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Érosion côtière
L’urgence de prendre des mesures axées sur la nature et d’enlever les structures artificielles
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Érosion côtière
L’urgence de prendre des mesures axées sur la nature et d’enlever les structures artificielles
L’érosion côtière est de plus en plus grave. Nos plages se rétrécissent.
Après le passage de Belal, les images de dégâts sur le littoral et aux structures de certains hôtels et de fronts de mer ne laissent pas insensibles. Ces dégâts feront-ils enfin prendre conscience de l’ampleur du problème de l’érosion et de l’urgence de prendre de vraies mesures pour protéger ce qu’il nous reste de plage ?
«On ne peut que l’espérer», soutient Adi Teelock de Platform Moris Lanvironnman (PML). Sur 322 km de côtes 83 % sont des plages de sable, qui connaissent un rétrécissement inquiétant. Divers projets ont été mis en œuvre le long de la côte pour prévenir et contrôler l’érosion des plages mais certaines mesures se sont avérées vaines.
La formation d’une plage de sable repose sur la dynamique des grains de sable qui la constituent. Par conséquent, pour maintenir son caractère sablonneux, il est essentiel que les grains de sable emportés soient constamment remplacés par de nouveaux. Cela se fait par les mouvements marins en cours. Cette dynamique est influencée par les courants marins, les vagues, les houles et la montée du niveau de la mer, ainsi que par la production de sable dans le lagon.
Lorsqu’une plage subit une érosion, le nombre de grains de sable qui s’en vont est plus important que le nombre qui y sont apportés par l’eau. L’élévation du niveau de la mer est de 5,6 mm par an, soit près de deux fois la moyenne mondiale, qui est de de 3,3 mm. La montée du niveau de la mer s’accélère car l’Antarctique est en train de fondre, de la même manière que le changement climatique n’est plus linéaire mais exponentiel - plus le temps passe, plus il s’accélère.
Vassen Kauppaymuthoo, ingénieur en environnement et océanographe, fait ressortir qu’«une hausse d’un centimètre du niveau de la mer peut avoir un impact sur 10 mètres de plages. Ce n’est pas négligeable, même si cela ne représente que quelques millimètres.(…) Alors que la plus grande part de notre zone côtière se situe à deux mètres d’altitude, nos magnifiques plages sont vulnérables.»
De plus, la houle et les vagues, entre autres, sont influencées par la circulation atmosphérique. Les cyclones sont plus puissants. «Si nous avons davantage d’énergie dans l’atmosphère, cela se traduit par une augmentation du vent et des vagues ayant plus d’énergie, ce qui entraîne l’érosion du sable et la destruction des coraux.Car les récifs coralliens, qui devraient dissiper l’énergie des vagues, sont en train de périr. En conséquence, les vagues plus fortes accélèrent l’érosion côtière.»
Encore une fois, les récifs sont en train de mourir en raison de plusieurs causes toutes liées à à l’activité humaine - la pollution, l’acidification des océans due à l’augmentation de la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, les maladies déclenchées dans les récifs coralliens par l’élevage en aquaculture, les bateaux, entre autres. «Les grains de sable sont souvent les squelettes d›organismes marins. Si ces derniers sont aussi affectés par le réchauffement climatique et l’acidification, moins de sable est produit naturellement», ajoute-t-il.
Structures accentuant la dégradation
«Par rapport à l’érosion, il n’y a pas de solution», fait comprendre Vassen Kauppaymuthoo. «Car le niveau de la mer va continuer à monter, les cyclones vont être plus puissants. Malheureusement, on observe actuellement la tendance d’ériger des structures en roche ou béton sur les côtes pour lutter contre l’érosion. Cependant, cela accélère le phénomène d’érosion déjà existant en raison des changements climatiques. Toutes ces structures mises en place pour contrer l’érosion accélèrent les courants, reflétant l’énergie plutôt que de l’absorber et prend plus de sable.»
«Comment peut-on en même temps demander des fonds climat pour bâtir la résilience du littoral face au changement climatique et maintenir des structures qui accroissent notre vulnérabilité ?», demande pour sa part Adi Teelock. Elle rappelle que dans le Midterm Review of the Implementation of the Sendai Framework for Disaster Risk Reduction 2015-2030 de 2022, l’EWS est cité comme un accomplissement dans l’adaptation au changement climatique pour laquelle Maurice a reçu des fonds conséquents.
Elle est d’avis que le gouvernement et les opérateurs économiques ont une responsabilité partagée.«On sait par exemple que le set-back de 30m de la ligne de haute marée ne tient plus la route, mais des hôtels sont encore construits avec cette distance de set-back. Il était connu depuis au moins 15 ans que les structures en place alors que le set-back en vigueur était de 15 m allaient non seulement se retrouver pieds dans l’eau à l’avenir mais allaient amplifier la dynamique d’érosion des plages. Elles ont néanmoins été maintenues.» Elle estime qu’avec les conséquences que l’on constate, les responsabilités doivent être assumées.
Selon Vassen Kauppaymuthoo, «il faut prendre en compte le contexte général et résoudre les problèmes à la source avant de mettre en œuvre de beaux projets. Il est nécessaire d’adopter des mesures axées sur la nature en enlevant les structures artificielles et permettre à la plage de se stabiliser naturellement. Rétablir un équilibre avec une gestion intégrée de la zone côtière constitue des solutions à court terme. Cela pourrait inclure la restauration des récifs coralliens et, entre autres, la préservation des mangroves. À moyen et long termes, il faudrait relocaliser les activités situées sur la côte ainsi que les habitants.»
Inondations meurtrières et destructrices
Adi Teelock fait ressortir que ce que le littoral a connu est une inondation côtière causée par une onde de tempête (storm surge). Ce phénomène a amplifié l’impact des pluies intenses que certaines régions comme Port-Louis ont connues. Incapables d’évacuer en mer, ces torrents d’eaux boueuses ont causé les inondations meurtrières et destructrices du lundi 15 janvier. «À Canal Dayot, la conjonction des deux phénomènes a donné lieu à des inondations ravageuses, mais il faut aussi sans doute y ajouter des structures d’atténuation mal conçues ou mal exécutées. Tout comme il faut dans le cas de Port-Louis, parler de structures (et de détritus) qui obstruent les canaux. Il est important de parler des deux phénomènes car ils ont un impact sur le littoral et ont des points communs comme la prévision et des structures amplificatrices de l’impact.» Ces inondations et ondes de tempête étaient prévisibles. «En tout cas, Maurice s’est doté d’outils pour parer au maximum aux désastres. Ont-ils été utilisés efficacement ? De toute évidence, non.»
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