Publicité
Environnement
L’extraction dans des sables mouvants
Par
Partager cet article
Environnement
L’extraction dans des sables mouvants
L’extraction de sable a été bannie en 2001 par l’ex-ministre de l’Environnement, Rajesh Bhagwan, en se basant sur des «données scientifiques de l’Awacs Report de 1993.»
Cette mesure annoncée dans le Budget 2024-2025 pour autoriser l’extraction de sable afin de reconstituer les plages ne convainc pas un grand nombre de personnes concernées. Ainsi, Renganaden Padayachy a indiqué que l’on investira dans des travaux de remédiation sur environ 5 km de littoral – à Bain-Boeuf, Mon-Choisy, Le Morne, Grand-Sable, La Prairie, Grande-Rivière-Sud-Est et Baie-du-Cap.
D’emblée, Vassen Kauppaymuthoo, océanographe et ingénieur en environnement, parle d’erreur fondamentale qui causera plus de problèmes au niveau de l’érosion et de la biodiversité marine. Pour lui, il ne faut surtout pas oublier que l’extraction de sable a été bannie en 2001 par l’ex-ministre de l’Environnement Rajesh Bhagwan, en se basant sur des «données scientifiques de l’Awacs Report de 1993.» L’argument simple, rappelle le principal concerné, est que l’extraction du sable augmente la turbidité de l’eau en relâchant des particules fines qui affectent les coraux et perturbent la lumière dans l’eau.
Les herbiers marins et les crustacés seront grandement affectés par cette décision du gouvernement ajoute l’océanographe. «Ces herbiers marins servent à stabiliser les fonds de la mer. S’ils sont affectés, cela augmentera le risque d’érosion et cela aura aussi un impact sur l’écosystème marin.» Vassen Kauppaymuthoo soutient que c’est aussi une grave erreur du gouvernement de se comparer aux Maldives. (NdlR, dans un article du journal Le Monde en 2022, il est indiqué que «des travaux de remblayage sont devenus un mode de vie aux Maldives. Chaque année, l’opérateur d’État Maldives Transport and Contracting Company mène quatre ou cinq opérations de land reclamation dans l’archipel. Il a dragué 3,2 millions de m3 de sable en 2021, soit près de 5 M de tonnes...»)
L’ingénieur en environnement indique qu’aux Maldives, il y a des bandes de sable mouvants où la vie marine est moindre comparée à Maurice où le sable est établi depuis 4 000 à 5 000 ans. L’autre souci avec l’extraction de sable pour reconstituer les plages est le risque que le sable une fois sur la plage retourne à la mer avec le mouvement des marées et des vagues. «À ce moment-là que fera le gouvernement ? On continuera à pomper le sable ? Il ne faut pas que le gouvernement joue à l’apprenti-sorcier.»
Il fait ressortir qu’il faudrait plutôt prendre des mesures de Climate change vulnerability assessment and adaptation, une étude qui démontre clairement qu’il faudrait se tourner vers des solutions basées sur la nature.
Soit utiliser la nature elle-même pour restaurer les plages. Parmi, revoir les coraux en mauvais état et les structures sur nos côtes – reculer les hôtels de la plage, entre autres, et empêcher que les eaux des égouts ne pénètrent le lagon. «J’ai travaillé avec deux hôtels dans le sud-ouest où nous avons enlevé des structures et favorisé la nature, et où on a permis aux sables de circuler normalement ; il y a eu des résultats concrets et aujourd’hui ; il y a de plages magnifiques à proximité.»
Trop de risques
Chez Adi Teelock, membre de Platform Moris Lanvironnman, même son de cloche. Plusieurs rapports démontrent que l’extraction de sable favorise l’érosion, et dégrade la santé de la faune et de la flore marines. «Même aux Maldives que le gouvernement prend en exemple pour justifier sa démarche, il y a eu mises en garde et contestation car le rapport EIA soumis en 2022 pour un projet de land reclamation avec extraction de sable contenait des mises en garde sur les effets néfastes irréversibles à long terme de cette stratégie. Le ministre de l’Environnement mauricien ne le sait-il pas ?», se demande-t-elle.
Elle soulève aussi plusieurs questions pertinentes. Est-ce que l’extraction de sable est la nouvelle stratégie du gouvernement pour répondre au problème de l’érosion de nos côtes ? Est-ce que le gouvernement sait pourquoi des plages restaurées avec des travaux dits de protection contre l’érosion devant des hôtels ont dues l’être plus d’une fois ? Est-ce que des études/suivis sur le problème de l’érosion à long terme ont été menées pour connaître les raisons de l’inefficacité de ces mesures ?
Le comble, soutient Adi Teelock, est que ce n’est qu’après l’annonce de la décision budgétaire que le ministère de l’Environnement publie un appel d’offres pour une étude visant à préparer des general guidelines pour des travaux de réhabilitation urgents des plages devant les hôtels ! «Le gouvernement savait-il déjà que ces guidelines allaient préconiser l’extraction de sable, est-on tenté de se demander. Alors même que toutes les voix expertes mettent en garde contre l’extraction.» Il ne faut pas, dit-elle, que la Removal of Sand Act soit amendée pour autoriser l’extraction.
Adi Teelock maintient qu’il faut que les hôteliers acceptent le fait que l’extraction comporte trop de risques et va contre leurs propres intérêts à moyen et long termes. «Ils auraient dû depuis longtemps avoir écouté les conseils avisés qui leur disaient de reculer leurs structures en dur car le changement climatique menace les plages. En faisant fi de ces conseils, ils ont eux-mêmes mis leurs plages en péril, et veulent maintenant faire peser les conséquences sur la biodiversité marine et la population dans son ensemble. Le gouvernement devrait lui agir dans l’intérêt du pays à long terme et non dans l’intérêt particulier de quelques-uns à très court terme.»
Publicité
Les plus récents