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Questions à
Nikola Karabatic : «Le sport apporte tellement de valeurs que c’est un guide pour toute la vie»
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Questions à
Nikola Karabatic : «Le sport apporte tellement de valeurs que c’est un guide pour toute la vie»

Nikola Karabatic (le plus grand palmarès du handball français)
On ne devient pas le plus grand par hasard. Les leçons que le plus titré des handballeurs français de tous les temps a retenues dans le handball et par extension, le sport, lui permettent de voir la vie sous plusieurs angles. Il nous livre ses «secrets de fabrication», en toute humilité, comme il l’a appris dans son sport qui l’a porté vers les sommets du monde.
🟨 Vous avez le plus grand palmarès du handball français voire même du sport français. En tant que jeune retraité, réalisez-vous cela ou pas encore ?
– Pendant ma carrière, j’avais conscience de ce que je réalisais, mais je ne voulais pas trop me retourner en arrière. Je regardais vers l’avant pour ne pas perdre ma motivation pour continuer à aller chercher des records et des titres. Mais une fois qu’on arrête, c’est un temps d’introspection et maintenant, je me rends compte de ce que j’ai gagné dans ma carrière. Je me rends compte que c’est quelque chose d’énorme et historique mais en même temps, cela me force à une certaine humilité parce que je n’ai pas réalisé tout cela tout seul, car il y a beaucoup de personnes qui m’ont accompagné dans cette quête-la. On est un sport d’équipe et j’ai eu mes coéquipiers à mes côtés Certains sont présents ici aujourd’hui. Sans eux, je n’aurais pas pu avoir ce palmarès-là.
🟨 Quand vous décrochez un titre après un travail en amont, qu’estce qui vous motive et vous redonne envie de recommencer ?
– C’est vrai que gagner un titre, c’est très difficile parce que ça demande énormément de travail et d’entraînement, de travail physique, de la vidéo et de la musculation. Une fois qu’on arrive à gagner un titre, le plus dur c’est de rester motivé. Ce qui est génial avec le sport, c’est que tu apprends très vite qu’un jour tu peux gagner et le jour d’après, tu peux perdre. C’est une leçon très forte car dans la vie c’est comme cela. Un jour tu peux être le plus heureux au monde et le jour d’après tu peux avoir une mauvaise nouvelle et être le plus triste au monde.
Donc le sport t’apprend à célébrer avec tes coéquipiers et savourer les médailles et les titres, puis tu dois très vite changer, oublier et passer à autre chose parce que tu sais que tu vas être attendu et te prouver de nouveau. Ça, je l’ai appris très vite dans le sport et c’est ce qui a fait la différence avec nos équipes parce que nous avions des joueurs qui avaient cet état d’espritlà. Ils ne se satisfaisaient pas d’un titre, ils voulaient marquer l’histoire de notre sport en allant toujours plus loin.
🟨 Vous avez dit précédemment que vous vouliez faire sortir le handball de l’anonymat. Avec recul, pensez-vous avoir réussi ?
– Je pense qu’on a réussi à le faire à travers nos résultats en équipes et individuellement. C’était une responsabilité que j’avais pour prendre le relais de Jackson Richardson, qui m’a inspiré quand j’étais jeune. Il fallait prendre le relais du handball français et porter mon sport encore plus haut à travers des pubs à la télé, à passer dans les journaux et des plateaux télé, à être reconnu dans la rue. Tout cela a aidé à faire reconnaitre et respecter mon sport.
🟨 Le handball est plutôt scolaire en France. Est-ce qu’il véhicule plus de valeurs aux enfants que les autres sports ?
