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Interview

Mᵉ Rama Valayden: «En menottant Caël Permes dans le dos, nu, sur le sol, sans aucun soin, c’est comme si on l’achevait»

10 septembre 2023, 19:50

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Mᵉ Rama Valayden: «En menottant Caël Permes dans le dos, nu, sur le sol, sans aucun soin, c’est comme si on l’achevait»

C’est Mᵉ Rama Valayden qui représente la veuve de Caël Permes dans la poursuite que celle-ci a engagée contre l’État. L’avocat avait aussi rédigé, en mai 2020, un rapport sur cette mort brutale en prison. Il nous en parle.

L’express a fait de nouvelles révélations sur la mort de Caël Permes en prison le 5 mai 2020. Nos sources affirment qu’il s’agit non seulement d’une agression préméditée mais aussi qu’il y a une vraie tentative de cover-up de la part des autorités carcérales. Qu’en pensez-vous ?

Si personne ne conteste les faits que l’express a rapportés, tout ce que j’ai dit dans cette affaire est donc confirmé. Et selon nos enquêtes, des hauts-gradés sont à l’origine non seulement de l’agression de Caël Permes mais aussi du cover-up en question...

Étiez-vous au courant pour la gifle qu’aurait reçue ce Deputy Commissioner of Prison près de Jumbo Riche-Terre et qui serait une des causes de cette ‘correction’ ?

J’en ai entendu parler mais je n’en avais pas la confirmation. En revanche, j’étais au courant du fait qu’il y avait eu un échange verbal – animé dirons-nous – entre Caël Permes et un haut-gradé de la prison lors du rallye organisé pour fêter la victoire de Maurice aux Jeux des îles de l’océan Indien le 29 juillet 2019. Et lors de laquelle le haut- fonctionnaire aurait menacé Caël Permes en ces termes : «Mo pou gagn twa kan to vinn Beau Bassin.»

Comment est-il possible qu’une affaire aussi grave prenne tout ce temps pour être résolue ?

C’est peut-être justement parce qu’il y a eu cover-up d’une part et d’autre part, c’est peut-être en raison du manque de bonne volonté des enquêteurs, notamment ceux de la Major Crime Investigation Team.

C’est vous qui le dites. Sinon, selon le rapport que vous avez rédigé dès le 22 mai 2020, Caël Permes aurait dû obtenir la liberté conditionnelle bien avant le 5 mai 2020, jour de sa mort...

En fait, Caël Permes avait été arrêté après des incidents à Goodlands. L’audience pour sa demande de libération conditionnelle a été renvoyée en plusieurs occasions. De plus, il devait être détenu en cellule policière, mais on l’a envoyé à la prison centrale. C’est pour cela que je pense qu’on l’a transféré en toute hâte vers La Bastille avant qu’il n’obtienne sa libération car il n’y avait rien de probant contre lui, et ses antécédents ne plaidaient pas contre lui. Je vous rappelle que c’est Caël Permes qui avait décidé de se rendre volontairement à la police de Grand-Baie à la suite de son interpellation pour les incidents de février 2020 (NdlR, il était accusé d’avoir endommagé des véhicules de la police lors d’une descente à Cité Sainte-Claire). Il était accompagné de son épouse et de son bébé de 4 mois. Il n’était même pas assisté par un avocat.

Toujours selon votre rapport, la prison de La Bastille, où Caël Permes a été conduit, était et serait toujours un véritable centre de torture...

Oui, tout le monde le sait. Et comme je l’ai dit dans le rapport, les autorités concernées avaient été alertées, mais il n’y a eu aucun changement.

Vous a-t-on empêché de rencontrer des témoins à la prison ?

Oui, c’est vrai. Et cela, pour des raisons futiles que m’avait données Vinod Appadoo.

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Vous représentez l’épouse de Caël Permes dans la poursuite qu’elle a engagée contre l’État. Est-ce indépendamment de la conclusion de l’enquête au pénal ?

