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COP 28

Monarques, carbone et dollars: une COP28 hors norme s'ouvre à Dubaï

30 novembre 2023, 12:08

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Monarques, carbone et dollars: une COP28 hors norme s'ouvre à Dubaï

Le KIP Center for Leadership a réuni au Château Labourdonnais, à Mapou, gouvernement, secteur privé et société civile pour mieux collaborer en vue de la COP28.

Les Emirats ont vu les choses en grand: le petit pays pétrolier du Golfe a dépensé sans compter pour accueillir à partir de jeudi la 28e conférence des Nations unies sur le changement climatique, censée inciter les pays à passer la vitesse supérieure sur la transition énergétique.

Aux portes du désert, à Dubaï, le site de l'Exposition universelle de 2020 devient pour deux semaines le coeur battant de la diplomatie climatique, les Emirats et l'ONU espérant une COP aussi historique que celle de Paris en 2015.

«Evidemment, je suis fortement en faveur d'un texte qui inclue la sortie (des énergies fossiles)», même avec un calendrier progressif, a déclaré le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres mercredi dans un entretien à l'AFP, avant de s'envoler pour Dubaï.

«C'est la COP la plus importante depuis Paris», a déclaré le chef de l'ONU Climat, Simon Stiell, mercredi. "Nous avançons aujourd'hui à petits pas, alors qu'on attend des pas de géants."

C'est la deuxième fois qu'un pays du Golfe accueille une COP, après le Qatar en 2012. Les conférences de l'ONU Climat changent généralement de continent chaque année; il y a deux ans, les pays d'Asie Pacifique avaient désigné les Emirats pour cette COP.

Conflits d'intérêts?

Mais le président de la COP28, Sultan Al Jaber, également directeur général de la compagnie pétrolière nationale Adnoc, est sous le feu des critiques après la publication par la BBC et le Centre for Climate Reporting de notes internes de préparation de réunions officielles énumérant des arguments pour la promotion des projets d'Adnoc à l'étranger. Il a rejeté ces accusations mercredi.

Si des personnalités et ONG crient au scandale, un boycott de la COP28 n'est pas à l'ordre du jour, tant les enjeux sont vertigineux et évidents à la fin d'une année de surchauffe météo.

Antonio Guterres a lui-même défendu l'intérêt d'avoir l'Emirati aux commandes de la COP pour parler de la sortie des énergies fossiles: «Je pense qu'il est dans une meilleure position pour dire ça à ses collègues de l'industrie des énergies fossiles que s'il était membre d'une ONG avec un bilan pro-climat solide».

La première grande décision de la COP28 pourrait intervenir dès jeudi, avec l'adoption en séance plénière de la mise en oeuvre du nouveau fonds pour compenser les pertes et dommages liés au climat dans les pays vulnérables, après un an de négociations très tendues entre pays du Nord et du Sud. Cette adoption dès le premier jour permettrait aux délégués de se concentrer sur les autres batailles à l'ordre du jour, à commencer par les énergies fossiles.

Charles, Israël et Palestiniens

Jeudi matin, des milliers de participants commençaient à affluer dans une ambiance feutrée, sans l'ombre d'une manifestation à ce stade.

Plus de 97.000 personnes (délégations, médias, ONG, lobbys, organisateurs, techniciens...) sont accréditées, deux fois plus que l'an dernier, et environ 180 chefs d'Etats et de gouvernements sont attendus selon les organisateurs d'ici le 12 décembre, fin théorique de la conférence.

Le pape François, grippé, a annulé sa venue, mais plus de 140 dirigeants défileront à la tribune vendredi et samedi, après la journée cérémonielle d'ouverture jeudi, pour des discours de quelques minutes censés donner une impulsion politique aux négociations byzantines qui occuperont les délégations pendant deux semaines.

Le roi Charles III s'exprimera vendredi en ouverture de ce sommet de dirigeants, sans Joe Biden, remplacé par sa vice-présidente Kamala Harris, ni Xi Jinping.

Le président israélien Isaac Herzog et le chef de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas pourraient se croiser car ils sont inscrits pour s'exprimer à quelques minutes d'intervalle vendredi.

