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Enquête

Lockdev Hoolash : L’ancêtre loyal de Missie Moustass

5 juillet 2025, 08:00

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Lockdev Hoolash : L’ancêtre loyal de Missie Moustass

Il avait la moustache d’un commissaire sorti d’un vieux polar. Droite, soignée, silencieuse comme lui. Port-Louis, dans les ruelles étroites du pouvoir, Lockdev Hoolash n’était pas un homme. Il était une présence. Invisible. Dense. Redoutée.

On ne prononçait son nom qu’à demimots : Hoolash. L’homme qui savait. L’homme qui notait. L’homme qui n’oubliait rien.

Il fut longtemps les yeux et les oreilles de sir Anerood Jugnauth. À l’époque où la République marchait encore au pas cadencé des anciens empires, Lockdev commandait le National Security Service comme un vieux capitaine son navire, sans GPS, mais avec un instinct redoutable. Pas de logiciels israéliens ni de serveurs occultes. Lui, c’était le terrain. Des informateurs fidèles jusqu’en Inde. Des relais en Afrique de l’Est. Des carnets en cuir noir, épais de secrets jamais livrés.

Lockdev Hoolash, c’était la méthode. L’école d’avant. Avant Missie Moustass et ses écoutes sauvages. Avant les fuites virales et les logiciels espions achetés sous la table. Avant que le pouvoir ne bascule de l’humain à l’algorithme.

Son histoire est celle d’un homme à l’ancienne, dans un monde trop neuf. Il fut de ces hommes dont le silence fait trembler les puissants.

«Il ne parlait pas, il agissait», dit de lui un ancien commissaire. Il agissait pour le régime. Mais dans les règles. Ou du moins, dans sa propre lecture de la loi. Pas d’enregistrements volés, pas de manipulations à la petite semaine. Lui, c’était l’opérationnel pur. Un filet de pêche géopolitique. Et un carnet d’adresses que même Interpol enviait.

Il savait tout de l’affaire Kistnah. De Mapu- to aux quais de Port-Louis, en passant par les Casernes et certaines chambres d’hôtel. Il savait que ce courtier arrêté pour 135 kilos d’héroïne n’était qu’un pion. Il savait aussi que Lilram Deal, SP aux dents longues, rêvait de remplacer le vieux lion du NSS. Ce dernier le laissa faire. Sans mot dire. Sans riposte. Mais en prenant note.

🟦 Mission Maputo

Mars 2017. Il part au Mozambique en mission discrète avec Lilram Deal. Objectif : Navind Kistnah. Rapatriement stratégique. Pas de convocation officielle. Pas de trace écrite. Une mission sans retour. Ce fut sa dernière en tant que chef des services. Peu après, il est déplacé. Un exil interne, version Casernes centrales. On appelle cela une mutation, mais dans les milieux du renseignement, c’est une révocation avec les honneurs.

«Il savait qu’il en savait trop», confie un ancien de l’ADSU. Alors il se tut. Définitivement. Plus de commentaires, plus de rapports. Il vivait à Terre-Rouge, avec sa femme, ses souvenirs et ses carnets.

Dans ses lettres, il parlait peu de ses missions. Il parlait de sa fille, Geordina, disparue trop tôt. Et de la douleur de survivre à son enfant. Une douleur qui efface tout, même les secrets d’État.

Il était de la trempe de ces flics qu’on oublie dès qu’ils ne sont plus utiles. Il n’était pas MSM, disaient certains. Il était SAJ. Et SAJ n’était plus là.

Mais dans les dossiers classifiés, dans les rapports jamais déclassifiés, dans les opérations jamais revendiquées, son nom apparaît encore. En initiales. En annotations. En post-scriptum.

🟦 Un homme que l’on n’a pas su remplacer

Aujourd’hui, les services de renseignement ne jurent que par la surveillance numérique. Par les algorithmes et les predictive models. Mais aucun logiciel ne peut remplacer l’intuition d’un homme qui a marché, écouté, observé.

Il a peut-être quitté la scène mais il n’a jamais quitté l’Histoire. Son héritage n’est pas fait de mots. Il est fait de silences. De regards. De choix.

Il est, sans doute, l’ultime policier du XXe siècle, perdu dans un XXIe siècle qu’il comprenait trop bien pour s’y sentir à sa place.

On dit que ses carnets ont disparu. On dit qu’ils contiennent encore des noms, des codes, des mémos. On dit tout et son contraire. Mais une chose est sûre : l’homme qui fut le gardien du secret est parti sans trahir aucun d’eux.

Et dans une île qui oublie vite, il restera l’exception : un homme loyal jusqu’au silence. Un fantôme respecté. L’ancêtre de Missie Moustass. Le dernier des justes en uniforme.

🔶 Nœuds mauriciens

🔵 Casernes centrales – Siège opérationnel de coordination NSS.

🔵 Port-Louis Harbour – Zone logistique surveillée/surveillance douanière.

🔵 Moka – Cellule de contact interservices (non officielle)

🔵 Curepipe – Point d’ancrage de certains informateurs communautaires.

🔵 Prime Minister’s Office (PMO) (ancien bureau) – Rapports confidentiels hebdomadaires.

🔶 Axes internationaux

🔵 Dakar (Sénégal) – Séminaire de formation (2009) : premiers contacts avec les renseignements ouest-africains.

🔵 New Delhi/Chennai – Collaborations régulières avec la Research and Analysis Wing, surtout sur les affaires tamoules.

🔵 Nairobi – Échanges sécuritaires dans le cadre du Drug Corridor East Africa.

🔵 Maputo – Opération de rapatriement non documentée (Kistnah 2017).

🔵 Johannesburg/Durban – Liaison logistique sur le trafic maritime (dossiers Veeren / Ramdin).

🔶 Types de relations dans le réseau

🔵 Informateurs locaux : Cercles communautaires, douaniers, dockers, anciens policiers.

🔵 Relais internationaux : Agents diplomatiques, anciens militaires sud-africains, officiers anti-narcotiques.

🔵 Couverture institutionnelle : Mission PMO, unités Counter Terrorism Unit (CTU), parfois avec l’appui discret du ministère des Affaires étrangères.

🔶 Extraits de carnet

«Maputo confirmé. Pas de communication par ligne. Deal pas clair. Contact S. dans 72 heures. Risque sur port. Revoir plan B avec C. si échec extraction.»

(Note manuscrite, mars 2017)

«Il avait un carnet pour chaque mission. Mais c’était son carnet personnel, pas le registre officiel. Il codait tout. Même la couleur de l’encre avait une signification», confie un ancien du CTU.

«Ce que Hoolash a laissé derrière lui n’est pas une affaire classée. C’est une bibliothèque fermée à clé, sans personne pour dire où se trouve la serrure.»

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