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Quatre ans après

Naufrage du «sir Gaëtan» : ce drame humain qui aurait pu être évité

2 septembre 2024, 10:00

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Naufrage du «sir Gaëtan» : ce drame humain qui aurait pu être évité

Quatre ans déjà que le remorqueur le «sir Gaëtan» s’est brisé, emportant avec lui quatre braves hommes. (De g. à dr.) Sujit Kumar Seewoo, 53 ans, Jimmy Sylvain Addison, 60 ans, le capitaine Moswadeck Bheenick, 55 ans, et Lindsay Laval Plassan, 60 ans.

Le 31 août 2020, la vie de quatre familles a basculé à la suite de l’accident maritime du remorqueur sir Gaëtan. Cette soirée tragique restera à jamais gravée dans leur mémoire. Quatre ans plus tard, on continue à se poser des questions sur ce drame humain et sur la possibilité de l’avoir évité. Pour Alain Malherbe, cette interrogation ne se pose même pas, surtout à la lumière des résultats des enquêtes : ce remorqueur avait été jugé inapte dès 2009.

Les images de la catastrophe hantent encore tous ceux qui ont été touchés par le naufrage au large de Poudre-d’Or. Le déroulement des événements ressemble à celui d’un mauvais film. Car, au final, trois personnes ont perdu la vie et une autre a été portée disparue. Aujourd’hui, même avec du recul, rien n’a changé, affirme Alain Malherbe.

Pour cet expert retraité du milieu maritime, il n’y a aucun doute dans ce cas précis : «Un remorqueur sans certificat valide depuis 2009 n’aurait jamais dû être utilisé pour cette mission.» D’autant plus que l’on savait que les conditions en mer étaient particulièrement difficiles à Maurice à cette période. Selon lui, le port de Port-Louis n’a pas respecté le code ISPS (code de sûreté pour les navires et les installations portuaires). «Ce drame aurait pu être évité, d’autant plus qu’il y avait d’autres remorqueurs disponibles dans le port.»

Quant à rebondir après cet épisode, cela ne semble pas d’actualité, soutient Alain Malherbe. Il évoque un autre cas similaire qui pourrait mener à une situation identique : «Un autre remorqueur se trouve dans une situation préoccupante. Son certificat a été retiré en avril, mais les responsables ont demandé une extension jusqu’au 24 août et ont renouvelé leur requête jusqu’en octobre. Selon moi, ce bateau doit être mis en cale sèche pour vérifier s’il n’y a pas de fissures dans la coque. Il est crucial d’inspecter ce remorqueur pour éviter des incidents aussi graves.» Hier, une cérémonie de recueillement a eu lieu au port pour rendre hommage aux quatre personnes disparues. Lors de cette commémoration, il a également été rappelé aux employés de ne pas accomplir, par obligation, un travail qu’ils estiment dangereux et qui pourrait mettre leur vie en danger.

Retour sur la tragédie

L’échouage du MV Wakashio est le point de départ de ces événements tragiques. Alors que le fioul se déverse dans la mer, les autorités déploient tous les efforts possibles pour tenter de limiter les dégâts causés à l’écosystème. C’est ainsi que le remorqueur sir Gaëtan est mobilisé pour tracter une barge transportant les résidus d’hydrocarbures du vraquier échoué fin juillet 2020. Cependant, le 31 août, la corde utilisée pour le remorquage se casse. La barge, poussée par la houle, entre en collision avec le sir Gaëtan, causant un trou de la taille d’un ballon de football dans la coque. La salle des machines est rapidement inondée. Des appels de détresse sont alors lancés, mais la situation dégénère rapidement.

À bord du remorqueur, les huit membres d›équipage se rendent compte qu’ils doivent sauver leur vie. Ils mettent des canots à la mer, mais, face à des vagues de cinq à six mètres, ces derniers finissent par chavirer, laissant l’équipage à la dérive. Malheureusement, les secours ne parviennent à retrouver que quatre des huit marins. Jimmy Sylvain Addison, 60 ans, Lindsay Laval Plassan, 60 ans, Sujit Kumar Seewoo, 53 ans, et le capitaine Moswadeck Bheenick, 55 ans, perdent la vie.

Trois rapports techniques indiquent clairement que le sir Gaëtan aurait dû être retiré du service dès 2019, au moins. Dans leur rapport, les consultants de Burness Corlett – Three Quays soulignent que le remorqueur, vieux de 16 ans à l’époque, nécessitait des réparations importantes et devait être conservé jusqu’en 2019. Un autre rapport, celui de Bureau Veritas en juillet 2020, dresse un état des lieux des réparations effectuées sur la coque et constate qu’une partie de celle-ci était complètement rongée par la «corrosion et l’usure de la coque entre les cadres F31/F32 – F37/38. Il fallait découper et remplacer par des inserts».