– Le handball a su garder sa force première : il vient de l’école. C’est un sport qui inculque les mêmes valeurs de base que l’école, soit le respect, l’abnégation, le travail, la résilience, la solidarité et la fraternité. C’est le deuxième sport qui compte le plus de licenciés, devant même le rugby. Ce qui fait la puissance du handball, c’est qu’on laisse les enfants s’amuser jusqu’à 15 ans. Ils jouent, ils prennent du plaisir et ils grandissent sereinement, contrairement à d’autres sports ou dès 11 ans on fait des sélections, on regarde des statistiques et on parle de pro- fessionnalisme et d’argent. Et c’est l’erreur de beaucoup de sports. Aujourd’hui, en tant que papa, j’ai envie de mettre mes enfants au handball parce que c’est un vrai sport collectif. On apprend à respecter et on apprend la vie jusqu’à 15 ans. Après, si on est bon, on va peut-être suivre un parcours vers le haut niveau et c’est pour cela que j’aime mon sport.
🟨 Dans son livre, Daniel Costantini, l’ancien sélectionneur de la France, disait qu’il était plus respecté en tant que prof d’EPS que les profs d’autres matières. Pensez-vous que le sport inspire le respect ?
– Tout le monde aime faire du sport, sortir, courir, s’amuser et c’est vrai que dans le sport on apprend différemment que dans les autres matières. On nous apprend à compter, à travailler notre mémoire ou à retenir des textes ou d’autres choses très utiles, mais c’est très intellectuel. Le sport nous apprend le rapport face à notre corps, le rapport avec nos coéquipiers, à prendre du plaisir avec eux, comment communiquer, comment respecter, comment parler à son coach, comment respecter les consignes, donc tout plein de choses différentes de toutes les autres matières. Je pense que c’est primordial parce qu’il y a très peu de matières qui nous apprennent à gérer notre corps. C’est ce qu’on a de plus important dans la vie. On sait aujourd’hui que la santé mentale est beaucoup liée à la sante physique et le sport nous aide à être en bonne santé mentale aussi.
🟨 Lors de sa visite à Maurice, Daniel Costantini voyait bien Pa- trice Canayer à la tête de l’équipe de France. C’était il y a douze ans et depuis, Patrice Canayer a pris sa retraite. Vous l’avez côtoyé à Montpellier. Qu’est-ce qu’il lui manque ?
– Oh je ne sais pas. Je ne suis pas président de la Fédération Française de Handball (rires). Je pense qu’il faut que vous appeliez Philippe Bana (Ndlr. Président de la FFHB).
🟨 Est-ce qu’il a les qualités pour être entraîneur de l’équipe de France ?
– Un entraîneur qui a gagne deux fois la Ligue des Champions a les qualités handballistiques pour être entraîneur de l’équipe de France. Mais on a vu par le passé que sélectionneur, c’est un autre métier qu’entraîneur de club. C’est une autre relation avec le joueur aussi. On l’a vu avec Guy Novès au rugby. Il a eu beaucoup de succès avec Toulouse, mais quand il est passé à l’équipe de France, ça n’a pas marché. Et puis être entraîneur, c’est savoir s’adapter à des joueurs et des groupes différents.
Quand on est sélectionneur, on n’a pas l’équipe sous la main, toute l’année. Il est tout le temps dans l’urgence et il a très peu de temps pour se préparer. Pour Patrice Canayer, je ne doute pas qu’il ait toutes les qualités, mais c’est aussi une histoire d’opportunité et de timing.
🟨 Vous dites que le métier d’entraîneur ne vous tente pas trop pour le moment, mais que vous privilégiez les conférences. Que partagez-vous ?
– En fait, ce n’était pas vraiment des conférences, mais j’avais envie de vivre sans le handball professionnel. J’avais envie de prendre tout ce que j’ai appris dans ma carrière de sportif, surtout mentalement, et de voir comment ça pourrait être utile dans d’autres domaines. Je fais des conférences, je conseille des dirigeants de start-ups, je fais des stages pour enfants, je fais des livres et des BD, je travaille sur mon autobiographie, je suis ambassadeur de mon ancien club, le PSG, et d’Adidas aussi de même que quelques sponsors. J’ai une fondation avec mon frère où on travail sur le sport, la jeunesse et l’environnement.
J’avais envie de comprendre comment être utile dans plein d’autres domaines que le handball professionnel où j’étais bon, mais je n’avais plus envie de cela. Je joue et je m’entraîne depuis mes 15-16 ans et je voulais sortir de ma zone de confort et de m’ouvrir au monde. C’est pour cela que je ne voulais pas trop replonger dans le handball professionnel et devenir entraîneur, manager ou quoi que ce soit d’autres.
