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Olivier Bancoult

«Nous porterons plainte à la Cour pénale internationale pour crime contre l’humanité»

31 janvier 2024, 16:00

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«Nous porterons plainte à la Cour pénale internationale pour crime contre l’humanité»

Olivier Bancoult, leader du Groupe Réfugiés Chagos.

«Nous n’avons pas la peau claire et les yeux bleus mais nous sommes tous des êtres humains et nous avons droit au même traitement»

Il exprime sa profonde déception face à la position des Britanniques sur le relogement des Chagossiens. Olivier Bancoult souligne le manque de respect des droits humains et la contradiction entre les décisions internationales et les actions du gouvernement britannique. Pour le leader du Groupe Réfugiés Chagos (GRC), il est évident qu’il y a des manœuvres derrière la position du secrétaire d’État aux Affaires étrangères du Royaume-Uni, David Cameron. Olivier Bancoult met en avant le souhait légitime des Chagossiens de retourner vivre sur leur terre natale, soulignant le manque de confiance envers un gouvernement qui bafoue leurs droits.

Que cache la position de David Cameron sur le relogement des Chagossiens dans votre archipel ?

En tant qu’ancien Premier ministre d’un pays tel que le Royaume-Uni, son comportement est un mauvais exemple et témoigne d’un manque de respect des droits humains. Il est difficile de comprendre pourquoi d’autres personnes (NdlR, les civils étrangers travaillant à Diego Garcia) peuvent habiter aux Chagos, mais pas les descendants des Chagossiens. Les actions de David Cameron semblent malhonnêtes, et il pourrait avoir un agenda caché. Si personne ne vivait à Diego Garcia, la situation aurait pu être différente. On y trouve des tombes d’ancêtres des familles laissées à l’abandon aujourd’hui.

Il semble y avoir des manœuvres cachées derrière tout cela, et l’Angleterre, en tant que membre d’organisations internationales, devrait respecter les réglementations et avis. La Cour internationale de justice a condamné l’expulsion des Chagossiens, et je trouve que c’est du racisme. Pourquoi les Chagossiens ne peuvent-ils pas bénéficier du même traitement que les habitants d’autres colonies britanniques? Le gouvernement britannique devrait répondre à ces questions.

Dans la démarche de rétrocession, Maurice était pourtant disposé à ce que la base navale américaine de Diego Garcia continue ses opérations. Quelle est la pomme de discorde entre Maurice et le Royaume-Uni dans les négociations ?

Nous avons toujours été favorables à la cohabitation. «Live and let us live.» Il doit bien y avoir anguille sous roche, car comment expliquer que d’autres personnes peuvent vivre sur Diego Garcia et que nous, les fils du sol, ne le pouvons pas ? Il existe près de 701 bases militaires à travers le monde, et sur toutes ces bases, la cohabitation est possible. Pour quelles raisons les Chagossiens ne peuvent-ils pas y retourner ? Le gouvernement britannique devrait répondre à cette question.

Est-ce que la réclamation par Maurice du loyer que payent les Américains y est pour quelque chose ?

La demande de loyer que payent les Américains est une question légitime, étant donné que la souveraineté appartient à Maurice selon les Nations unies. Si une personne utilise quelque chose qui ne lui appartient pas, il est logique qu’elle doive payer. Si je suis propriétaire, le locataire ne peut pas payer à une tierce personne. Ce serait malhonnête.

Maurice a-t-il négocié directement le loyer avec les États-Unis ou plutôt dans le dos des Britanniques, d’autant que vous vous êtes personnellement rendu à la rencontre des membres du congrès à Washington en octobre dernier pour réclamer des excuses et réparation financière et autres après la déportation du peuple chagossien ?

Quelles ont été les négociations de Maurice avec les États-Unis, je ne suis pas au courant et c’est au gouvernement seul de répondre à cette question. Pour ma part, j’ai approché l’État américain pour demander réparation, car il est essentiel de dédommager les Chagossiens pour les pertes et préjudices subis. Malheureusement, la loi du plus fort semble prévaloir dans cette situation.

Hormis d’avoir qualifié Boris Johnson de personnalité infecte, Pravind Jugnauth avait aussi reproché au Royaume-Uni de faire la sourde oreille, lors d’un jour historique commémorant la déportation des Chagossiens le 3 novembre dernier, alors que les négociations étaient déjà entamées. Le ver était-il déjà dans le fruit à ce moment-là ?

