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Questions à...Alain Gordon-Gentil
«Mère Augustine, ce sont les prémices du mauricianisme. Cette ouverture hors de toute considération de couleur ou de religion»
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Questions à...Alain Gordon-Gentil
«Mère Augustine, ce sont les prémices du mauricianisme. Cette ouverture hors de toute considération de couleur ou de religion»
Alain Gordon-Gentil,journaliste, écrivain, documentariste
Le nouveau film-documentaire d’Alain Gordon-Gentil, «L’Offrande d’une vie», sera à l’affiche à MCiné Trianon vendredi 22 novembre à 19 heures, samedi 23 et dimanche 24 novembre à 15 h 30. Ce film est consacré à Mère Augustine, fondatrice de la Congrégation des sœurs de charité de Notre Dame de Bon et Perpétuel Secours, en 1850. Alain Gordon-Gentil détaille ce projet entrepris par la congrégation, qui s’inscrit dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Mère Augustine, née Caroline Lenferna de Laresle (1824-1900).
Mère Augustine, c’est une contribution notable, autant dans la santé, auprès des lépreux, des malades du choléra que dans l’éducation. Quels aspects sont davantage mis en lumière dans «L’Offrande d’une vie» ?
Dans tous mes films documentaires, une chose retient toujours mon attention : le parcours des gens. Ce film ne fait pas exception. Cette jeune fille, Caroline Lenfera, née en 1824, a eu un parcours de vie hors des sentiers battus. Ce sont des personnes qui ne peuvent pas être mises dans un moule. Des gens qui sont guidés par leur intuition, leur cœur, leur conviction.
Mais surtout, cette jeune fille est animée d’une immense bonté. Il y a souvent à l’égard de la bonté une sorte de gentille condescendance. Quand on dit que quelqu’un est bon, on croit entendre qu’il est «brave», dans le sens le plus Pagnolesque du terme. Or, dans ma conception des choses, la bonté est la forme la plus puissante, la plus aboutie, la plus subtile, la plus raffinée de l’intelligence. Et la bonté est au cœur de l’œuvre de Mère Augustine.
De la petite fille de Pointe-aux-Piments qui perd sa mère à l’âge de deux ans à la fondatrice d’une congrégation, c’est la construction d’une femme de tête que vous retracez ?
Une femme de tête, c’est certain, mais que vaut la tête sans le cœur ?Elle a construit sa vie autour de sa foi en Dieu, bien sûr, mais aussi de l’engagement qui découlait de sa foi. Mère Augustine, ce n’est pas une foi de sacristie. C’est une foi ouverte au monde, à l’écoute de la souffrance des autres. Cette jeune fille était animée d’un courage sans doute puisé dans sa foi, mais qu’importe la source d’un courage. L’important c’est qu’il construit des vies. C’est qu’il est agissant.
Cette contemporaine du Père Laval a eu des démêlés avec la hiérarchie de l’Église à Maurice. Elle est allée jusqu’à Rome pour que sa mission ne soit plus sous la tutelle des autorités ecclésiastiques locales. Une persévérance inspirante ?
Je reviens à son courage. Elle n’a eu peur ni de l’évêque de Port-Louis, Mgr Michael Adrian Hankinson, ni du gouverneur de l’époque. Et on imagine ce que devait être à l’époque une jeune fille tenant tête à tous ces vieux poudrés en habits de velours, défendant leur pré carré de privilèges. Mère Augustine a été pour ces gens-là, disons, une empêcheuse de prier en rond. Pour défendre sa congrégation elle va à Rome et demande audience au pape. Il en faut du culot. Prendre le bateau pendant plusieurs mois pour se rendre en Italie c’était toute une aventure.
Le contexte historique de Mère Augustine au 19e siècle c’est aussi les questions de classe sociale et de couleur de peau. Le parcours de cette religieuse permet-il aussi de mesurer l’évolution de la société mauricienne ?
Imaginez une jeune fille blanche se consacrant essentiellement aux fils et filles d’anciens esclaves. Imaginez une jeune fille blanche créant une première école à Camp Yoloff. Avec elle commence, on peut le dire, les prémices du mauricianisme qui, bien qu’embryonnaire, présente toutes les caractéristiques de cette ouverture vers les autres hors de toute considération de couleur ou de religion. Car ne l’oublions pas, tous les couvents, toutes les écoles fondées par sa congrégation sont ouverts à toutes les communautés et ce jusqu’aujourd’hui.
Un procès en béatification de Mère Augustine a été ouvert depuis longtemps par le Vatican. Le documentaire s’inscrit-il dans cette démarche ?
La question est abordée dans le film, mais me concernant, ce n’est pas le sujet qui m’a motivé à réaliser ce documentaire. Non, c’est la témérité, l’intelligence, l’intuition et la bonté de cette jeune fille qui m’a particulièrement ému.
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