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Monsieur Wong : Le maître des premiers jours

11 juillet 2025, 11:15

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Il y a dans chaque vie d’enfant une silhouette fondatrice. Un homme ou une femme qui, avant même les grandes lectures, les chemins de traverse, les voyages, les bonheurs et les blessures, a su poser la première pierre. Chez nous, enfants du Certificate of Primary Education (CPE) à l’école Raoul Rivet en 1986, cette figure tutélaire portait un nom simple et noble à la fois : monsieur Wong.

C’est pourquoi, au nom de notre promotion, on tient ici à féliciter chaleureusement nos seniors, les anciens élèves de la cuvée 1983. Car ils ont accompli l’essentiel. Ils n’ont pas laissé le temps dissoudre la gratitude. Ils n’ont pas permis que l’oubli étouffe la mémoire. Ils ont osé faire ce que peu font : retrouver l’enseignant de leur enfance et lui dire, 42 ans plus tard, merci. Ce mot si court, mais qui contient en lui tout l’infini du respect et de l’admiration. Et ce maître, ce monsieur Wong, nous voulons, nous aussi, lui rendre hommage. Car s’il est parti enseigner ailleurs après Raoul Rivet, son empreinte est restée. Il n’était pas un professeur comme les autres. Il était un pédagogue au sens noble, un sculpteur d’âmes encore tendres, un homme de l’ombre, mais d’une lumière farouche.

Pourquoi disons-nous que monsieur Wong était un héros ? Parce qu’il avait le courage de tenir tête à l’indifférence. Parce qu’il savait que, dans une classe de 50 enfants ou plus, chaque regard compte. Chaque faute corrigée est une promesse. Chaque progrès, un espoir. À l’époque, nous étions petits, souvent bruyants, parfois perdus. Et lui, dans son silence, savait tout voir, tout entendre. Son bâton noir, rectangulaire, en bois massif, n’était pas là pour frapper, mais pour rappeler à l’ordre, au respect, à l’effort. Il imposait sans imposer. Il faisait peur, oui, parfois, mais jamais gratuitement. Il faisait surtout grandir. Il avait compris que nous étions des enfants happés trop tôt par l’angoisse du CPE. Il savait qu’il nous volait un peu notre enfance, mais il le faisait avec pudeur, car il portait lui-même le poids des attentes des parents, de l’inspecteur, du système.

Il nous a appris à lire, écrire, compter, mais surtout à douter avec courage. Il nous a appris à ne pas fuir l’échec, à ne pas redouter le brouillon, à ne pas chercher la facilité. Monsieur Wong faisait partie de ces instituteurs d’autrefois que l’on n’oublie jamais. Il avait ce don rare : transformer le savoir en aventure. Quand il parlait de géographie, il nous faisait voyager ; quand il abordait la conjugaison, il en faisait une musique.

Et quand il évoquait les grandes écoles – le QEC, le Royal, le St-Esprit ou Lorette –, il nous y projetait sans arrogance. Comme s’il disait à chacun : tu peux, toi aussi, y aller. Et nous, en 1986, nous sommes partis, avec dans le cœur ses leçons et dans l’esprit ses encouragements. Il avait quitté Raoul Rivet, mais il ne nous avait pas quittés. Il était parti à Roche-Bois, pour relever un défi bien plus grand : enseigner à ceux qui avaient chuté. Et là encore, il a brillé. Car monsieur Wong ne voulait pas seulement que ses élèves réussissent ; il voulait qu’ils deviennent meilleurs. Merci, donc, à ceux de 1983. Vous avez fait ce que beaucoup d’entre nous n’avons pas encore osé ou su faire. Vous avez retrouvé monsieur Wong et, dans ce geste simple, vous avez honoré l’enfance en chacun de nous. Vous avez reconstitué le puzzle de nos souvenirs. Vous avez tendu une main vers le passé, non pour vous y enfermer, mais pour éclairer l’avenir. Vous avez compris que les maîtres ne meurent jamais vraiment. Qu’ils vivent tant que nous nous souvenons d’eux. Et qu’un simple «merci», même dit 42 ans plus tard, vaut plus que tous les bulletins et diplômes.

Monsieur Wong, là où vous êtes, sachez-le : vous avez préparé une génération entière à entrer dans la vie avec droiture et courage. Vous avez cru en nous quand nous doutions. Vous avez semé bien plus que des savoirs : vous avez semé la rigueur, le respect, la dignité. Et pour cela, en notre nom à tous : chapeau bas, Monsieur Wong.

Par d’anciens élèves de la cuvée 1985-1986 (en hommage à la promotion 1983 qui a su raviver la mémoire du cœur)

Post-scriptum

Nous, anciens élèves de 1986, attendons notre tour. Nous aussi, un jour prochain, souhaitons vous revoir. Car vous êtes de ceux que la vie n’efface pas. De ceux que le temps ne remplace jamais. De ceux que l’on appelle, avec émotion et vérité, un instituteur. Un vrai.

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