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Ancien toxicomane et aujourd’hui activiste social
Noor-Mamad : «Aujourd’hui, je me bats pour ceux qui n’ont plus de voix»
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Ancien toxicomane et aujourd’hui activiste social
Noor-Mamad : «Aujourd’hui, je me bats pour ceux qui n’ont plus de voix»
La drogue, ce poison insidieux, ronge notre société depuis des décennies. Elle s’immisce dans la vie des jeunes, détruit des familles et compromet l’avenir de notre île. Noor-Mamad, 67 ans, ancien toxicomane, s’en est sorti vivant. Aujourd’hui, il se bat pour ceux qui sont encore prisonniers de ce fléau. Il nous livre un témoignage poignant, empreint de vérité, d’espoir et de résilience.
Un parcours marqué par la douleur et la résilience
Je vis à Bois-Pignolet. Mon combat contre la drogue a laissé des marques profondes, visibles et invisibles. J’ai grandi dans des conditions modestes et, dès mon plus jeune âge, j’ai financé ma propre scolarité par de petits boulots. Élève brillant, j’ai étudié au collège Darwin, puis au collège London, à Port-Louis. J’avais un avenir prometteur... jusqu’à ce que tout bascule.
En 1979, à l’âge de 22 ans, j’ai sombré dans la drogue. Une déception amoureuse a été le déclencheur. D’abord, ce furent les drogues «légères», comme le cannabis, que je trouvais plus «cool» que l’alcool. Puis, avec un ami, j’ai commencé à m’injecter de la drogue, influencé par ce que je voyais dans mon entourage, y compris des femmes toxicomanes. Nous étions curieux de comprendre ce qui se cachait derrière ce plaisir qui semblait si fort. On a fini par demander à un dealer de nous vendre une dose injectable… et c’est là que tout a vraiment commencé.
De 1980 à 2003, j’ai vécu un enfer. La drogue m’a conduit en prison. J’ai perdu ma jeunesse derrière les barreaux… Ma famille, excédée, a fini par me rejeter. Je me suis retrouvé à la rue, à dormir sous des bus-stop, dans les jardins de Plaine-Verte, sale, affamé, sans espoir. J’étais devenu un sans-abri, une ombre de moi-même.
Mon salut, je le dois à mes amis du centre Idrice Goomany. C’est là que j’ai trouvé une première main tendue. J’ai commencé à prier dès mon premier jour au centre de désintoxication de Barclays. La prière est, selon moi, la seule vraie solution. C’est elle qui m’a donné la force de continuer.
J’ai commencé à réduire progressivement ma dose de méthadone, jusqu’à atteindre 5 ml. En parallèle, je cherchais du travail, mais ce n’était pas facile avec un casier judiciaire et la stigmatisation. J’ai tout de même pu travailler comme vendeur à la gare du Nord. Avec un groupe d’amis, nous avons fondé le groupe Tann Nou Lavwa pour aider ceux qui, comme nous, veulent s’en sortir. Nous allons à leur rencontre et leur parlons franchement.
Cannabis, synthétiques et de méthadone : un constat alarmant
Je pense que le cannabis est moins dangereux que les drogues synthétiques, mais tout dépend de la personne. Certains perdent totalement le contrôle. Pour ma part, je suis contre tout ce qui altère l’esprit, par conviction religieuse. Cela dit, je trouve paradoxal que l’alcool, bien plus destructeur selon moi, soit légal.
Il y a aussi un enjeu économique : un joint de cannabis coûte Rs 300. Si c’est trop cher, les jeunes vont se tourner vers les drogues synthétiques, bien moins chères. Mais malheureusement, beaucoup plus nocives. Ena bann zenfan 12 an ki pe fim Black Mamba. Li agresif, li violan. Ils tombent dans des états de transe. Certains doivent être transportés d’urgence à l’hôpital, inconscients.
Le système actuel de distribution de méthadone est défaillant. Il faudrait une équipe entièrement dédiée à ce programme, avec des pharmaciens formés, pour éviter les dérives. Le ministère est au courant, des solutions ont été proposées, mais rien ne fonctionne encore. J’espère que nous pourrons améliorer ce programme, car il peut sauver des vies.
Tout commence à l’adolescence, une période cruciale. Se laz kot bann zen dekouver zot lidantite, kot zot koumans fime, bwar, zis pou apartenir enn group, pou senti zot integre. On retrouve souvent ça chez les jeunes hommes, qui face au peer pressure se retrouvent à consommer des drogues pour ne pas être exclus. Enn fwa ou gout ladrog, ou fini. Le plaisir qu’elle procure est un leurre. De minit nissa, enn lavi soufrans...
Un message d’espoir et de responsabilité à la jeunesse
Je veux dire aux jeunes : priez. Si vous devez être accro à quelque chose, que ce soit à la prière, pas à la drogue. La spiritualité m’a sauvé. Elle est la clé pour sortir de ce fléau.
Je suis profondément reconnaissant à ma mère, à ma famille et à mes amis qui ne m’ont jamais totalement abandonné. Ma mère était une femme exceptionnelle. Je prie chaque jour pour elle. J’espère qu’un jour, j’aurai la chance de m’occuper d’elle et de lui rendre l’amour qu’elle m’a donné, que j’ai trop souvent trahi.
Zero nissa, saem vre nissa! Ladrog pa amenn okenn vre plezir. Vre plesir se kan ou prop ou ed ou fami ou fer ou lapriyer ou mars drwat. Je veux que les jeunes prennent leur vie en main. Mangez sainement, habillez-vous avec dignité, prenez vos responsabilités. Celui qui ne touche pas à la drogue, se limem ki pli malin.
Mo ena enn kestion pou zot : si la situation autour de la méthadone est déjà incontrôlable aujourd’hui, que se passera-t-il si on légalise le cannabis sans préparation suffisante ?
Pour finir, je souhaiterais passer un message aux jeunes de notre pays: Ne laissez pas deux minutes de plaisir vous voler votre avenir. Ce poison envahit votre corps, ruine vos opportunités, et vous pousse à la destruction. Vous valez mieux que ça.
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