Publicité

Portrait

Marie Michelle Jean Pierre: le chemin qui est le sien…

3 septembre 2023, 21:20

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Marie Michelle Jean Pierre: le chemin qui est le sien…

Depuis son enfance, plusieurs complexes ont gangrené son existence : sa peau d’ébène, ses cheveux crépus, sa grande taille et son strabisme. Ces complexes ont fait d’elle l’objet de moqueries constantes dans sa Cité EDC à Rivière-Noire, à l’école primaire, et même au sein de sa famille. Tout cela se déroulait dans un climat de violence familiale permanente, avec un père alcoolique, coureur de jupons, schizophrénique, parfois drogué et souvent absent. Tout était réuni pour qu’elle commence une descente aux enfers qui aurait pu la conduire à devenir mère célibataire, dépendante de la drogue et errant dans les rues. Cependant, elle s’en est sortie en choisissant la voie la plus difficile, celle de l’effort constant et des sacrifices soutenus, afin d’obtenir sa licence et son Postgraduate Certificate (PGCE), assurant ainsi un bel avenir à ses deux enfants.

Le chemin qu’elle a parcouru jusqu’à présent est raconté dans son autobiographie intitulée Ce chemin qui est le mien (imprimée par IPC). C’est un récit sans complaisance, sans artifice, qui lui a permis de se libérer de ses démons, de ses complexes, d’accepter la couleur de sa peau et d’assumer sa grande taille après une opération. Ce fut un parcours difficile, une sorte de calvaire qui l’a conduite au sommet malgré les nombreux obstacles qu’elle aurait pu rencontrer en chemin. Sa foi ne l’a jamais abandonnée.

Marie 1.JPG En classe... pour dire à ses élèves que tout est possible !

Pourtant, pour cette enfant qui a grandi dans une Cité EDC, toutes les conditions semblaient réunies pour un destin tragique. Son origine modeste, ses grands-parents dépendant de la famille de Ravel à Rivière-Noire, des parents démunis, un père pêcheur analphabète et violent, une famille de cinq enfants vivant dans une petite cabane de 40 mètres carrés, entourés de pauvreté, de latrines et d’alcool, une scolarité interrompue par des tâches ménagères lourdes, le tout dans un climat de tension peu propice à l’épanouissement d’une jeune fille.

Marie 2.JPG Marie Michelle aux côtés de ses deux enfants Zoé et Alexandre qui regardent l’avenir en toute sérénité…

L’école est devenue son oasis... «J’adorais aller en classe. C’était loin de la violence à la maison. C’était une évasion pour moi, me permettant de rêver et d’imaginer une vie différente et meilleure. Je rêvais d’une vie adulte où je ne serais pas dominée par un homme, où je travaillerais et serais indépendante, et surtout, où je pourrais laisser un héritage à mes enfants», confie-t-elle dans son éloge à l’éducation. L’école était sa planche de salut, sa rampe de lancement, même si elle y subissait les pires brimades qui accentuaient ses complexes. Cela ne l’a pas découragée. Son objectif était de décrocher son HSC avec des matières scientifiques.

Sa vie a basculé à l’âge de 19 ans, lorsqu’elle a trouvé un emploi à la Mauritian Wildlife Foundation (MWF). Elle a découvert le monde des animaux, en particulier les oiseaux, et s’y est investie avec passion, allant même jusqu’à effectuer un stage de formation de trois mois sur l’île de Jersey dans la Manche. Ce voyage a été un déclic. C’est à ce moment-là qu’elle a sérieusement envisagé de poursuivre des études universitaires. Elle a réussi à convaincre la MWF de financer ses études à l’université de l’Afrique du Sud, avec des cours par correspondance et des séances pratiques sur place, ce qui lui a permis d’obtenir une licence en sciences naturelles avec spécialisation en zoologie et en botanique en 2005, tout en jonglant avec un emploi à temps plein, des études et sa vie de famille ; elle s’était mariée et attendait son premier enfant à ce moment-là. Trois ans plus tard, elle a décidé de reprendre ses études pour obtenir un PGCE en 2010, grâce au parrainage de mécènes admiratifs de son parcours et de sa détermination.

Marie 3.JPG Avec sa petite soeur Judith dont elle a été en quelque sorte la mère aussi…

Les événements se sont ensuite enchaînés rapidement. Une rencontre déterminante avec Dominique Seblin, rectrice du Collège St.-Esprit de Quatre-Bornes, l’a convaincue de devenir enseignante. «Parce qu’elle a les compétences, parce qu’elle est une enfant de la région qui a réussi et qu’elle peut être une source d’inspiration pour les autres», lui aurait-elle dit. Depuis le 7 janvier 2007, Marie Michelle Jean Pierre enseigne les sciences, les mathématiques et la catéchèse à une classe de 36 élèves, entièrement féminisée dans sa tenue vestimentaire (elle a abandonné les shorts et les bermudas de la MWF). Depuis, elle s’est épanouie, d’autant plus que ses deux enfants, Alexandre (19 ans), étudie l’art de la sommellerie à l’école hôtelière, et sa fille Zoé est en Grade 8 au Collège Lorette de Quatre-Bornes.

Il est indéniable que le chemin parcouru par Marie Michelle Jean Pierre suscite l’admiration et le respect. Elle a démontré qu’aucune fatalité n’est irréversible, que la volonté de s’en sortir peut surmonter les contraintes de la géographie de naissance et les pesanteurs sociologiques. L’éducation demeure un ascenseur social par excellence, car elle permet de quitter l’arrière-cour des grands-parents pour accéder à la cour des grands…

Marie 4.JPG Aux côtés de Soufian Ramjanalky, son prof au CPE, qui l’a encouragée à poursuivre des études secondaires.

Marie 5.JPG A la MWF, où elle a appris à découvrir et à aimer les oiseaux.