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Analyse

L’inflation, cadeau empoisonné pour 2024, selon «Conjoncture»

26 décembre 2023, 22:00

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L’inflation, cadeau empoisonné pour 2024, selon «Conjoncture»

Eric Ng Ping Cheun n’y est pas parti la fleur au fusil dans un article intitulé Le piège inflationniste dans la dernière édition de Conjoncture, journal de Pluriconseil. Le numéro 127 de Conjoncture a ceci d’intéressant : les analyses qu’il offre englobent la période qui va de fin décembre 2023 à janvier-février 2024. Parmi les sujets traités, figurent La gouvernance d’entreprise, une révolution inachevée par Jean Claude de l’Estrac, auteur, homme des médias et ex-ministre des Affaires étrangères, Interventionism causes the oil-price shock de Daniel Lacalle, et Grappling with a tight foreign exchange liquidity de Sameer Sharma.

Eric Ng Ping Cheun traite d’un phénomène qui ne disparaîtra certainement pas avec l’an 2023 qui se retire pour laisser la scène à 2024. Il s’agit de l’inflation. Point n’est besoin d’aller très loin pour en trouver la définition. N’importe quel consommateur, surtout ceux au bas de l’échelle salariale, peut faire une dissertation sur le sujet.

Un phénomène qui se manifeste par le fait que le consommateur constate qu’avec la même somme d’argent, il n’est plus en mesure d’acheter la même quantité de produits comme cela était le cas hier. Il lui faut sortir plus de roupies pour acheter le même produit.

Il n’est pas interdit de comparer l’inflation à une érosion du pouvoir d’achat de la monnaie, surtout de la roupie qui, de jour en jour, perd pied dans le panier des devises où les échanges sont réalisés tous les jours. À titre d’exemple, le dollar qui le 20 décembre valait Rs 44,45 coûte trois sous de plus lors des échanges du 21 décembre.

Donnons la parole à Eric Ng Ping Cheun puisqu’il s’agit de son point de vue face à ce phénomène. Il ne se contente pas de jouer avec la définition de l’inflation. Il la met en contexte. «Elle enchante de plus en plus les Mauriciens, la fable de l’État qui pourvoit à tout. Qu’importe si les chèques sans provision du gouvernement d’aujourd’hui sont des impôts de demain. Les gouvernants ne vont pas en prison pour cela – le privilège de l’impunité – à moins qu’on n’introduise une loi sur la responsabilité fiscale pour les punir. Largesses de l’État distribuées à tous du berceau au tombeau, pension de vieillesse sur une base universelle, aides publiques aux entreprises, réajustement des revenus des salariés tous les six mois, hausse conséquente du salaire minimum national… Le gouvernement est là pour dépenser sans compter, et sans effort de la population.»

Dans un tel contexte, sur quoi ce phénomène qu’est l’inflation peut-il déboucher selon l’auteur de Piéger par l’inflation ? Il s’élève contre ceux qui ne veulent pas faire ce petit effort pour voir au-delà des apparences. «Et des hypocrites s’étonnent ensuite», indique-t-il, «que Maurice s’enfonce dans l’endettement et l’inflation. Ayant excessivement créé de la monnaie pendant le Covid, le gouvernement se retrouve maintenant piégé par l’inflation, n’ayant plus l’excuse du prix pétrolier, du fret ou des perturbations d’approvisionnement. L’inflation étant sa meilleure amie, il peut maintenir ses politiques inflationnistes en surfant sur la mollesse des institutions publiques, sur l’obséquiosité des organisations patronales et sur la surenchère des partis de l’opposition. Plus ces derniers promettent monts et merveilles, plus il les prend de vitesse pour s’octroyer la paternité de leurs propositions et les faire taire.»

Pas de consultations du FMI

C’est donc une évidence pour l’auteur que l’inflation est une création du gouvernement. Que réserve donc cette approche à l’économie qui sous-tend la capacité de produire de la richesse pour être en mesure de distribuer ce qui provient de la sueur de son front ? «À ce petit jeu pervers», le qualificatif est de l’auteur du piège inflationniste, «l’économie mauricienne fonce tout droit dans le mur et risque de se retrouver, comme à la fin des années 70, sous la tutelle du Fonds monétaire international (FMI). C’est d’ailleurs un mauvais signe que les consultations du FMI au titre de l’article IV n’ont pas eu lieu à Maurice cette année. De plus, les investisseurs sont préoccupés par le fait que la dernière mise à jour mensuelle du bilan de la Banque de Maurice remonte à août 2023.»

L’octroi d’un salaire minimum et l’entrée en vigueur de l’obligation d’accorder une compensation salariale qui ont fait sourire plus d’un, surtout ceux au bas de l’échelle salariale qui dans leur grande majorité ont chaudement applaudi l’initiative du gouvernement. Eric Ng pense tout simplement autrement et donne les raisons qui le motivent à adopter une telle posture. «C’est en janvier», a-t-il déclaré, «que le salaire minimum de Rs 15 000 entrera en vigueur, mais c’est sur ce montant qu’est calculée la compensation salariale de Rs 1 500, alors même que le calcul est fait d’habitude sur le salaire de décembre. Comprenne qui pourra ! Le ministre des Finances voit dans cette hausse de 43 % du salaire minimum (de Rs 11 575 à Rs 16 500) un ‘investissement’. On aimerait bien connaître le nom de cette nouvelle théorie économique que donner de l’argent pour consommer, c’est investir.»

Voici que s’affrontent sur le plan économique deux écoles de pensée. L’une voit dans le placement de l’argent dans la poche des bénéficiaires sans contrepartie pour consommer une forme d’investissement, alors que pour l’autre, le combat contre l’inflation et le souhait de voir une hausse venir se greffer sur ses salaires actuels devrait obligatoirement découler du fruit de sa sueur. Bref, de la production tant de services que de biens pour voguer afin de tirer profit, même si cela paraît contradictoire, de la sphère économique où tout ou presque se conjugue au rythme de l’inflation qu’il faut combattre avec les armes susceptibles de porter les fruits escomptés au lieu de tout faire pour éviter de l’affronter.

«Il ne fait pas de sens», argue l’économiste Eric Ng Ping Cheun, «de concevoir le salaire par rapport à l’inflation, encore moins au regard de la dépréciation de la roupie (qui est déjà prise en compte dans le calcul de l’inflation). Le salaire, tous les économistes du travail vous le diront, est plutôt une fonction de la production, d’où la notion de la capacité de payer dans toute augmentation salariale. Sans la production, il n’y a pas de salaire. Que l’inflation soit élevée ou non, que la roupie se déprécie ou pas, c’est la production qui dicte le niveau salarial.»

Ces deux écoles de pensée ont jusqu’à la publication du prochain numéro de Conjoncture pour vérifier laquelle de ces deux approches aura été plus proche des faits et de la réalité.