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Guerre Israël-Hamas
Palestine et Israël vont-ils jamais s’en sortir ?
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Guerre Israël-Hamas
Palestine et Israël vont-ils jamais s’en sortir ?
Des femmes palestiniennes et leurs enfants fuient les frappes israéliennes sur la bande de Gaza (Palestine), le 11 octobre 2023.
Le raid du Hamas sur Israël ; voilà la dernière grosse émotion sur le plan planétaire : 1 200 morts côté israélien et, à ce stade, après la réplique de l’armée israélienne, 1 400 morts côté palestinien. L’horreur, c’est que la plupart de ces morts ne sont pas des militaires et que les soldats du Hamas ont pris 150 otages, principalement des civils, et les retiennent à Gaza, jouant maintenant avec leurs vies pour atteindre leurs objectifs.
C’est ainsi que l’aile militaire du Hamas menace d’exécuter un otage à chaque fois qu’Israël va utiliser ses avions contre les Palestiniens, dans leurs maisons, sans sommation. À la cadence où la réplique israélienne se passe, même 150 otages risquent de faire les frais plutôt rapidement, mais le Hamas sait, cyniquement, qu’en temps normal, 150 otages ou un seul sont également suffisants pour obtenir la libération des milliers de leurs camarades emprisonnés en Israël ! Souvenez-vous du soldat Gilad Shalit, libéré par le Hamas en 2011 contre environ un millier de Palestiniens détenus par Israël.
Mais il faut mettre l’accent sur la phrase «… en temps normal…», car rien n’est plus «normal» dans cette situation qui est tant extraordinaire qu’explosive ! En effet, le raid du Hamas a détruit le mythe de la fiabilité des services secrets du Mossad, d’Aman et du Shin Bet. Il a aussi démontré les limites des coûteuses barrières technologiquement sophistiquées érigées par Israël pour ‘contrôler’ Gaza pour toujours. Il a aussi prouvé que même la redoutable armée israélienne avait ses limites, d’autant que l’instabilité interne causée par les exigences des radicaux religieux à l’intérieur du gouvernement Netanyahu, avait même mené à des défections chez les réservistes de l’armée !
Ce n’est pas la première fois que le Hamas fait du terrorisme(*) dans sa conviction qu’Israël ne doit plus exister et ce que font les Israéliens depuis 1948 n’est pas pour aider non plus, en particulier les évictions forcées et illégales, parfois meurtrières, en Cisjordanie. Mais ce raid du Hamas est sans précédent récent dans les échelles de l’effroyable. Les chaudrons de la haine, déjà remplis à ras bord, ont été remis sur le feu !
Dès lors, un officiel de l’armée israélienne, commentant dans la presse de son pays, soulignait que même si la libération des otages restait importante, elle n’était plus la priorité absolue. Ce qui donne le ton. Contrairement au Hamas, Israël prévient les populations du Nord de Gaza de fuir avant qu’elle n’attaque ; les dommages collatéraux étant inévitables. Mais où fuir dans… 140 km2 assiégés,(**), quand les frontières, tant égyptiennes qu’israéliennes, sont fermées(***) ?
Une des conséquences de cette incursion est qu’elle a déplacé l’attention de la planète vers le Moyen-Orient, marginalisant du coup la guerre en Ukraine ! Quand Israël et l’Ukraine demanderont de l’aide aux Américains, qui va-t-on privilégier ? C’est M. Poutine qui va être content ! En parallèle, le dégel des relations entre Israël et les membres de la Ligue arabe, qui intéressait même l’Arabie saoudite plus récemment, va accuser un sérieux recul. On peut comprendre le calcul du Hamas : il fallait un coup d’éclat, malgré des conséquences qui seront terribles, pour rappeler que les Palestiniens ne se recroquevilleront pas dans leur coin pour laisser les autres faire leurs petites affaires sur leur dos… Les accords d’Abraham, la paix entre l’Arabie et Israël promue par Biden, rejoignent, pour l’heure, dans la poubelle, la solution des deux États requérant des concessions importantes des Israéliens.
L’histoire témoigne que la Palestine n’a jamais été une région tranquille. Loin de là. Puisqu’elle s’égrène invariablement au son de la loi du plus fort !
Depuis, les 12 tribus d’Israël conquérantes de Canaan (dont l’existence même est discutée par les historiens), la conquête et l’exil d’environ 10 de ces tribus à Babylone, leur libération par le Perse Cyrus, la conquête de la Palestine par Alexandre le Grand (332 BCE), l’incorporation de la Judée dans l’empire romain (63 BCE), les révoltes juives contre Rome, la destruction du 1er et du 2e temple juif, Masada, l’empire byzantin de Constantin(313 CE) qui consacre les chrétiens face aux juifs, qui se révoltent, les Perses qui capturent et pillent Jérusalem (614), la ‘vraie croix’ incluse, ça démarre plutôt chaudement ! En 629, Héraclius de Constantinople reprend Jérusalem et ramène la ‘vraie croix’, mais en 637, Jérusalem tombe aux mains du califat Raschidun et on permet aux juifs de retourner à Jérusalem pour la première fois depuis 505 ans ! Entre 687 et 691, on construit la mosquée Al-Aqsa. Les dynasties Umayyade, Abbasside, Fatimide se suivront et les tribus de Palestine se battront entre elles (comme en 792-796). En 966, une foule d’excités juifs et musulmans brûle l’église de la résurrection après l’avoir pillée et elle tue le patriarche chrétien Jean VII. Les Fatimides (969) nommeront un gouverneur juif.
