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Colloque «VIH, Hépatites et Addictions» aux Seychelles
L’Océan indien veut surmonter les barrières pour vaincre le sida en 2030
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Colloque «VIH, Hépatites et Addictions» aux Seychelles
L’Océan indien veut surmonter les barrières pour vaincre le sida en 2030
L’Océan indien (OI) se dit déterminé à vaincre le VIH dans sept ans. La région est équipée, et les réponses ont été mises en place. Les résultats dépendent de la volonté qui sera déployée pour enlever les barrières qui freinent les avancées. Les îles sont confrontées à des situations similaires avec une hausse dans les nouveaux cas malgré les progrès réalisés. C’est ce qui est ressorti du 19e colloque «VIH, Hépatites et Addictions» océan Indien aux Seychelles.
L’arrivée de nouvelles drogues plus dangereuses, la résurgence des infections sexuellement transmissibles (IST), la corruption, la stigmatisation, la discrimination, le manque de cohésion sur certains projets et la réticence des institutions à adopter des méthodes plus efficaces sont parmi les défis à relever. Aux Seychelles du 13 au 15 novembre, le pays hôte ainsi que Maurice, La Réunion, les Comores, Mayotte et Madagascar ont écouté les experts et les membres de la société civile, quatre ans après le dernier colloque.
D’ici 2030, la région OI est confiante de pouvoir mettre fin au sida, comme préconisé par le Pro- gramme commun des Nations unies sur le VIH/sida (ONUSIDA).«Nous pouvons vaincre le VIH. Nous travaillerons dur pour y arriver», a déclaré Peggy Vidot, ministre de la Santé des Seychelles, mercredi dernier, lors de la clôture des travaux du colloque. La connaissance du virus, le dépistage, le traitement, les modes de prévention, les expertises, les moyens techniques et humains, et d’autres outils sont présents dans la région pour contrer la propagation du VIH. Lors des dis- cussions, lancées le 13 novembre, les avancées faites dans chaque pays ont été présentées et saluées.
Cependant, le constat fait aussi état de nombreuses barrières qui subsistent et qui pourraient contrecarrer les bonnes intentions. La stigmatisation, la discrimination, les inégalités dans la qualité des services et de l’accès aux ressources, le manque d’engagement de certaines institutions, l’absence de coordination et de cohésion entre cer- tains programmes, et les réticences face à certaines bonnes pratiques en sont quelques-unes. S’y ajoute un trafic de drogue dynamique qui canalise de nouveaux produits plus nocifs et compliqués à gérer dans la région.
Entre-temps, une hausse dans la contamination au VIH et aux IST est observée chez les hétérosexuels, les jeunes et les femmes de la région, dont Maurice. Ce, alors que de nouvelles tendances et pratiques, comme le Chemsex (sexe sous drogues), le non-accès à du matériel de prévention et l’accès limité à l’information favorisent les transmissions et les dépen- dances puisque les bonnes pratiques ne sont pas observées.
Wavel Ramkalawan : «le VIH, les hépatites et les addictions ravagent nos nations»
Un appel à la mise en commun des efforts a été lancé de Beau-Vallon en présence des 200 délégués venant de Maurice, des Seychelles, de Madagascar, des Comores, de La Réunion et de Mayotte. Présent lors de l’ouverture, Wavel Ramkalawan, président des Seychelles, a déclaré : «Le VIH, les hépatites et les addictions ravagent nos nations, nos communautés ou nos familles.Nous voulons ensemble œuvrer pour des solutions durables. L’intégration et l’accessibilité de nos systèmes de soins ainsi que la disponibilité indéfectible de nos prestataires sont essentielles pour ces maladies qui exigent des soins bien centrés sur la personne. S’approcher, c’est se fédérer. Nous ne voulons pas répéter les erreurs des uns et des autres. Bien au contraire nous voulons apprendre d’elles et faire bon usage de bonnes pratiques qui ont fait leurs preuves dans chacun de nos pays et ailleurs.» En sus des différentes instances régionales, l’AIDS and Rights Alliance for Southern Africa, l’Organisation mondiale de la santé et les instances onusiennes, telles le Fonds des Nations unies pour le développement, l’UNSIDA, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC), étaient présentes pour aider à la réflexion.
La situation dans les pays, les progrès dans la lutte contre l’hépatite C, les opioïdes dans l’océan indien, les nouvelles substances, les voies empruntées par les trafiquants, les nouveaux traitements, la sexualité, la discrimination et la stigmatisation, le self-testing et l’addiction ont été parmi les sujets discutés lors des ateliers. La parole a aussi été accordée aux jeunes, et aux personnes infectées et affectées avant la clôture des travaux. Ces dernières ont fait entendre les difficultés auxquelles elles sont toujours confrontées à plusieurs niveaux en société. Le souhait a aussi été exprimé que davantage de représentants de la communauté puissent prendre la parole lors de l’ouverture du colloque qui aura lieu à Madagascar.
Dr Catherine Gaud : «rien de plus important qu’une vie»
«Nous faisons tout cela parce qu’il n’y a rien de plus important qu’une vie.» C’est l’un des principaux messages adressés par la Dr Catherine Gaud aux délégués présents aux Seychelles. Elle a rappelé que les réponses sont connues pour préserver toutes ces vies quand il est question de la santé reproductive et de l’addiction. Il est nécessaire de communiquer avec les outils et le langage adéquats pour atteindre les populations, dont les jeunes. La prévention et le plaidoyer, doivent, a dit la Dr Gaud, rester au centre des actions pour lutter contre la discrimination et la stigmatisation. Elle a salué la présence de différents partenaires, dont AIDS and Rights Alliance for Southern Africa (ARASA), la Plateforme océan Indien (PFOI), la Communauté de développement d’Afrique Australe (SADC) et la Commission de l’océan Indien (COI), entre autres.