Oui, c’est indépendamment des poursuites au pénal qui seront engagées contre ceux responsables de la mort de Caël Permes. Bien sûr, toute preuve qui surgirait durant le procès au pénal pourrait servir dans le procès en dommages et intérêts. Mais je ne peux pas attendre l’issue du procès au pénal. D’ailleurs, pour pouvoir poursuivre un fonctionnaire, il faut le faire en principe avant deux ans à partir de la date des faits reprochés.

Votre demande de dommages à l’Etat implique-t-elle la responsabilité directe de ses fonctionnaires dans la mort de Caël Permes ?

Pas nécessairement. La Cour européenne de justice a déjà statué que le seul fait que l’État et la prison n’ont pas pu assurer la sécurité du prisonnier suffit pour rendre les autorités responsables. C’est ce qui avait été d’ailleurs mis en avant dans la mort de Kaya. Pas Kistnen, je veux parler de Joseph Réginald Topize, en 1999. J’étais Attorney General et l’État avait décidé de prendre ses responsabilités en compensant la veuve sans qu’elle ait besoin de s’engager dans de longs procès. Nous en avons fait de même pour les proches de Ramlogun.

Selon nos informations, Caël Permes a subi d’incroyables violences. Comment expliquez-vous cela ?

Je ne sais pas si les membres du Correctional Emergency Response Team ou du 24/7 sont entraînés pour être sans pitié. Ce dont je suis sûr, c’est quand quelqu’un reçoit des instructions en ce sens de la hiérarchie, il n’y a plus de contrôle de soi, il n’y a plus de moralité : les exécutants pensent bien faire et le feront d’autant plus violemment pour plaire à la hiérarchie. D’ailleurs, l’express parle de cris de douleurs de Permes, transmis en direct par téléphone au boss. De plus, les exécutants savaient, ou plutôt croyaient, qu’ils ne seraient pas punis, mais au contraire récompensés. Ils se laissent alors aller en faisant jouer leur ‘basic animal instinct’. En fait, les animaux ne torturent jamais : ils ne tuent que pour manger ou pour se défendre. La torture est le propre de l’homme.Vous savez pourquoi les soldats allemands ou japonais ont été si violents lors de la Seconde Guerre mondiale ? C’était parce que l’ordre venait d’en haut...

Les quatre gardiens seront-ils poursuivis pour meurtre ou homicide involontaire ?

Ce sera à l’enquête préliminaire de le déterminer. Les lois et la jurisprudence prévoient que même si quelqu’un ne voulait pas tuer, il devrait savoir que les coups portés risquaient d’être mortels.

Mais dans le cas de Caël Permes, il semble qu’il était encore vivant après le passage à tabac, non ?

En effet. Si c’est vrai, ceux qui devaient lui prodiguer des soins ont failli à leur devoir. Qui plus est, en menottant un blessé grave dans le dos, nu, sur le sol, sans aucun soin, c’est comme si on l’achevait. C’est pourquoi je pense que tous les responsables n’ont pas été identifiés. C’est un meurtre commis en bande et par plusieurs groupes. Je vous rappelle que l’ordre avait été donné de couper les caméras de surveillance. Le cover-up du passage à tabac à Beau-Bassin et à La Bastille a été pour moi un élément contributif au meurtre de Caël Permes.

Et qui prendra la responsabilité de l’enquête incomplète de la police ?

Si les enquêteurs ont subi des pressions, ils devraient venir le dire en cour. Sinon, ce seront eux qui paieront.

Est-ce qu’une commission d’enquête sur cette affaire et sur la violence dans les prisons en général n’est pas souhaitable ?

Oui, mais si c’est pour cacher les conclusions aux yeux du public, ça n’en vaut pas trop la peine.

Vous êtes-vous senti seul dans cette affaire ?

Non, j’ai eu et j’ai le soutien des Avengers, notamment de Mᵉ Sanjeev Teeluckdharry.Laissez-moi vous dire que j’avais envoyé mon rapport à plusieurs parlementaires en 2020. Seul Paul Bérenger l’aura manifestement lu et il est même revenu vers moi.