l’extérieur de sa cellule et dans le centre de détention n’ont pas fonctionné cette nuit-là. Seules les images de son arrivée à l’hôpital de Flacq confirment son état cette nuit-là. De plus, si son état était si critique, pourquoi ne l’a-t-on pas emmené à l’hôpital de Moka, situé tout près de la station ? Jusqu’à présent, aucun officier n’a donné suite à notre plainte», explique Raziah.

Il y a 16 ans, Imteaz Gungah, le frère d’Aayaaz, alors âgé de 26 ans, avait été arrêté par la CID de Rose-Belle pour un vol présumé de téléphone portable. Par la suite, il avait été retrouvé mort, menotté, dans un bassin au Mauritius Sugar Industry Research Institute. L’affaire avait été portée devant la justice pour brutalité policière.

Le 29 avril 2020, Jean Alain Auguste, un habitant de Bain-des-Dames âgé de 30 ans, avait été retrouvé mort dans sa cellule à la prison de Melrose, bien qu’il semblait en bonne santé. Il purgeait une peine pour un délit lié à de la drogue et appelait sa famille chaque mercredi. L’administration de la prison avait informé Elodie Auguste, sa soeur, qu’il s’était suicidé par pendaison alors qu’il se trouvait à l’hôpital de la prison. Cependant, son corps portait des bleus, et il avait du sang séché sur le nez, ainsi que des marques sur les poignets. La prison avait expliqué qu’il avait été menotté après une tentative de suicide, pour l’empêcher de se blesser, mais qu’il avait tout de même réussi à se donner la mort. Ces explications ont laissé la famille sceptique, d’autant plus après avoir vu les photos de Caël Permes, un autre détenu battu à mort quelques jours plus tard en prison.

Joselito Evenord, âgé de 43 ans, avait été arrêté le 25 novembre 2019 pour un vol présumé par la CID de Quartier-Militaire. Il avait d’abord été incarcéré à la prison de Beau-Bassin avant d’être transféré à celle de Grande-Rivière Nord-Ouest le 12 décembre. Malheureusement, il avait été retrouvé mort dans sa cellule dans la matinée du 27 mai 2020. Selon la police, Joselito Evenord se serait pendu avec un drap, attaché à la barre métallique d’une fenêtre, vers minuit dans la nuit du 26 au 27 mai. Son co-détenu avait découvert la scène macabre à son réveil. Le Dr Maxwell Monvoisin, chargé de l’autopsie, avait conclu que le décès était dû à une asphyxie causée par la pendaison. Toutefois, la famille de Joselito est restée sceptique, soulignant qu’il était en bonne santé avant cet incident. Ils ont également remis en question les explications selon lesquelles son co-détenu n’aurait rien entendu et n’aurait découvert la pendaison qu’à son réveil, ainsi que le fait qu’aucun gardien n’avait remarqué ou entendu quoi que ce soit pendant la surveillance des cellules.

Les cas de Mervyn Munbodh, retrouvé sans vie au centre de détention de Vacoas le 11 mars 2020, soit le lendemain de son arrestation, et de David Utcheegadoo, découvert mort dans sa cellule au poste de police de Trou-d’Eau-Douce deux jours après son arrestation, figurent également sur la liste des tragédies. Selon la police, les deux hommes se seraient suicidés par pendaison. Cependant, leurs familles soulèvent des questions préoccupantes concernant les circonstances entourant ces décès.