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Nouvelles drogues, nouvelles craintes

19 novembre 2023, 18:00

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Nouvelles drogues, nouvelles craintes

Inquiétant. Selon les témoignages de plusieurs travailleurs sociaux et d’autres personnes évoluant dans le milieu, une nouvelle drogue aurait fait son apparition dans le pays. Elle serait beaucoup plus puissante que celles déjà disponibles sur le marché et aurait déjà causé au moins trois décès dans le Sud. Des analyses sont actuellement en cours au niveau du Forensic Science Laboratory (FSL). Nous sommes partis à la chasse aux indices...

Il y aurait, selon plusieurs sources bien renseignées, deux types de drogues qui feraient des ravages dans le pays à l’heure actuelle. L’une est communément appelée «white lady» par les usagers, et l’autre demeure pour l’heure toujours inconnue et n’a donc pas de nom à proprement parler, si l’on en croit les autorités et ceux qui la consomment. «Ils ne savent pas ce qu’ils consomment. Ils sont en quête de nouvelles sensations et entendent juste auprès de leur fournisseur qu’il y a ‘enn bon kous’. Donc, ils franchissent le pas, l’essaient et, dans certains cas, il aurait été fatal, car la mort de quelques jeunes dans le Sud, notamment à Ville-Noire, mérite que l’on se penche davantage sur eux», explique le travailleur social, Ally Lazer.

Mais commençons par la «white lady». Il s’agit plus précisément du Crystal Meth, dont la consommation se répand de plus en plus dans les ‘cités’, selon plusieurs sources de l’Anti-Drug & Smuggling Unit (ADSU). «Cela se vend aussi bien que les autres drogues dures, telles que l’héroïne. Premièrement, parce que les deux drogues coûtent le même prix (NdlR, Rs 200 pour une dose de 10 à 16g, Rs 15 000 pour un gramme et Rs 15 millions le kilo). Mais les sensations diffèrent, si bien que même ceux qui sont des consommateurs depuis de nombreuses années ne peuvent pas en supporter les effets, tant cette drogue est puissante. «Ou vinn vrémem kouma enn zombi ek sa. Momem ki drogué depi 15 an, mo pa kapav ek sa ! Rann patant»*, confie un consommateur de drogue d’un faubourg de la capitale.

Sa dose quotidienne, il se la procure principalement dans un endroit à Batterie-Cassée, connue comme «lor park (koson)» par les limiers de l’ADSU. «Nous ne savons pas de quoi cette drogue est composée. Elle est sous forme d’une poudre blanche que l’on consomme exactement comme l’héroïne. Mais je peux vous dire que cela fait beaucoup de ravages. On en parlait récemment avec les autres habitués des lieux, et nous avons fait le compte. Il y a environ douze personnes qui sont décédées depuis l’introduction de cette drogue. Y a-t-il un lien entre ces morts et cette drogue, ou juste une coïncidence ? On ne sait pas. Mais cela donne à réfléchir...» Il explique que ce sont surtout les jeunes qui se tournent vers cette drogue, les ‘anciens’ savent faire la différence entre le Crystal Meth et l’héroïne et préfèrent ainsi «la bonne poudre».

Selon Ally Lazer, les symptômes sont très inquiétants. «J’ai eu des cas, et je peux vous dire que cela fait peur. Ce sont des personnes qui ne comprennent rien. Qui sont dans un autre monde. Ils sont au bord du coma...» La deuxième drogue suspectée d’être liée à la mort d’au moins trois jeunes dans le Sud, à Ville-Noire, serait une ‘poudre rose’. Selon nos sources au sein de l’ADSU, pour l’heure, il est difficile de dire de quoi elle est composée et quels sont les trafiquants spécifiques qui la vendent. «Nous n’avons et ne pouvons même pas procéder à des arrestations pour le moment, car nous-mêmes nous ne disposons que de très peu d’informations à ce sujet. Si cette drogue n’est pas listée sous la Dangerous Drug Act, sous quelle charge allons-nous procéder à l’arrestation d’une personne ?» se demandent-elles. Cependant, explique-t-on, une quantité de cette drogue mystère a été envoyée au FSL à des fins d’analyse récemment.

Nous nous sommes tournés vers nos sources au niveau du FSL à ce sujet. Elles confirment et avancent que le laboratoire a bel et bien obtenu des échantillons de cette drogue et que ceux-ci sont en cours d’analyse. «Mais la tâche s’avère difficile. Plusieurs méthodes et procédures sont utilisées pour connaître les composants exacts de la drogue. Le FSL a mis ces analyses sur un système de fast-track, car il est extrêmement important de pouvoir mettre un nom sur cette drogue au plus vite.» On explique ainsi que les résultats seront connus bientôt, mais avant de les rendre publics, il y aura des consultations avec l’United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC) et Interpol. «L’ADSU est aussi sollicitée dans cette affaire afin d’obtenir plus de renseignements sur les décès survenus à la Réunion en lien avec une nouvelle drogue. Cela dans le but de pouvoir faire une comparaison.»

Poudre rose locale

La piste privilégiée par l’ADSU pour le moment serait que cette drogue soit une poudre fabriquée localement. Ainsi, la poudre rose aurait fait son apparition «lor park (koson)» – véritable plaque tournante donc – en premier et aurait tracé sa route vers d’autres endroits à travers le pays, notamment VilleNoire, Mahébourg. «Ce que nous pensons, c’est qu’une quantité a été commercialisée, mais en voyant qu’elle est trop forte et causerait même des décès, la vente a été stoppée. Car encore une fois, nous n’arrivons pour l’heure pas à savoir qui est derrière cette ‘commercialisation’. Si elle se vendait comme l’héroïne, on aurait reçu des informations. Même les informateurs sont perdus et n’ont pas de véritable piste.»

Fentanyl ?

Depuis septembre de cette année, l’île sœur est préoccupée par la circulation d’une substance «500 fois plus puissante que l’héroïne» sur le territoire, qui avait causé la mort de trois jeunes. Et les autorités réunionnaises se penchaient sur le Fentanyl… Mais à Maurice, l’on explique que la probabilité que ce soit le Fentanyl est faible. «Encore une fois, selon nos informations, il est plus probable que cette drogue de couleur rose soit un produit local. Pour plus de détails, il est impératif d’attendre le rapport du FSL.» Toujours selon des sources très proches du dossier, la nouvelle drogue serait probablement une substance utilisée pour endormir les chevaux et qui serait mélangée à d’autres composantes pour obtenir cette poudre rose. «À l’étranger, on mélange même ce produit utilisé sur les chevaux au Fentanyl, ce qui est extrêmement nocif, voire fatal dans de nombreux cas…»