Les Emiratis préparent un déluge inaugural d'engagements volontaires d'Etats pour, par exemple, tripler les renouvelables d'ici 2030 ou doper les aides financières des pays riches vers les plus vulnérables.

Mais seuls les textes officiels adoptés pendant la COP, dans le méticuleux processus onusien où le consensus est obligatoire, auront une force comparable à ce que fut l'accord de Paris. Un fiasco n'est pas à exclure, tant les résistances à parler explicitement des fossiles sont fortes chez certains pays producteurs.

Les COP inutiles?

La question est légitime, puisque depuis la COP21 et l'accord de Paris, les émissions de gaz à effet de serre ont continué à augmenter. Mais alors qu'on tablait à l'époque sur 16% d'augmentation d'ici 2030, l'ONU Environnement ramène désormais la hausse à 2%.

Ce ralentissement n'est pas attribuable au seul texte mais la transition énergétique est indéniablement engagée, bien que plaçant toujours le monde sur une trajectoire de réchauffement invivable.

Depuis 2015, une centaine de pays se sont engagés à la neutralité carbone, le solaire est devenu l'énergie la moins chère pour générer de l'électricité, le pic de la demande en énergies fossiles est en vue cette décennie et l'Agence internationale de l'énergie s'attend à ce que plus du tiers des voitures neuves dans le monde soient électriques en 2030, un scénario impensable avant 2015.

Symposium sur la durabilité dans le sud

Une collaboration pour la COP28

Du 23 au 24 novembre, le Southern Sustainability Symposium (SSS23) s’est tenu au Château Labourdonnais, à Mapou, avec pour objectif pr incipal de renforcer la collaboration entre le gouvernement, le secteur privé et la société civile en prévision de la COP28. Cet événement, organisé par le KIP Center for Leadership, a été une plateforme cruciale pour aborder les défis du changement climatique, particulièrement pressants pour les petits pays insulaires.

Lors de l’ouverture, le ministre de l’Environnement, Kavydass Ramano, a souligné l’importance de l’initiative du KIP Center et a rappelé les efforts du ministère pour parvenir à une société à zéro émission nette de carbone d’ici 2070. Il a mis en exergue la nécessité pour les entreprises d’adopter des stratégies durables et résilientes face aux incertitudes climatiques. Le SSS23 a servi de catalyseur pour le dialogue et l’action, rassemblant des experts et leaders pour discuter des enjeux de durabilité sous divers angles.

La première journée a été marquée par une session sur la diplomatie économique, impliquant des discussions entre le ministre Ramano, l’ambassadeur des États-Unis Henry Jardine, et l’Ambassadeur européen Oskar Benedikt. Cette session, modérée par Drishty Ramdenee du MCCI, a reconnu la complexité de la crise climatique malgré les efforts des 27 COP précédentes. Le deuxième panel, sous le thème «Construire des entreprises responsables pour un meilleur avenir», a vu la participation de leaders d’entreprise, comme Sophie Desvaux de Marigny d’ENL, Luvna Arnassalon-Seerungen d’IBL et Ajay Angoteea d’Absa Bank. Ils ont convenu de l’importance de l’intégration des stratégies de durabilité dans les pratiques commerciales, soulignant le rôle crucial du secteur privé dans la lutte contre le changement climatique.

La dernière table ronde du 23 novembre, animée par l’économiste Manisha Dookhony, a exploré les actions climatiques et les solutions intelligentes. Des entreprises telles que Rogers et CIM Finance ont partagé leurs initiatives, telles que l’émission d’obligations vertes, démontrant leur engagement envers le développement durable. Le deuxième jour du symposium s’est concentré sur des conversations autour des futurs environnements durables et des nouveaux projets de société. Des personnalités, telles que Gaetan Siew, ambassadeur UIA pour la COP28, et d’autres acteurs clés ont participé à ces discussions, soulignant l’importance de l’engagement communautaire et de l’innovation dans la réalisation des objectifs de développement durable.

En conclusion, la SSS23 a été un appel puissant au dialogue et à l’action, soulignant la nécessité d’une approche collective et humble pour faire face aux défis climatiques. Cet événement a non seulement renforcé les partenariats existants mais a également ouvert la voie à de nouvelles collaborations et stratégies pour un avenir durable.