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Journée internationale
Parents face à la drogue : Leurs enfants, leur bataille
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Journée internationale
Parents face à la drogue : Leurs enfants, leur bataille
La Journée internationale contre l’abus et le trafic illicite des drogues, célébrée aujourd’hui, vise à renforcer l’action et la coopération aux échelons national, régional et international dans le but de parvenir à une société affranchie du fléau des drogues. Qu’il s’agisse d’individus aux prises aux troubles liés à la consommation de substances ou de communautés devant faire face aux conséquences du trafic, l’impact des drogues est vaste et multiforme. Selon le dernier rapport du National Drug Observatory publié en novembre 2023, avec 4 502 infractions signalées en 2022, le taux d’infractions liées à la drogue s’élevait à 3,6 pour 1 000 habitants. Alors que plusieurs stratégies ont été mises en place, la drogue continue à se propager parmi les jeunes, laissant de nombreux parents victimes de toutes sortes d’abus à leur tour. Aujourd’hui, ces parents ont voulu faire entendre leur voix à travers un plaidoyer transmis aux autorités.
Les efforts pour lutter contre la consommation de drogues chez les jeunes se sont multipliés, mais les résultats tardent à se faire sentir. Malgré les campagnes de sensibilisation et les programmes de prévention, de nombreux jeunes succombent encore aux attraits de ces substances illicites. Pour les parents, la situation est devenue insupportable. «Malgré les développements en cours au niveau des infrastructures, l’un des grands défis reste la préservation de la vie et de la qualité de vie des personnes affectées par le trafic de drogue en tant que consommateurs ou proches (membres de la famille, partenaires, enfants)», disent ces parents.
Souvent démunis face à cette situation, ces parents réclament davantage de soutien et de ressources. Ces derniers sont souvent oubliés par le système alors qu’ils sont également de grandes victimes dont les vies sont durement impactées. Au quotidien, ils vivent un véritable calvaire et éprouvent beaucoup de difficultés à obtenir le soutien et le réconfort nécessaires. Victimes silencieuses, incomprises et stigmatisées malgré elles, les parents endurent de grandes souffrances et ne bénéficient d’aucun soutien.
Démanteler les réseaux de trafiquants
Dans leur plaidoyer, les parents insistent pour que leurs enfants toxicomanes soient traités comme des patients souffrant de toute autre maladie. Ils demandent que la dispensation de la méthadone, un traitement de substitution aux opiacés, soit réalisée en urgence dans les centres de santé. Ils appellent à la création d’un cadre structuré pour la prévention des rechutes, qui inclurait une réintroduction graduelle dans la société. Ce cadre devrait offrir un soutien continu aux jeunes sortant d’une cure de désintoxication, les aidant à se réintégrer dans la vie quotidienne tout en minimisant les risques de rechute.
La réalité des usagers de drogues a évolué et les parents réclament la création de nouveaux centres thérapeutiques adaptés à ces changements. Ils demandent que davantage de prévention et de sensibilisation soient menées dans les écoles et dans la société en général. Enfin, les parents soulignent l’urgence d’aborder la question du trafic de drogue, qui sévit dans presque toutes les rues du pays. Ils appellent à une action déterminée des autorités pour démanteler les réseaux de trafiquants et sécuriser les quartiers.
Témoignages
Sophie, mère d’un jeune de 19 ans : «Je vis dans une peur constante»
Sophie est une mère de famille pour qui une lueur d’espoir est écrasée chaque jour par la réalité brutale de la toxicomanie qui consume son fils de 19 ans. Pourtant, dit-elle, c’est un jeune qui avait un avenir brillant devant lui. «Nous avons tout essayé. Les discussions, les thérapies, même des traitements spécialisés. J’ai passé des nuits blanches à rechercher des solutions, à supplier mon enfant de changer de voie, à revenir vers nous. Mais rien ne semble fonctionner. Chaque pas en avant est suivi de deux pas en arrière.» Des vols à répétition pour se procurer sa drogue, des disputes qui éclatent comme des tempêtes font partie du quotidien de cette famille. «J’ai dû signaler mon propre enfant aux autorités, espérant que cela le réveillerait, le ferait prendre conscience de la gravité de sa situation. Je vis dans une peur constante», raconte-t-elle. Avant d’ajouter : «La disponibilité facile de la drogue pour les jeunes est le reflet d’un système de distribution clandestin qui prospère dans l’ombre. Que fait-on pour arrêter les grands barons de la drogue ? Il est impératif de s’attaquer à la source même du problème en démantelant les réseaux de trafiquants.»
