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Budget 2024-2025

Pacte social

9 juin 2024, 08:40

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Pacte social

Le ministre des Finances a sorti l’artillerie lourde pour le dernier Budget de la présente mandature. Ce n’est guère une surprise. Le pays étant en pleine campagne électorale, il était clair que le gouvernement allait utiliser à fond l’arme budgétaire à des fins politiciennes.

Il n’empêche que le Budget 2024- 2025 s’inscrit dans la continuité des quatre précédents exercices. À la décharge de Renganaden Padayachy, il faut reconnaître que malgré la succession de vents contraires, parmi la pire crise que le pays a connue dans le sillage de la pandémie avec une contraction de -15 % du PIB réel enregistrée en 2020, l’inclusion de Maurice sur la liste noire, les conséquences délétères de la guerre en Ukraine, il ne s’est jamais départi de sa philosophie économique teintée de socialisme et de sa vision de bâtir une économie plus durable et plus inclusive. Le renforcement de l’État-providence, le rétablissement du pouvoir d’achat, la protection des travailleurs ou encore l’émancipation économique de la femme sont des dénominateurs communs qu’on retrouve dans ses Budgets.

Avec la loi des finances 2024-2025, le gouvernement vient honorer les engagements qu’il a pris dans son manifeste électoral en 2019. On a eu droit à un exercice de redistribution de la richesse nationale. Le message est on ne peut plus clair : l’humain est placé au cœur du développement. Par là même, il a donné un avant-goût de ce que sera le prochain quinquennat dans l’éventualité d’une reconduction du régime actuel pour un troisième mandat.

Les grands gagnants, ce sont surtout les couples qui envisagent d’avoir des enfants, les seniors, la classe ouvrière et les jeunes, en particulier ceux dans la tranche d’âge de 18 à 25 ans. Ainsi, le congé de maternité est rallongé de 14 à 16 semaines. Alors que le congé de paternité est étendu de 1 à 4 semaines. Pour les mères qui donneront naissance à des jumeaux ou à des triplés ou à un nouveau-né prématuré, un congé de maternité supplémentaire de 2 semaines sera accordé. De plus, 12 000 mères percevront une Maternity allowance mensuelle de Rs 2 000 pendant 9 mois à partir de la 28e semaine de grossesse. D’aucuns diront que ces mesures d’incitation à la parentalité viennent quelque part contrecarrer l’annonce de l’alliance Parti travailliste-MMM-Nouveaux Démocrates qu’elle introduirait un congé de maternité de 12 mois si elle accédait au pouvoir.

Le Budget fait également provision pour que 310 000 seniors, handicapés et veuves reçoivent une pension plus élevée. Dans le cas de la pension de vieillesse, elle augmentera de Rs 13 500 à Rs 14 000 dès le 1er juillet, avant de passer à Rs 15 000 en janvier 2025. Alors que la pension pour les seniors dans les tranches d’âge de 65 à 74 ans et de 75 à 89 ans augmentera à Rs 16 000 et Rs 17 500 respectivement.

Les jeunes sont particulièrement choyés par le gouvernement. L’une des mesures clés concerne la fourniture d’un forfait mensuel de données gratuites afin de permettre à quelque 80 000 jeunes âgés entre 18 et 25 ans de bénéficier d’un accès gratuit à l’Internet mobile.

Par ailleurs, pour améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs, l’État mobilisera une somme de Rs 4,9 milliards afin de subventionner le gaz ménager, la farine et le pain.

Certes, la panoplie de mesures sociales fortes annoncées par le Grand argentier fait marquer des points au gouvernement auprès d’une forte frange de l’électorat, mais il serait réducteur de ramener ce Budget à un exercice de clientélisme ou de marketing politique. Adopter des mesures sociales fortes allant dans le sens d’un renforcement du pouvoir d’achat, c’est actionner le levier de la demande et dynamiser la consommation. Celle-ci représente environ 75 % de notre PIB.

D’un point de vue économique, le Budget ne comporte pas mesures extrêmement ambitieuses qui marquent les esprits. Que ce soit pour améliorer le climat des affaires, dynamiser le secteur financier, ouvrir le pays aux compétences étrangères, l’on a eu droit essentiellement à des mesures conjoncturelles, dont l’efficacité se mesurera dans le temps. Pas grand-chose aussi à se mettre sous la dent en termes de diversification de la base de l’économie. Ainsi, concernant le secteur des sciences de la vie et de la biotechnologie, le ministre des Finances s’est contenté d’annoncer la création de la Mauritius Biopharmaceutical Regulatoty Authority et l’introduction de l’Assisted Reproductive Technology Act en vue d’attirer les centres de fertilité à s’installer chez nous.

Sur la question de la résilience climatique et de l’énergie, Renganaden Padayachy y a consacré tout un volet de son Budget. Après avoir fait remarquer que le changement climatique est l’affaire de toutes les parties prenantes – l’État, les entreprises et la société civile –, et que le pays devra mobiliser quelque Rs 300 milliards pour son programme d’adaptation et d’atténuation, il a annoncé l’introduction d’un Corporare Climate Responsibility Levy équivalent à 2 % des bénéfices des entreprises brassant un chiffre d’affaires d’au moins Rs 50 millions. Il s’agit là ni plus ni moins que d’une forme d’impôt direct.

Docteur en économie, Renganaden Padayachy aspire à ce qu’on se souvienne de lui comme un visionnaire, comme celui qui a su donner une direction à l’économie dans l’île Maurice post-pandémie. Sa vision, c’est qu’à l’horizon 2030, nous atteignons le cap d’un PIB de Rs 1 000 milliards, comme l’anticipe d’ailleurs le Fonds monétaire international (FMI) dans son dernier Article IV sur le pays.

Défiant par ailleurs les pronostics du FMI qui table sur une croissance de 4,9 % du PIB réel, le ministre des Finances pense, pour sa part, qu’on se dirige vers une croissance beaucoup plus robuste de 6,5 %. Mieux, les mesures contenues dans le Budget devraient tracer la voie pour une croissance moyenne d’autour 5 % à moyen terme, estime-t-il.

D’un point de vue comptable, le Budget 2024-2025 tient la route. Les dépenses sont calculées à Rs 237,3 milliards contre des revenus de Rs 210,5 milliards. Ce qui fait que le déficit budgétaire sera contenu à 3,4 % à fin juin 2025 contre 3,9 % en juin 2024. Concernant la dette publique, elle est calculée à 74,5 % du PIB à fin juin 2024. D’après les prévisions, elle sera ramenée à 71,1 % du PIB en juin 2025.

Les mesures-phares

l Introduction d’un Corporate Climate Responsibility Levy de 2 % pour les entreprises brassant un chiffre d’affaires supérieur à Rs 50 millions

l 110 000 Mauriciens bénéficieront d’un revenu minimum garanti de Rs 20 000 par mois

l 50 000 ménages disposeront d’un minimum de Rs 20 000 grâce à l’allocation d’égalité des chances de Rs 2 000 par mois

l 12 000 mères recevront une «Maternity allowance» mensuelle de Rs 2 000

l 320 000 salariés et indépendants recevront une «CSG Income Allowance» plus élevée

l 310 000 seniors, handicapés et veuves toucheront une pension plus élevée

l L’État mobilisera Rs 4,9 milliards sous forme de subventions pour le gaz ménager, la farine et le pain

l Un plan d’action pour le Metro Express sera élaboré pour étendre la ligne ferroviaire sur tout le territoire