Entre 996 et 998, il y a la révolte chrétienne à Tyr et les leaders défaits sont tous crucifiés. Le 18 octobre 1009, le calife Al-Hakim ordonne la destruction de l’église du Saint Sépulcre et à partir de 1012, ses décrets sont de plus en plus oppressifs pour juifs et chrétiens. En 1015, le dôme d’Al Aqsa s’effondre dans un tremblement de terre. En 1027, Byzance signe la paix avec les Fatimides et obtient de reconstruire l’église du Saint Sépulcre et que les chrétiens qui ont été forcés de se convertir à la religion musulmane, puissent renverser leur religion. En contrepartie, la mosquée de Constantinople est à nouveau ouverte.
La période des croisades couvre 1099 à 1291 et la guerre est sanglante et permanente pendant ces années-là. À la conquête de Jérusalem le 15 juillet 1099, on massacre la plupart des juifs et des musulmans de la ville. Le 2 octobre 1187, Saladin le Magnifique (un Kurde) reprend Jérusalem et en 1192, il confie les clés d’accès à l’église du Saint Sépulcre à deux familles musulmanes parce que les diverses communautés chrétiennes ne s’entendaient plus ! Ces gardiens musulmans récoltaient aussi les taxes occasionnelles imposées aux visiteurs, taxes qui ne seront définitivement abolies qu’en 1831. Les Khorezmiens capturent Jérusalem et exécutent tous les habitants en 1244.
En 1258, les Mongols (!) sont en Palestine et exécutent le dernier calife dans une période particulièrement troublée(****). Les mamelouks d’Égypte capturent le dernier bastion chrétien à Acre en 1291. Des forces arméniennes, chypriotes et tatars font et défont des alliances guerrières et meurtrières jusqu’à l’arrivée des Ottomans en 1516 qui font, à nouveau, la conquête de Jérusalem. Süleyman le magnifique (1538-1541) restaure Al Aqsa et les murs de Jérusalem (qui survivent jusqu’à maintenant) et il en scelle la Porte Dorée pour empêcher le retour du messie juif !
Aux 17e et 18e siècles, on note des visites et des retours plus fréquents de juifs et de chrétiens vers la Palestine des Ottomans, des taxes, des révoltes. Après sa campagne d’Égypte, Napoléon, 29 ans, est en Syrie et en Palestine en 1799 et gagne, notamment, la bataille du Mont Tabor et fait la conquête du port de Gaza, cependant que son siège d’Acre ne réussit pas après deux mois terribles qui font la gloire du défenseur bosniaque, Al-Jazzar.
On continue ?
En 1834, les paysans palestiniens arabes se révoltent contre la conscription ainsi que les taxes égyptiennes et en 1840, les puissances européennes signent un accord avec Muhammad Ali (comme le boxeur !), aussi connu comme Mehmed Ali Pasha, gouverneur ottoman d’Égypte, lui donnant le contrôle et la souveraineté sur Israël. En 1860, un premier quartier juif s’installe en dehors des murs de Jérusalem. En août 1897, c’est le premier congrès sioniste et Tel Aviv est fondée à la périphérie de Jaffa en 1909.
La Première Guerre mondiale sonne le glas de l’empire ottoman. La déclaration Balfour laisse entrevoir une patrie juive en novembre 1917. En 1947, après l’holocauste, les Nations unies votent pour une nation arabe et une nation juive à partir des territoires du mandat britannique (résolution 181), ce que rejettent les États arabes menant à des conflits armés. En mai 1948, c’est la naissance unilatérale d’Eretz Israël.
S’ensuivront huit guerres d’importance diverses, des accords approuvés qui foirent, deux intifada sérieux et le raid du Hamas du 7 octobre dernier. Un de leurs premiers objectifs ? Un festival de musique de jeunes célébrant entre autres, l’amour et la paix. Bilan du festival ? 260 morts et plusieurs dizaines d’otages kidnappés…
Le drame c’est aussi que si les populations sont largement pour la paix, même si parfois séparées, elles seront toujours victimes des guerres initiées par leurs leaders politiques ou religieux plus belliqueux, comme démontré par plus de 2 000 ans d’histoire. Et l’on ne s’en sort décidément pas si un civil israélien innocent tué n’est pas à déplorer autant qu’un civil palestinien innocent tué…
Et si, au lieu, d’armes à la main, le Hamas s’était invité en Israël, distribuant high-fives, fleurs et bonbons à la place ? Aurait-on pu vider les chaudrons de la haine ? Improbable, mais on ne le saura malheureusement jamais…
(*) https://fr.wikipedia.org/wiki/Hamas
(**) Maurice fait 1 865 km2
(***) https://www.nytimes.com/2023/10/12/opinion/israelhamas-isis-gaza.html
(****) https://books.openedition.org/ifpo/3967?lang=en
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