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Questions à…
Meghna Raghoobar: «Pour maintenir notre baisse du taux de meurtre, il faut assurer le bonheur de tous»
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Questions à…
Meghna Raghoobar: «Pour maintenir notre baisse du taux de meurtre, il faut assurer le bonheur de tous»
Meghna Raghoobar, sociologue.
Depuis le début de l’année, huit meurtres ont été enregistrés. Le dernier en date a eu lieu en pleine rue à Résidence Vallijee où Colina L’Éveillé, âgée de 31 ans, a été poignardée au coeur par son ex-concubin. Ce dernier aurait agi par jalousie, n’appréciant pas qu’elle lui ait pris de l’argent pour s’amuser avec un autre homme. Nous avons également eu, en l’espace de quelques jours, trois agressions mortelles sur des personnes âgées. Said Fakeermahamode, 63 ans, a été séquestré et battu à Plaine-Verte, tandis que Marc Collaud, un retraité suisse de 75 ans, et Razeeyah Nuther Saib, Principal School Inspector à la retraite et âgée de 71 ans, ont été tués à leur domicile. Le mobile de ces crimes serait le vol. Selon les chiffres de la police, en 2023, 26 meurtres ont été recensés et en 2022, 34. Nous avons questionné la sociologue Meghna Raghoobar qui nous a fait le point sur la situation.
Quelle est votre analyse du nombre de meurtres de 2022-2023 ?
En 2022, nous avons enregistré 34 meurtres, dont 23 hommes et 11 femmes, et en 2023, 26 cas, dont 18 hommes et huit femmes, démontrant ainsi une baisse de 23,53 % en un an. Nous verrons à la fin de 2024 ce que cela donnera. Je suis optimiste quant à une nouvelle diminution. Il faut admettre que même si les derniers huit cas de meurtre ont semé beaucoup plus de peur, il s’agit tout de même d’une baisse observée à ce niveau. Il est également important de reconnaître les progrès humains, malgré nos défis. Cela me rappelle le fameux livre Factfulness écrit par le médecin et statisticien suédois Hans Rosling avec son fils Ola Rosling et sa belle-fille Anna Rosling, où ils démontrent dix raisons pour lesquelles nous nous trompons sur le monde et pourquoi les choses sont bien mieux maintenant qu’elles ne l’étaient il y a 100 ans.
Quid du «Happiness Index Report» ?
Le Happiness Index Report indique cependant un déclin où Maurice passe de la 52e place à la 70e, ce qui démontre potentiellement que d’autres pays ont mieux performé que nous et qu’ils nous ont dépassés en deux ans. Il est nécessaire de se rattraper en adoptant une économie du bien-être comme stratégie politique.
Comment une économie du bien-être pourrait aider Maurice à mieux se positionner dans le «Happiness Report» et à réduire notre taux de criminalité ?
Si nous voulons maintenir notre baisse du taux de meurtres, il est essentiel d’assurer le bonheur de la population. Le Bhoutan mesure son progrès non pas par son PIB, mais par son indice du bonheur. Il est grand temps que nous adoptions cette approche à Maurice. Nous devons veiller à ce que notre société repose sur une économie axée sur le bien-être. Tout commence par l’alimentation.
Nous devons produire 70 % de nos produits localement, en mettant l’accent sur une agriculture raisonnée et à des prix très abordables pour permettre à chacun de manger sainement et convenablement. L’augmentation du coût de la vie, qui a triplé, est en grande partie due à notre dépendance excessive aux importations alimentaires. L’économie du bienêtre est une stratégie politique qui prend en compte de nombreux autres facteurs. Mais commençons par la nutrition ; le reste suivra. Une population bien nourrie est une population heureuse. Je crois fermement que nous sommes ce que nous mangeons.
Quel type de régime de «law and order» souhaiteriez-vous pour notre île?
Je plaiderais en faveur de la création de centres de réhabilitation et de réinsertion pour aider les individus égarés à se reconnecter à leur humanité, plutôt que de les rendre encore plus aigris qu’ils ne le sont déjà. Cela nécessite, tout d’abord, de créer un environnement sain et propice à la vie pour les forces de police afin que, tout en maintenant l’ordre public, nous adoptions une approche beaucoup plus humaine pour permettre la rédemption des personnes ayant commis des erreurs.
Je peux sembler utopique ou optimiste pour certains, mais je crois en la capacité de progression de l’humanité. Si, en un siècle, nous pouvons en arriver là, avec une politique beaucoup plus consciente, imaginez ce que Maurice pourrait devenir.
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