🟨 Vous vous donnez un temps précis pour retourner dans le handball ?
– Pas du tout. Peut-être qu’un jour, l’envie viendra, mais j’ai appris à arrêter de me projeter et fonctionner avec l’envie et me lancer dans des projets qui me font plaisir.
🟨 Vous avez eu votre frère à vos côtés en équipe de France, au PSG et a Montpellier. Comment avez-vous vécu cette cohabitation ?
– Cela aide beaucoup parce que ça donne une motivation supplémentaire et de vivre toutes ces émotions en famille. Cela a consolidé et renforcé notre motivation l’un et l’autre. Cela nous a donné l’envie de jouer ensemble et ça a rendu les émotions encore plus belles quand on a gagné.
🟨 Comment vous vous souteniez lors des défaites ?
– Quand on est compétiteur on a toujours envie de gagner, surtout quand on porte le maillot de l’équipe de France ou du Paris Saint Germain. Quand on perd, cela remet beaucoup de choses en question et le fait d’avoir son frère à ses cotés, cela aide beaucoup dans ces moment-là.
🟨 À un certain moment, vous et Ivano Balic avaient fait des étincelles au Mondial à Zagreb où vous vous étiez retrouvés nez à nez au sens propre. Samedi dernier, vous étiez côte à côte sur le terrain à la Réunion. Comment s’est passée l’évolution de cette rivalité ?
– On s’est réunis grâce a Jackson parce que Jackson a joué avec Ivano Balic à Pampelune (Ndlr. En Espagne) et moi j’ai joué avec Jackson en équipe de France. Malheureusement, je n’ai jamais joué avec Ivano en club. On a toujours été rivaux, surtout dans les grandes compétitions où on arrivait en finale ou en demi-finale. Donc, c’était des matchs très engagés, très durs avec beaucoup d’enjeu. Quand t’as un rival, t’es pas forcement ami avec lui, à moins que tu joues en club avec lui. C’est Jackson qui nous a réunis pour le Challenge de son papa et c’était un plaisir de se retrouver après tant d’années.
🟨La hache de guerre est enterrée ?
– Oui, mais ça restera un moment qui est plus douloureux pour lui que pour moi (Ndlr: défaite en finale). On n’en a pas discuté, mais j’étais très heureux de partager ce moment avec lui à La Réunion. Cela nous a permis de pouvoir discuter et recréer des liens.
🟨 Vous aviez pris le relais de Jackson au poste de demi-centre en équipe de France. Il était plutôt artiste dans le jeu et vous vous jouiez plus en puissance. Quel héritage vous a-t-il légué dans cette équipe ?
– Déjà, Jackson m’a apporté beaucoup de confiance et de bienveillance dans l’équipe de France parce que j’y suis arrivé à 18 ans! On n’a plus vu des joueurs qui sont arrivés aussi jeunes en équipe de France. Je jouais dans une équipe avec mes idoles et Jackson m’a beaucoup rassuré. Le fait d’avoir votre idole et le capitaine de l’équipe qui vous accueille chaleureusement, cela donne de la confiance. J’ai pu voir son exemple aussi sur le terrain et à l’entraînement et de voir comment il respectait le maillot bleu. J’ai aussi pu voir comment il se comportait avec les amoureux du handball, en étant toujours disponible et en donnant du temps.
Il a toujours un sourire et un mot pour tout le monde. Il m’a transmis toutes ses valeurs. Malgré le fait qu’un sportif de haut niveau soit une star, il faut qu’il reste sur terre et cela m’a beaucoup impacté et je l’ai gardé en exemple pendant toute ma carrière. Mais on était des joueurs très différents. Je ne me suis pas forcement inspiré de ce qu’il faisait sur le terrain. Ses exploits m’ont inspiré, mais pas forcement son style de jeu.
🟨 Vous a-t-il aussi légué l’esprit des «Barjots» ?
