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Sucre
Maurice fait les yeux doux aux marchés régionaux
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Maurice fait les yeux doux aux marchés régionaux
Environ 25 000 tonnes de sucre blanc ont été exportées vers Madagascar au cours de la dernière campagne de récolte.
Il possède une solide réputation. Mais malgré ses marchés privilégiés, le sucre mauricien se tourne désormais vers le marché régional en raison de la situation en Europe. Au cours des deux dernières années, le produit, qui était très demandé sur le vieux continent, a perdu de son attrait en 2024 à cause de la baisse des prix et d’une production européenne accrue de 1,5 million de tonnes par rapport à l’année précédente. «Le marché porteur pour le sucre blanc cette année est Madagascar», affirme Devesh Dukhira, Chief Executive Officer (CEO) du Mauritius Sugar Syndicate (MSS). La baisse du prix du sucre sur le marché européen pour la nouvelle campagne a été influencée par le soutien financier de l’Europe à l’Ukraine, permettant l’importation de produits ukrainiens, y compris le sucre, hors taxes.
En 2023, 500 000 tonnes de sucre ont été exportées d’Ukraine vers l’Europe à des prix très bas, sur une consommation totale de 16 millions de tonnes. «Il y a deux ans, il y avait un manque de sucre, mais, aujourd’hui, la situation est différente. Le sucre ukrainien est moins cher et l’Europe est excédentaire, ce qui fait baisser les prix là-bas», explique Devesh Dukhira. «Si nous devons comparer les différentes options de vente, le marché régional devient plus intéressant», souligne le CEO. Maurice profite également de son accord avec le COMESA, ce qui facilite l’accès au marché régional.
Ne pas se planter
Face à la demande croissante du sucre mauricien – y compris les sucres spéciaux – dans la région, il avance que depuis 2021, grâce à l’amélioration du prix de la tonne de sucre et à la révision du prix de la bagasse à Rs 3 300 la tonne, les producteurs ont bénéficié d’une meilleure visibilité. «Avec la vieille canne, la productivité était en baisse, mais depuis 2021, nous avons commencé à en replanter», fait valoir Devesh Dukhira. «C’est là que le Cane Replanting Scheme et le Cane Revolving Fund Scheme sont les bienvenus, pour aider les petits planteurs à augmenter la production.» Grâce aux terrains replantés, 238 854 tonnes de sucre ont été produites en 2023, marquant une hausse de 2,6 % par rapport aux 232 000 tonnes de 2022.
Cependant, la replantation de 9 900 arpents en trois ans est insuffisante. «Il faut aller plus loin», estime-t-il, en précisant qu’aujourd’hui, seulement 35 000 arpents de terres sont sous culture de la canne. «Il est essentiel d’assurer une production maximale sur cette superficie et de cultiver à nouveau les terres abandonnées, estimées à 10 000 hectares. Avec les bonnes politiques en place, les problèmes pourraient être résolus. Un retour à une production de 300 000 tonnes serait souhaitable. Le sucre mauricien reste prisé, et il serait regrettable de laisser passer ces opportunités.»
Record
Les comptes pour la récolte 2023, finalisés vendredi, révèlent que le prix du sucre ex-Syndicat des Sucres a atteint un nouveau sommet à Rs 30 951 la tonne. Ce montant représente une hausse de 21 % par rapport au prix de Rs 25 554 la tonne en 2022. «C’est le prix le plus élevé que nous ayons vu», affirme le CEO en comparant les prix de 2022 et 2021. Il explique que ce record est dû à une conjoncture exceptionnelle, marquée par un prix mondial élevé, une pénurie sur le marché européen, et les effets de la guerre en Ukraine, qui ont entraîné un coût de production substantiel. «Ces trois facteurs ont provoqué une augmentation du prix en Europe de près de 100 %, nous donnant le prix de Rs 25 554 en 2022», précise-t-il. Le prix sur le marché mondial avait augmenté davantage, permettant ainsi à Maurice de vendre le sucre à un prix 10 % plus élevé qu’en 2022.
