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Obituaire

1 juillet 2024, 11:00

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Obituaire

Dev Manraj s'en est allé. Il s'est effacé, discrètement. Sa façon de nous quitter reflète bien sa manière d'être : toujours en repli du devoir accompli. «Semblable», comme dit Antoine de Saint-Exupéry, «à ce moissonneur qui, après avoir bien lié sa gerbe, se couche dans son champ».

J'ai connu Dev au collège St Joseph. Il était un ami de classe, toujours discret dans son attitude mais intensément présent en tout. Son sujet de prédilection alors semblait être le General Paper, où il excellait par sa vaste culture. Omnivore dans ses lectures, ses écrits étaient largement au-dessus de la moyenne, déjà très difficile à atteindre quand on avait pour enseignant le pointilleux Brother Alphonsus Timothy Murphy. Sa performance en General Paper n'éclipsait en rien son niveau dans les autres matières, où il hissait les autres, en vrai meneur de cordée, à l'émuler et avancer. Inoubliables souvenirs scolaires, agrémentés par le rappel de son sens de l'humour bien fin et de sa camaraderie toujours bon enfant.

Après nos études, nos chemins se sont séparés. À chacun, le sien. Le parcours professionnel de Dev, vers les sommets de la fonction publique, a été exceptionnel. Il n'a jamais cessé de faire autorité sur tous les dossiers sensibles et délicats, qu'il a passés au tamis de son intelligence et de son flair intuitif. Celui du dossier de l'éducation secondaire privée subventionnée en est un.

Ce secteur, toutes confessions religieuses et propriétaires privés confondus, constant dans son soutien à la politique d'éducation gratuite pour tous, réclamait alors, à cor et à cri, la reconnaissance de son existence, sous l'asphyxie des pénuries de moyens et enserré dans l'étau des contrôles administratifs pointilleux et contraignants. Dev Manraj fut appelé à présider un comité multipartite à la fin de la décennie 80 pour faire des recommandations sur le secteur. Ce qu'il fit avec un art de présidence consommé. En visionnaire, Dev Manraj balisa tout le secteur pour assurer sa pérennité et la qualité de son service. Il introduisit une vision nouvelle d'opération, avec des termes inédits, de son propre cru, porteurs de sens et à portée pédagogique et financière opportune.

De cela, retenons, entre autres, l'Annual Rental Value : élément de «grant» reconnaissant la valeur du patrimoine foncier mis au service de l'éducation nationale par leurs propriétaires respectifs ; le «Management Grant», qui vient reconnaître que le «Management» d'un établissement est une compétence, un savoir, un service. D'autres items de «grant» sont recommandés pour pourvoir aux besoins reconnus d'entretien et de fourniture d'équipements variés, nommément administratifs, pédagogiques, sportifs, pour ne citer que ceux-là. Il recommanda, de plus, une indexation annuelle des «grants» sur l'augmentation des coûts de la vie. Un des aspects à la fois dynamiques et d'équité du rapport de Dev Manraj est la recommandation d'inclure le paiement des salaires et conditions de service du personnel non-enseignant, dit «non-teaching staff» dans les «grants» globaux des établissements, alors qu'antérieurement, les propriétaires devaient en faire les frais de leurs fonds propres.

Le rapport de Dev Manraj a été accueilli, à sa publication, favorablement et à l'unanimité par l'ensemble du secteur secondaire privé subventionné. Son rapport a laissé une trace, comme il en a laissé tant d'autres, dans tant d'autres secteurs du service public. Il en est ainsi parce que Dev avait au plus haut point le sens du service public et une passion pour son pays.

Adieu Dev.

Serge Ng Tat Chung.