Le Premier ministre a toujours raison car la démarche du gouvernement britannique est un manque de respect des droits humains. Comment le Royaume-Uni peut-il aller à l’encontre de ce que disent la Cour internationale de Justice, les Nations unies et la loi universelle des droits humains, tout en prétendant donner l’exemple dans d’autres pays ? L’histoire donne raison au chef du gouvernement. Le gouvernement britannique semble diviser pour mieux régner, et il n’y a aucune volonté réelle de trouver une solution.

À quand remontent les dernières discussions des négociations sur les Chagos entre le Royaume-Uni et Maurice ?

Les dernières discussions ont eu lieu en novembre dernier. Cependant, il semble y avoir des divisions au sein du gouvernement britannique, certaines parties étant contre le relogement des Chagossiens en dépit de plusieurs décisions internationales allant à l’encontre de cette position. En mai 2019, 116 pays contre six avaient condamné la démarche du gouvernement britannique lors d’une résolution.

Qui de Maurice ou du Royaume-Uni a mis un terme aux négociations ?

Il est clair que c’est le gouvernement britannique qui a mis un terme aux négociations. Maurice a toujours montré un sérieux dans le traitement de cette affaire.

Quid de l’espoir que caressaient des Chagossiens et leurs descendants de retourner vivre aux Chagos ou de travailler à la base militaire comme d’autres civils étrangers y sont autorisés, d’autant que des discussions avaient été engagées entre James Cleverly, le prédécesseur de David Cameron aux Affaires étrangères ?

Les Chagossiens sont très déçus par le comportement de ces soi-disant champions des droits humains. Nous n’avons pas la peau claire et les yeux bleus, mais nous sommes tous des êtres humains et nous avons droit à un traitement égal. L’Angleterre n’est pas notre pays. N’avons-nous pas le droit de retourner vivre là où nous sommes nés ?

Nous n’allons pas rester les bras croisés. Après consultations avec nos hommes de loi, nous envisageons de porter plainte à la Cour pénale internationale pour crime contre l’humanité. Comment pouvons-nous faire confiance à un gouvernement qui bafoue nos droits ?

Pourquoi des Britanniques brandissent aujourd’hui une loi votée en 2021 par le Parlement mauricien par rapport au nom des Chagos ?

Ils se trouvent aujourd’hui dans une position de faiblesse, et ils ont leur agenda, car pourquoi évoquer une loi qui date de plus de deux ans maintenant ? Une fois de plus, ils montrent leur malhonnêteté, et toutes les excuses sont bonnes. Je voudrais leur poser une question : si nous étions parmi leurs électeurs, est-ce qu’ils auraient continué à bafouer nos droits ? Les Britanniques démontrent une fois de plus un manque de respect envers la communauté Chagossienne.

Et la demande au Premier ministre Rishi Sunak de mettre un terme au financement britannique ?

Aucun Chagossien n’a reçu quoi que ce soit des Britanniques. Au contraire, il y a eu un gaspillage de fonds avec une étude de faisabilité indépendante du cabinet conseil international KPMG, commandée par le gouvernement britannique en 2014. Selon le rapport, légalement, rien n’empêche un relogement des Chagossiens dans leur archipel. En 2016, le gouvernement avait prévu 40 millions de livres sterling pour améliorer les conditions de vie des Chagossiens, mais jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons rien reçu. Comment peut-on faire confiance à un tel gouvernement ?

Une loi adoptée en 2021 brandie maintenant…

En 2021, le Parlement mauricien a adopté une loi qui prévoit jusqu’à dix ans de prison à toute personne qualifiant les îles Chagos, de «britanniques». Presque trois ans après, dans un article publié par le «Daily Mail», le Think Tank Policy Exchange suggère que le Royaume-Uni suspende l’aide financière de 3,3 millions de livres sterling à Maurice en réponse à cette loi. Le nouveau secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Lord Cameron, s’est aussi exprimé sur la nécessité de garantir la sécurité de la base militaire américaine à Diego Garcia avant tout transfert.

Aucun commentaire du «King Counsel» Philippe Sands

Nous avons aussi tenté d’obtenir la position du Professeur Philippe Sands, «King Counsel» et représentant juridique du gouvernement mauricien sur le dossier Chagos. Il nous a fait savoir, par le biais de son assistante personnelle, Karen Carter, qu’en tant que conseiller juridique de Maurice, il ne se trouve pas en mesure de commenter une affaire en cours.

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