Cette situation, ajoute-t-il, a perduré en début de campagne de 2023 à Maurice. La réduction des coûts de fret et l’affaiblissement de la roupie mauricienne, offrant un gain de 5 % par rapport au dollar américain, ont aussi contribué à cette hausse du prix de la tonne de sucre. En 2022, le prix de la tonne de sucre avait déjà connu une augmentation significative de 52 %, passant de Rs 16 765 en 2021 à Rs 25 554. Toutefois, pour la prochaine campagne, Devesh Dukhira prévoit que les conditions mondiales favorables de 2022 et 2023 ne perdureront pas.
Par ailleurs, le sucre mauricien, tout comme les sucres spéciaux, continue de jouir d’une demande internationale forte. Destinés à des marchés niches, les sucres spéciaux mauriciens sont exportés vers plus de 60 pays. La demande reste élevée, en grande partie parce que peu de pays en produisent.
Annonces vs réalité
Malgré les mesures prises pour assurer sa pérennité du secteur sucrier, Salil Roy, président de la Planters Reform Association, craint que les petits planteurs n’abandonnent leurs terrains à cause de la cherté de la production et le manque de main-d’oeuvre. Les deux mesures annoncées dans le Budget 2024-25, soit le Cane Replanting Scheme et le Cane Revolving Fund Scheme, ont-ils vraiment profité à un nombre significatif de petits planteurs ? «Beaucoup d’entre eux ont abandonné leurs champs. Malgré les mesures annoncées, ils ne trouvent pas la main-d’œuvre requise. Nombreux sont ceux qui ont laissé la canne dans leurs champs par manque de camions pour le transport à l’usine.» Pour Salil Roy, malgré les annonces, «la réalité du terrain est tout autre».
Cette situation, ajoute-t-il, n’encourage pas les agriculteurs à continuer la culture de la canne à sucre. Selon lui, si la majorité des petits planteurs avaient mis leurs champs à jour et profité des avantages qui leur sont offerts, ils seraient satisfaits du prix de Rs 30 591 pour la tonne de sucre, payée pour la récolte 2023. Il souhaite que la garantie de Rs 30 000 la tonne de sucre pour la récolte de 2024, comme annoncée par le gouvernement dans le dernier Budget, soit uniquement pour le sucre et non «all inclusive». Ainsi, dit-il, le problème de la main-d’œuvre pourrait être réglé, car les jeunes pourraient s’y intéresser. Le planteur, ajoute-t-il, ne produit pas uniquement du sucre, mais aussi de la bagasse, de l’éthanol, et des sucres spéciaux. «Ils ont beaucoup contribué à ce secteur, mais il faut qu’ils soient encadrés pour que les générations à venir n’abandonnent pas.»
Pour Kreepalloo Sunghoon, secrétaire de la Small Planters Association, le fait d’inscrire certaines décisions dans le cadre du Budget ne garantit en rien leur mise en œuvre effective ni leur capacité à répondre aux véritables problèmes des petits planteurs. «Il y a un monde de différence entre les propositions des techniciens ou des experts du ministère de l’Agro-industrie et les besoins réels des petits planteurs. Quelle est la solution qui pourrait, dans une très large mesure, résoudre le plus grand problème auquel ils sont confrontés ? La réponse se trouve dans la création d’une Land Bank. C’est une proposition qui a été soumise aux autorités depuis plus de dix ans, mais qui n’a pas reçu l’attention qu’elle méritait.»
De quoi s’agit-il ? «De mettre en place une structure capable de constituer un répertoire de toutes les terres appartenant aux petits planteurs qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent être exploitées pour la culture de la canne à sucre. En confiant leur terrain à cette structure, les petits planteurs accepteraient que leur bien soit exploité par des personnes capables de poursuivre la plantation de la canne à sucre ou de transformer des terrains pour y accueillir des projets de diversification agricole. Cette proposition aux propriétaires de terres cultivées jusqu’ici en canne à sucre devrait être accompagnée d’une garantie de versement régulier d’un loyer pour les terrains ainsi confiés à cette structure qu’est la Land Bank.»
