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Baisse de la fécondité

L’ONU alerte sur une crise du libre arbitre procréatif

12 juin 2025, 07:00

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L’ONU alerte sur une crise du libre arbitre procréatif

La véritable crise de la fécondité n’est ni la surpopulation, ni le déclin démographique, mais l’incapacité de millions de personnes à fonder la famille qu’elles souhaitent, dénonce l’ONU dans son rapport 2025 sur l’état de la population mondiale, publié mercredi par le Fonds des Nations Unies pour la population.

Dans son rapport annuel 2025 sur l’état de la population mondiale, l’UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la population) alerte sur une crise mondiale de la fécondité d’une nature inattendue : ce n’est ni la surpopulation ni la dépopulation qui menacent l’équilibre démographique, mais l’incapacité persistante de millions de personnes à exercer librement leurs choix en matière de procréation.

Intitulé La véritable crise de la fécondité : La quête du libre arbitre en matière de procréation dans un monde en mutation, le rapport souligne que dans les 14 pays étudiés, qui représentent ensemble plus d’un tiers de la population mondiale, un grand nombre d’hommes et de femmes restent privés de la possibilité de décider combien d’enfants ils souhaitent avoir, à quel moment et dans quelles conditions.

«La démographie est souvent abordée sous l’angle de l’inquiétude : vieillissement de la population, déclin des taux de natalité ou, à l’opposé, surpopulation et épuisement des ressources», explique la directrice exécutive de l’UNFPA, Dr Natalia Kanem. «Mais la véritable crise réside ailleurs : dans l’absence de libre arbitre procréatif.»

🔵 Une diversité démographique mondiale

Le rapport souligne l’extrême diversité des trajectoires démographiques selon les pays. Tandis que certaines régions affichent encore des taux élevés de fécondité, d’autres connaissent des taux historiquement bas, parfois inférieurs au seuil de renouvellement des générations (environ 2,1 enfants par femme). D’après l’ONU, une personne sur quatre vit aujourd’hui dans un pays dont la population a déjà atteint son pic démographique.

Loin de l’alarmisme ambiant qui évoque des crises de «dépopulation» ou de «baby bust», l’UNFPA appelle à dépasser ces débats binaires pour se concentrer sur les besoins individuels. Car, quelles que soient les tendances globales, de nombreuses personnes dans le monde ne parviennent toujours pas à réaliser leurs aspirations en matière de fécondité.

🔵 Des écarts profonds entre désirs et réalité

L’enquête menée avec l’institut YouGov sur plus de 14 000 adultes révèle des écarts importants entre le nombre d’enfants souhaité et le nombre effectivement eu. Ainsi, parmi les personnes de plus de 50 ans interrogées, 31 % déclarent avoir eu moins d’enfants que désiré, et 12 % en avoir eu davantage que prévu. Chez les personnes en âge de procréer, 18 % estiment qu’elles n’auront pas la famille qu’elles souhaitaient.

Au total, près d’une personne sur trois indique avoir vécu au moins une grossesse non intentionnelle, et 23 % déclarent avoir rencontré des difficultés à concevoir au moment souhaité. Près de 13 % cumulent ces deux situations, signe des lacunes persistantes des systèmes de santé et de soutien à la parentalité.

🔵 L’économie, obstacle majeur aux projets familiaux

Les contraintes économiques constituent de loin le principal frein évoqué par les répondants. Selon l’étude, 39 % des personnes souhaitant des enfants indiquent que les difficultés financières ont limité ou limiteraient leur capacité à agrandir leur famille. L’emploi précaire, le coût élevé du logement, l’absence de solutions de garde d’enfants abordables, mais aussi les inquiétudes sur l’avenir climatique et géopolitique figurent parmi les principaux facteurs dissuasifs.

Les questions de santé, notamment les troubles de la fertilité ou l’accès limité aux soins reproductifs, concernent 24 % des personnes interrogées. Les craintes liées à l’avenir, qu’elles soient environnementales, politiques ou sanitaires, touchent environ 19 % des répondants.

🔵 Des normes sociales encore pesantes

Au-delà des facteurs économiques et sanitaires, les normes sociales et les dynamiques de couple jouent également un rôle important. Quatorze pour cent des participants mentionnent l’absence de partenaire ou le manque d’implication de celui-ci dans les tâches domestiques comme obstacle à la réalisation de leurs projets familiaux.

«Les jeunes générations expriment de plus en plus le besoin d’une coresponsabilité parentale équilibrée. Les femmes sont presque deux fois plus nombreuses que les hommes à évoquer le partage inégal des tâches comme frein à la parentalité», souligne l’UNFPA.

🔵 L’exemple indien : une évolution générationnelle

Le rapport illustre ces évolutions à travers des témoignages recueillis en Inde, désormais le pays le plus peuplé du monde avec près de 1,5 milliard d’habitants. Au fil des générations, l’accès à l’éducation, aux soins de santé reproductive et à la contraception s’est amélioré, permettant aux femmes indiennes de mieux planifier leur maternité. Mais de nombreuses barrières sociales et économiques subsistent encore.

Ainsi, Saraswati Devi, aujourd’hui âgée de 64 ans, raconte comment, mariée à 16 ans, elle a donné naissance à cinq fils sous la pression sociale et familiale. Sa belle-fille Anita, mariée à 18 ans, a quant à elle pu limiter sa descendance à deux enfants, grâce à un meilleur accès aux services de santé reproductive. La fille d’Anita espère, elle, repousser l’éventualité d’une maternité jusqu’à avoir pleinement achevé ses études et stabilisé sa situation professionnelle.

🔵 Des politiques publiques à repenser

Face à ces constats, l’UNFPA appelle à rompre avec les politiques démographiques visant à réguler la fécondité – qu’elles soient natalistes ou antinatalistes – au profit d’une approche centrée sur les droits individuels et le libre choix.

«Les politiques qui cherchent à contraindre les individus dans un sens ou dans l’autre sont souvent inefficaces, voire contre-productives», prévient l’agence onusienne. «L’urgence est d’investir massivement dans l’autonomie procréative : garantir un accès universel aux soins de santé sexuelle et reproductive, lutter contre les discriminations de genre, offrir un soutien financier et social aux familles, et créer un environnement propice à des choix libres et éclairés.»

En redonnant aux individus la maîtrise de leur parcours reproductif, ces investissements profiteraient non seulement aux familles, mais aussi aux sociétés entières, en limitant les coûts économiques liés aux grossesses non désirées et en favorisant une participation accrue au marché du travail.

🔵 «Redonner de l’espoir et de la confiance»

Au final, l’UNFPA plaide pour replacer les désirs individuels au cœur des débats démographiques. «Il s’agit de permettre à chaque personne qui le souhaite de connaître les joies et les satisfactions de la parentalité dans des conditions favorables, et de restaurer la confiance en l’avenir», conclut la directrice exécutive Natalia Kanem.

L’agence espère que ce rapport contribuera à initier des discussions politiques nouvelles, loin des discours alarmistes, et centrées sur la protection des droits et des choix procréatifs dans un monde en mutation rapide.

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