Oui, il faut aussi savoir célébrer les victoires et faire la fête. Notre sport, c’est notre métier, mais on n’est pas à la mine. C’est un bonheur de faire ce qu’on fait. Il y a une certaine exigence à avoir et un plaisir à en retirer.
🟨 Le handball a récemment changé quelques règlements. Que faut-il faire pour rendre le handball plus populaire à travers le monde ?
– Je ne sais pas si on peut le rendre plus populaire à tra- vers le monde, mais déjà on peut le rendre un peu plus clair pour ceux qui l’aiment et ceux qui le regardent. Malheureusement, on est un sport qui est très lent à s’adapter. On l’a vu avec la règle du septième joueur (Ndlr. Un gardien de but peut sortir et se faire remplacer par un septième joueur dans le jeu de champs), qui a changé énormément de choses en 2016. Ce n’est que mon appréciation, mais tous les joueurs détestent cette règle parce que ce n’est plus le même sport. J’aurais bien aimé qu’on la change parce que cela n’apporte pas grandchose à notre sport.
Il faudrait aussi développer les championnats locaux et internationaux. On a un très beau sport et il faut tout le temps essayer de s’adapter aux règles et réfléchir sur les moyens de s’améliorer. Ce qu’on a fait avec l’équipe de France en tant que sportifs, il faut le faire aussi avec les dirigeants.
🟨 Avez-vous un message pour les handballeurs et aspirants handballeurs mauriciens ?
– Je suis fier que le handball soit représenté et aimé à Maurice. Je leur dit ce que je dis à tout le monde : se donner à fond dans ce qu’ils font et trouver leur passion car cela les amènera le plus loin possible. On ne finira peut-être pas en professionnel, mais le sport restera quelque chose de très important qui va les accompagner toute leur vie. Ils vont trouver des amis pour la vie, ils vont apprendre des choses et cela va les amener vers d’autres métiers qui sont en lien avec le sport. Comme vous, journaliste sportif ou comme mes amis kinés. Le sport apporte tellement de valeur que c’est un guide pour toute la vie.
Nikola Karabatic était accompagné de ses amis handballeurs. Ils étaient en action hier soir lors d’un match au Gymnase de Phoenix
Profil
🔴 Né le : 11 avril 1984, à Nils (SER)
🔴 Taille : 1m96
🔴 Poids : 103 kg
🔴 Sport : Handball
🔴 Spécialité(s) : Demi-centre
🔴 Sélection(s) : 365 (stats au 31/12/2024 )
Palmarès
En équipe de France :
🔴 Jeux Olympiques : 3 médailles d›or (2008, 2012, 2020) et 1 médaille d›argent (2016).
🔴 Championnats du Monde: 4 médailles d›or (2009, 2011, 2015, 2017) et des médailles d›argent et de bronze.
🔴 Championnats d’Europe: 4 médailles d›or (2006, 2010, 2014, 2024) et des médailles de bronze.
EN CLUB : 🔴 Ligue des Champions : 3 titres (2003, 2007, 2015).
🔴Championnats nationaux: De nombreux titres en France (Montpellier, Paris SaintGermain), en Allemagne (Kiel) et en Espagne (Barcelone).
🔴 Coupes nationales : Plusieurs Coupes de France, Coupes de la Ligue, Trophées des Champions, Coupes d›Allemagne, Coupe du Roi (Espagne).
Distinctions individuelles :
🔴 Meilleur joueur mondial de l’année (IHF) : 3 fois (2007, 2014, 2016).
🔴 Élu «Légende» par les Sportel Awards en 2024 .
Clubs successifs
🔴 Colmar handball club : de 1990 à 1992 (catégories jeunes)
🔴 Thau Handball Frontignan: de 1992 à 2000 (catégories jeunes)
🔴 Montpellier Handball : de 2000 à 2005 (centre de formation puis professionnel)
🔴 THW Kiel : de 2005 à 2009
🔴 Montpellier Handball : de 2009 à janvier 2013
🔴 Pays d’Aix UC : de février à juin 2013
🔴 FC Barcelone : de 2013 à 2015
🔴 Paris Saint-Germain : de 2015 à 2024
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