Pour Kreepalloo Sunghoon, les projets comme le Cane Replantation Scheme et le Cane Revolving Fund Scheme illustrent d’ailleurs parfaitement le fossé qui existe entre les experts du ministère de l’Agro-industrie et la réalité quotidienne des petits planteurs de canne à sucre. «Ces projets ne font que toucher très légèrement les problèmes auxquels ils sont confrontés. Mon franc-parler et ma franchise peuvent me coûter cher, mais j’évoque des problèmes réels qui font que pour de nombreux petits planteurs, l’accumulation de ces difficultés donne l’impression que leur avenir dans le secteur de la culture de la canne est grandement compromis.»
Un autre problème majeur qui suscite le pessimisme parmi de nombreux petits planteurs: le mode de paiement de leur contribution aux activités de cette industrie. «Le système actuel, qui récompense le petit planteur sur la base de la production de sucre, cause un préjudice financier à l’ensemble des petits agriculteurs. Ce préjudice ne disparaîtra que lorsque le paiement se fera en fonction du pesage du volume de tiges de canne fournies au producteur de sucre au moment de la récolte. Ce système permettrait aux petits planteurs d’être mis à l’écart des activités liées à l’exploitation du potentiel des sous-produits de la canne à sucre, comme l’industrie pharmaceutique ou la production de boissons alcoolisées, sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle.»
Medine et Agriterra mettent en œuvre des technologies innovantes
La campagne de récolte de canne à sucre pour l’année 2024 a commencé, marquée par l’introduction de nouvelles technologies visant à optimiser la plantation et le rendement des cultures. Medine et Agriterra, deux acteurs du secteur sucrier, innovent pour faire face aux défis de cette saison. Le 26 juin, Medine a entamé sa campagne, visant à récolter 200 000 tonnes de canne à sucre d’ici décembre. La société prévoit une production de 21 500 tonnes de sucre avec un taux d’extraction attendu de 10,75 %. Pour cette campagne, Medine a mis en place plusieurs innovations techniques. L’entreprise a replanté plus de 300 hectares de canne et a investi dans l’achat de deux nouvelles planteuses modernes ainsi que de systèmes d’irrigation de précision. Ces systèmes comprennent des pivots contrôlables à distance, conçus pour optimiser l’utilisation de l’eau. La saison a été influencée par des conditions climatiques variées : des pluies favorables en début de saison ont été suivies par des inondations en janvier et avril, et par des pluies abondantes en février et mars. Patrick Lagesse, directeur général du pôle agricole de Medine, a évoqué ces défis : «Nous sommes conscients des défis liés aux variations climatiques, mais notre engagement envers l’innovation et la durabilité nous permet de les surmonter. Nos investissements dans des technologies et équipements reflètent notre confiance en l’avenir de l’agriculture mauricienne.» En préparation de la récolte, Medine a également organisé une réunion de sensibilisation sur la sécurité au travail en collaboration avec les forces de l’ordre et les services de secours. De son côté, Agriterra a commencé sa campagne de récolte le 8 juillet. L’entreprise a recentré sa stratégie autour de la collaboration entre ses deux divisions : Terragri, spécialisée dans les pratiques agricoles durables, et Terra Milling, connue pour sa production de sucres spéciaux. Sebastien Mamet, General Manager d’Agriterra, explique ce repositionnement : «Cette initiative marque un tournant pour notre industrie sucrière. Notre objectif est de créer une approche intégrée et innovante, en mettant l’accent sur une agriculture de précision et une production de sucre de haute qualité.» Agriterra gère actuellement 6 000 hectares de canne à sucre et dispose d’une capacité de production de 336 tonnes de canne par heure. Avec une production annuelle de 72 000 tonnes de sucres spéciaux. Elle contribue à la production d’énergie verte en envoyant 5 871 tonnes de pailles à Terragen.
Bagasse : les planteurs réclament 100 % du paiement
Le paiement pour la bagasse vient d’être effectué. Mais pour Salil Roy, ce paiement est fait en «sugar terms». C’est-à-dire, par exemple, pour dix tonnes de sucre, si la bagasse se vend à Rs 3 000, on multiplie dix tonnes de sucre par Rs 3 000 pour obtenir la somme totale. Pour lui, cela désavantage les planteurs, qui souhaitent être payés en «bagasse terms». Car les «sugar terms» impliquent que les planteurs ne sont pas payés à 100 % pour la bagasse produite.
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