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La Réunion
Mort suspecte de Yoan Spanu: les proches condamnés à une terrible attente…
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Mort suspecte de Yoan Spanu: les proches condamnés à une terrible attente…
Yoan Spanu a été retrouvé pendu dans les douches de la prison de Saint-Pierre à La Réunion le 7 novembre 2018.
Dans cette rubrique hebdomadaire, nous revenons sur des disparitions, des faits divers, ou des crimes qui ont été perpétrés il y a plusieurs semaines, mois, années… Des drames qui ont marqué les esprits et qui ont bouleversé des vies à tout jamais…
«Malgré l’attente et le dur parcours vers la justice, on ne peut faire autrement que d’être courageux», confie d’emblée Gilles Spanu, joint au téléphone, un sentiment mitigé de désolation mais aussi un peu d’espoir évident dans sa voix. Cinq ans se sont écoulés depuis la mort suspecte en détention de son fils Yoan. Entre la mémoire d’un enfant adorable et une perte qui ne sera jamais surmontée, la famille Spanu, établie à Maurice depuis février 2018 mais originaire de La Réunion, continue à se battre pour que ceux qui ont assassiné leur fils soient amenés à assumer les conséquences de leur acte.
L’affaire remonte au 7 novembre 2018. Yoan Spanu est retrouvé pendu dans les douches de la prison de Saint-Pierre à La Réunion aux petites heures du matin. Lieu où il était incarcéré depuis le 1er novembre pour tentative de meurtre, suite à une bagarre avec un colocataire qu’il soupçonnait de vol. Selon ses proches, lors de sa comparution devant les juges des libertés et de la détention (NdlR, l’équivalent de la Bail and Remand Court chez nous) le 6 novembre 2018, Yoan aurait alerté le juge sur le fait que sa vie était en péril car il avait été placé dans la même cellule que des prisonniers dangereux, trois heures seulement après son arrestation. Yoan aurait également confié à sa mère, Isabelle, qu’il allait très probablement être assassiné et il ne s’alimentait presque plus. Un appel de détresse qui, selon la famille de Yoan, n’a pas été entendu par le juge.
(Les mains de Yoan étaient entièrement bandées lorsque son corps a été remis à sa famille.)
Se confiant à l’express, Isabelle Spanu nous avait relaté, lorsque nous l’avions rencontrée l’année dernière, que lors de sa comparution le 6 novembre 2018, Yoan avait également refusé de signer sa déclaration de procédure verbale devant le juge d’instruction, car son avocat n’était pas présent à ce moment-là et avait délégué son associé ; chose que Yoan n’approuvait pas. Le juge aurait alors indiqué qu’il rendrait un jugement en délibéré quelques heures plus tard. Isabelle Spanu aurait de son côté assuré à son fils que si besoin était, ils pourraient faire appel dans 15 jours. Mais elle était loin de se douter que ce serait la dernière fois qu’elle verrait Yoan. «La police est venue le chercher et je ne l’ai jamais revu. Quelques heures plus tard, nous avons appris qu’il s’était suicidé», nous a-t-elle confié. Yoan Spanu a été retrouvé pendu dans les douches de la prison de Saint-Pierre à La Réunion aux petites heures du matin du 7 novembre 2018.
Bataille pour la vérité
L’autopsie de Yoan Spanu, réalisée par deux médecins légistes à La Réunion, conclut à un suicide sans équivoque. Mais la famille refuse d’y croire, car Yoan n’était pas suicidaire. En sus de vouloir créer sa petite entreprise, il leur avait présenté sa petite amie, avec laquelle il voulait se fiancer. Yoan était également censé venir à Maurice le 17 novembre 2018. Or, les doutes de la famille se confirmeront lorsque les autorités réunionnaises leur remettent une mauvaise pièce d’identité et des papiers administratifs portant le nom d’un autre détenu au lieu de celui de Yoan, les poussant à croire que les autorités cherchent à se débarrasser rapidement du corps de leur fils. Les mains de Yoan sont également entièrement bandées lorsque son corps est remis à sa famille, ce qui suscite de vives interrogations.
C’est alors que les parents de Yoan décident de se lancer dans la quête de la vérité. Ils sollicitent une assistance légale pour rapatrier le corps de leur fils à Maurice en suivant toutes les procédures administratives. Cela fait, les parents de Yoan demandent ensuite à leur avocat de trouver un médecin légiste pour une contre-autopsie. C’est le Dr Satish Boolell qui se charge de cet exercice, assisté d’un confrère à la requête des parents de Yoan, afin qu’ils puissent avoir une plus grande assurance sur la qualité du rapport. La contre-autopsie du Dr Satish Boolell conclut à un assassinat...
Nouvelle enquête
Après plusieurs batailles juridiques, la fatigue et quatre ans d’attente, le 3 juin 2022, un juge à La Réunion ordonne qu’une nouvelle enquête soit ouverte, après avoir pris connaissance des conclusions de la contreautopsie du Dr Satish Boolell et avoir trouvé qu’il était plus crédible. Une étape qui apporte un développement et un changement majeur à l’affaire, et un certain soulagement aux proches de Yoan Spanu, même s’ils doivent continuer à se battre. À ce jour, nous apprenons que toutes les personnes concernées dans cette affaire ont été réentendues. Le procès est en cours.
(**Sur la tombe de Yoan, ses parents ont fait graver ceci : «Merci Maurice d’avoir accueilli YOAN SPANU, assassiné par l’État français (974).»)
Sur la tombe de Yoan, ses parents ont fait graver : «Merci Maurice d’avoir accueilli YOAN SPANU, assassiné par l’État français (974).» Et malgré les multiples moments de désespoir de ces cinq dernières années, le courage de se battre ne faiblit pas, dit Gilles Spanu. «Avec la lenteur et les obstacles vers la justice quand on est contre un État, c’est très dur. Face aux nombreux cas qui se présentent devant la justice, les personnes sont aussi souvent réduites à des chiffres ou à de simples dossiers à ranger dans les tiroirs. Mais mon enfant était un être humain, et merveilleux. Nous nous battrons pour que justice lui soit rendue…»
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