La mise en commun des efforts, a-t-elle ajouté, est primordiale pour avancer. Cheville ouvrière du colloque, qui fut son initiative il y a 22 ans, la Dr Catherine Gaud a expliqué comment la coopération a permis à la situation de s’améliorer et à sauver des vies. Saluée par les participants à cette rencontre, elle a rappelé que la coopération a commencé quand une Mauricienne enceinte est venue à La Réunion dans les années 90 pour se faire soigner après avoir été testée positive à VIH. Juste après, son service accueillait un autre Mauricien, un enfant seychellois dont la mère était morte de causes liées au sida. Il y eut ensuite des Malgaches et des Comoriens. Tous allaient au plus mal et n’avaient pas accès au traitement chez eux. Ils ont été traités et sauvés à La Réunion à cette époque : «Aujourd’hui, ils sont tous toujours en vie», a fait ressortir la Dr Gaud.«En ce temps, nous nous sommes rendu compte de la grande injustice qui séparait les îles en matière de prise en charge des personnes vivant avec le VIH. Dans toutes les îles, les gens se sont levés et les gouvernements se sont mobilisés pour améliorer les choses. Nous avons dit non à la discrimination, à la stigmatisation.»
Dr Mété : «la détox peut être criminelle»
«La désintoxication des personnes souffrant de dépendance aux drogues ne fonctionne pas dans 90 % des cas. Cela, on le sait depuis les années 60. De plus, elle met la vie des usagers en danger parce qu’en rechutant et en recommençant à prendre des produits, ces derniers encourent le risque d’une overdose. La désintoxication peut être criminelle et peut être considérée comme étant un acte allant à l’encontre des droits quand on l’impose à une personne.» C’est ce qu’a déclaré le Dr Mété, addictologue. Il plaide en faveur de la thérapie de maintenance, et de l’encadrement à la fois physique, psychologique et social des personnes touchées.
Parlant de la méthadone, il a demandé que les doses soient respectées afin que l’usager ne souffre pas de manque. Ce qui lui imposera des souffrances qui pourraient le conduire vers la prise de substances illicites. Le Dr Mété favorise aussi l’usage de la Naltrexone pour des complications liées aux nouvelles drogues.
L’addictologue a plaidé pour un changement de regard face aux usagers souffrant de dépendance : «Nous oublions qu’il y a différentes formes d’addiction : l’alcool, la cigarette, les écrans, etc. Nous sommes tous concernés, mais, à nos yeux,le drogué, c’est toujours l’autre. Personne ne rêve de devenir dépendant. L’addiction ne relève pas d’un choix, tout comme le sont le diabète, l’hypertension. Mais les usagers sont victimes de stigmates et de discrimination qui restreignent leurs capacités d’avoir accès aux soins et aux outils de prévention.Nous oublions qu’ils sont des humains, des mères, des pères, des enfants. On ne voit que leur addiction.»
Le «self-testing» bientôt une réalité à Maurice
La possibilité pour une personne de procéder elle-même à son dépistage au VIH sera très prochainement une réalité. Les représentants du pays au colloque ont expliqué que Maurice étudie le protocole qui sera appliqué pour le self-testing qui a été déjà approuvé. Engagées sur la même voie, les Seychelles ont mené une étude concluante sur le sujet. La majorité des volontaires qui ont pris part à l’étude ont pu réaliser leurs tests sans difficulté. Ce qui encourage le pays à aller de l’avant avec cette mesure qui a pour but de permettre aux personnes vivant avec le VIH de connaître leur statut sérologique. De là, elles pourront prendre soin de leur santé et limiter la propagation du VIH.
La corruption soutient l’arrivée de nouvelles drogues
Au banc des accusés: la corruption. Celle qui est présente dans différentes institutions dans la région et qui permet au trafic de drogues de proliférer. C’est ce que déplorent plusieurs experts, dont l’addictologue, le Dr Mété, de La Réunion. «À quoi servent tous les efforts mis en place si la corruption continue à soutenir les trafiquants ?», demande-t-il.
Déjà impactées par les drogues depuis les années 80, les îles de l’OI assistent aujourd’hui à une hausse dans l’importation et la consommation de substances encore plus nocives et difficiles à traiter. Parmi ses produits: la méthamphétamine, la cocaïne et les nouvelles drogues synthétiques alors que des cas de fentanyl ont été rapportés. Ce sont quelques-unes des observations partagées par l’UNODC lors du colloque. Son expert, Boniface Wilunda, a expliqué comment le trafic continue à évoluer par voie marine en créant différentes routes qui relient les nations. Ce trafic bénéficie d’un ensemble de complicités pour l’entrée des drogues, la distribution, la vente et le blanchiment. Les personnes actives sur le terrain et dans les prisons partagent les mêmes observations.
La prévention, le renforcement des capacités des communautés et l’encadrement des personnes souffrant de dépendance doivent être prioritaires, disent les spécialistes. Il en est de même pour les programmes de réduction des risques, dont l’échange de seringues et la thérapie de maintenance à la méthadone. À ce niveau, Maurice a parlé du plan mis en place pour délocaliser les points de dispensation des postes de police.
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