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Interview de... Manishwar Purmanund
«Notre idée de l’éducation n’englobe pas la prise de conscience de nos droits»
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Interview de... Manishwar Purmanund
«Notre idée de l’éducation n’englobe pas la prise de conscience de nos droits»
L’activiste militant des droits humains et responsable de la branche locale d’organisations non gouvernementales, tels que Youth for Human Rights et United For Human Rights, a remporté le titre «Man of Excellence» pour son engagement caritatif, bénévole et humanitaire, lors des «Men of the Year 2023 Awards» en décembre 2023.
Vous êtes actif sur le terrain depuis des années et avez émergé sur la scène médiatique en 2020 en militant pour les squatteurs pendant le confinement et plus tard contre la brutalité policière. Quelle est la dernière mise à jour de vos activités ?
Malgré tout le travail accompli, le combat continue lorsqu’il s’agit des squatteurs. Pour les familles que nous avons pu reloger, notamment dans les maisons du NHDC à Baie-du-Tombeau et Dagotière, nous travaillons maintenant à leur encadrement et à leur autonomisation. Dans d’autres endroits, beaucoup ont encore besoin d’aide, comme à CoteauRaffin, où, si après une longue période, les gens ont pu obtenir les terrains qui leur ont été alloués, il y a toujours un énorme problème d’accès à l’eau et à l’électricité, des besoins de base considérés comme faisant partie du droit de vivre.
Concernant les cas de brutalité policière, outre l’aide apportée aux victimes qui se sont adressées à nous pour porter plainte et obtenir une protection, nous aidons à combattre le problème sur le terrain en adoptant une double approche : tout d’abord, en travaillant avec la police lors d’ateliers pour l’aider à adopter et mettre en œuvre un cadre de droits humains dans l’exercice de ses fonctions, et en s’engageant auprès de la population à travers le community policing. Dans plusieurs endroits, nous expliquons aux gens que la police n’est pas là que pour maintenir l’ordre public, mais aussi pour respecter les droits humains et veiller à ce que d’autres les respectent. En 2023, nous avons pu atteindre plus de 3 500 personnes grâce à nos campagnes de sensibilisation en collaboration avec la police. Mais il reste encore beaucoup à faire.
Quel a été, de votre point de vue, le bilan des droits humains à Maurice pour l’année 2023 ?
L’année a été marquée principalement par des violations du droit à la liberté et au licenciement sur le lieu de travail ; du droit de vivre avec un sentiment de sécurité, sans une constante crainte de représailles. À mon avis, l’un des principaux problèmes à résoudre reste que beaucoup d’entre nous ne connaissent pas encore nos droits et ne savons donc pas comment les faire respecter ou, en cas de violation, quels moyens utiliser pour obtenir réparation. Là où l’éducation est gratuite, il semble que cela implique savoir lire, écrire et utiliser nos connaissances et compétences académiques pour gagner notre vie grâce à un emploi, mais notre idée de l’éducation n’englobe pas la prise de conscience de nos droits. Par exemple, de nombreux professionnels ne connaissent pas les droits des travailleurs. Ce qui qui implique que, quand ils se sentent contraints de les lire pour obtenir justice, ils sont confrontés à une situation injuste de leur employeur. S’il est du devoir de l’État et des institutions de veiller à la protection des droits humains, il faut également insister sur la responsabilité individuelle, en apprenant à mieux connaître nos droits et à les faire respecter, qu’il s’agisse du droit de vote, du droit de vivre ou des aides de sécurité sociale auxquelles nous sommes éligibles, entre autres.
Néanmoins, quels ont été les points positifs de votre organisation en matière de droits humains ?
Sur le plan du travail, il y a eu un pas en avant en termes de formation avec des officiers de police. Nous avons également eu une formation avec le National Youth Council et avec des étudiants d’universités à travers le pays. À ce jour, le point le plus marquant reste le Youth Mentoring Program de l’organisation, où j’ai pu encadrer des jeunes qui étudient la loi, les droits humains et les sciences politiques. L’objectif est de préparer nos remplaçants – les jeunes de demain – en les dotant des outils dont ils ont besoin et en les mobilisant dans la direction qu’ils doivent prendre dans la société.
En décembre, vous avez remporté le titre de «Man of Excellence» pour votre engagement caritatif, bénévole et humanitaire aux «Men of the Year 2023 Awards», organisés par la plateforme Train 2 Gain. Quels projets comptez-vous entreprendre en 2024 ?
Ce prix apporte en quelque sorte une légitimité au combat et nous fait prendre conscience de la nécessité d’œuvrer en faveur des droits humains. Entre autres, nous envisageons cette année d’accroître notre collaboration avec les jeunes, notamment en nous concentrant sur les élèves des écoles secondaires. En collaboration avec la Citizen Commission for Human Rights, nous prévoyons également des interventions pour les personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Notre travail au sein de la fraternité Yeshua se poursuit, afin d’aider les familles en détresse et d’encadrer les enfants issus de foyers vulnérables.
Quels sont les défis que vous devez relever pour assurer la mise en œuvre d’un cadre de droits humains au niveau des politiques dans la société ?
Il y a encore de grandes organisations avec lesquelles nous devons vraiment lutter pour obtenir une collaboration. Il est difficile de convaincre de nombreux secteurs gouvernementaux de collaborer avec nous pour étudier ou tenter de mettre en œuvre des structures de promotion et de protection des droits humains, à l’exception de la police qui, je dois le dire, est maintenant très réceptive à l’idée de travailler en collaboration avec nous. D’autres secteurs et employeurs, y compris privés, ne s’en préoccupent pas du tout car ils considèrent les droits humains comme de simples «idéaux» dont on peut parler philosophiquement ou sur papier, plutôt que comme des objectifs réalistes à atteindre grâce à des cadres qui peuvent être adoptés et mis en œuvre.
Pour beaucoup d’entre eux, cela devient donc un fardeau ou un problème lorsque nous essayons d’entrer en contact avec leurs employés et de les sensibiliser, parce qu’ils estiment que si une personne connaît ses droits, elle est alors en mesure de s’exprimer correctement lorsqu’elle est confrontée à un problème et de ne pas céder au harcèlement, à l’exploitation ou à la peur, ce qui peut souvent être au détriment des employeurs ou des personnes au sommet de la hiérarchie. Nous ne sommes pas là pour faire des rebelles, mais pour donner à chacun les moyens d’agir de manière holistique et pour qu’un espace respectueux et équitable puisse voir le jour.
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