Publicité

Portrait croqué vif

Maneesh Gobin, ou la vanité d’une ascension précipitée

2 mars 2025, 12:45

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Maneesh Gobin, ou la vanité d’une ascension précipitée

14 septembre 2017. Maneesh Gobin prête serment comme Attorney General après la démission de Ravi Yerrigadoo dans le sillage de l’affaire Bet 365.

Si l’on devait raconter l’histoire de Maneesh Gobin à un jeune, il y trouverait tous les ingrédients d’une ascension politique spectaculaire, mais aussi la trajectoire d’un homme dont l’intelligence n’a jamais su dépasser sa propre suffisance. Il n’y a pas plus dangereux, dans les couloirs du Sun Trust, qu’un homme qui croit maîtriser les secrets d’une maison dont il n’a jamais possédé la clé.

Il entre en politique comme on entre dans une maison de campagne dont la porte est restée entrebâillée. Personne ne le remarque vraiment, mais il est là, discret, silencieux, carnet en main, notant les humeurs, les inimitiés, les alliances du jour. Il n’a ni charisme ni aura. Mais il a ce talent, propre aux courtisans de province, de murmurer juste assez fort pour être entendu, juste assez bas pour ne pas déranger, confie un ancien ministre MSM.

L’homme se croit stratège. En coulisses, il avait prédit que Nando Bodha, pilier historique, ne quitterait jamais le MSM. C’était là son erreur originelle : confondre la servilité de certains avec la fidélité de tous. Il n’avait pas compris que Bodha, comme les grands fauves de la politique, savait quand il était temps de quitter la savane brûlée. Gobin, lui, ne connaît pas cet instinct. Il est resté. Il est monté. Il s’est cru intouchable. Il était surtout aveugle à la vitesse à laquelle les palais politiques transforment les alliés d’hier en traîtres de demain.
lexp - 2025-03-02T165533.766.jpg En compagnie de Pravind Jugnauth dans les jardins du Réduit.

Son ascension a tout du miracle administratif. Il n’a ni les épaules d’un tribun, ni la finesse d’un négociateur, mais il possède la qualité essentielle des hommes du second rang : il sait plaire au prince. Pravind Jugnauth, qui cherche moins des talents que des loyalistes, voit en lui un soldat fidèle, capable d’ânonner la ligne du parti sans frémir. De fil en aiguille, le soldat devient ministre, puis gardien du temple judiciaire, là même où se croisent les ambitions les plus vénéneuses et les secrets les plus inavouables.

Maneesh Gobin, comme tous les médiocres enivrés de pouvoir, confond la fonction et la stature. Il croit que devenir Attorney General suffit à lui conférer la gravité des hommes d’État. Mais le costume est trop grand. Dans chaque intervention, il y a ce tremblement à peine perceptible, ce doute qui le ronge et qu’il maquille par une arrogance de commande. Ce n’est pas un homme sûr de lui que l’on voit au Parlement, c’est un homme terrorisé à l’idée de tomber, cramponné à son pupitre comme à une bouée.

lexp - 2025-03-02T165159.350.jpg Maneesh Gobin, alors président du comité parlementaire de l’ ICAC, se rendant en Cour suprême, le 15 janvier 2016.

Les scandales s’enchaînent, et toujours il reste. Il se pense protégé par son habileté à se courber juste ce qu’il faut devant le Premier ministre. Il se rêve indispensable. Pourtant, chaque scandale écorne un peu plus son reflet dans les couloirs du Sun Trust. Il s’imagine garde du corps de ses collègues, bouclier de Ramano ou d’autres. Mais personne n’a jamais voulu de son bouclier. Dans l’univers impitoyable du MSM, on se protège soi-même ou l’on meurt. Gobin n’a jamais compris cette règle.

L’affaire Franklin, la saga des terres de Grand-Bassin, l’ombre persistante des gratifications occulte : chaque scandale est une fissure dans la statue fragile qu’il s’est sculptée. Il croyait manipuler les fils invisibles de la justice, mais ce sont ces mêmes fils qui l’ont lentement étranglé. Quand il est finalement arrêté, ce 28 février, il n’y a pas de surprise. Seulement une fin logique. L’homme, qui croyait pouvoir jouer avec la loi, tombe sous son propre poids, lesté par des années de compromissions minuscules, de faveurs accordées, de silences coupables.

Maneesh Gobin est de ces hommes que l’Histoire oubliera vite. Non par injustice, mais parce qu’il n’aura laissé que l’empreinte fugace des subalternes ambitieux. Il restera une note de bas de page dans la longue chronique des vanités mauriciennes.

Publicité