Questions à... Ragini Rungen: «La recherche est le parent pauvre dans ce domaine»
Depuis plusieurs années, Groupe A-Lacaz A est engagée dans la lutte contre la toxicomanie…
L’ONG existe depuis 38 ans. Sa devise est «Amour, Accueil, Amitié». Elle a pris naissance à Cassis à partir d’une initiative des jeunes de la paroisse de Saint-Sacrement. Nous étions motivés à changer les choses parce que nous étions touchés en voyant des jeunes du quartier mourir d’overdose et en constatant la douleur des parents quand un enfant était victime de toxicomanie. Nous nous sommes engagés à venir en aide à ces familles en détresse. Dans ce contexte, nous avons rencontré des personnes qui, parce qu’elles étaient rejetées, se retrouvaient à errer dans les rues. Nous avons pensé les accueillir pendant la journée.
Dans le cadre de la Journée internationale contre l’abus et le trafic illicite des drogues, vous avez organisé un grand rassemblement dimanche dernier au collège Lorette de Rose Hill. Quel en était le but ?
Nous avons voulu marquer cette journée de façon différente avec les parents. Nous n’avons aucune statistique sur le nombre de parents et de familles brisées par des problèmes de drogue. Les parents sont réticents à venir en avant pour parler de leurs problèmes, car c’est toujours un sujet tabou. Il y a la stigmatisation. Mais il faut comprendre qu’un parent ne demande pas à son enfant de se droguer ; ces parents sont aussi des victimes mais sont souvent incompris. La rencontre de dimanche visait justement à donner l’occasion à ces personnes de s’exprimer et d’aller à leur tour vers d’autres parents. Les parents et les grands-parents sont aujourd’hui de plus en plus victimes de violence. Il nous faut reconnaître la souffrance des parents.
Malgré la répression des autorités, les jeunes se procurent facilement de la drogue synthétique. Pourquoi, selon vous ?
C’est une drogue facile à trouver et à fabriquer. La drogue synthétique a en effet compliqué la lutte contre la drogue. Il n’y a pas de cadre légal spécifique contre la drogue synthétique, bien qu’elle tombe sous la Dangerous Drugs Act (DDA), justement parce qu’elle peut être fabriquée à partir de n’importe quel produit qui n’est pas nécessairement classé sous la DDA. De ce fait, cela devient difficile à contrôler. De plus, il n’y a pas de traitement médical pour la drogue synthétique. On peut traiter les symptômes, mais pas la maladie elle-même.
Faut-il revoir les stratégies pour la prévention ?
La prévention, c’est la clé. Chacun essaie de faire de son mieux à sa façon et il y a déjà beaucoup d’informations disponibles. Mais le problème de la drogue est en constante évolution et il faut de nouvelles stratégies. La recherche est le parent pauvre dans ce domaine. Il nous faut avoir une étude propre à notre culture et nos réalités afin de pouvoir développer des stratégies. Nous nous basons souvent sur des recherches et études faites dans d’autres pays, mais la réalité mauricienne est différente. Nous avons notre propre vécu. Avec des études plus ciblées, on pourra recadrer les programmes et la réhabilitation.
Que pensez-vous des nombreuses saisies record effectuées ces derniers temps ?
Je suis très contente de voir qu’il y a autant de saisies, mais d’un autre côté, cela fait peur de voir comment autant de drogue arrive à entrer dans le pays. Combien n’ont pas été détectées ? Les parents se posent aussi beaucoup de questions sur ce qui se passe après ces saisies. Bien souvent, les enquêtes tardent, il n’y a pas de suite et aucune arrestation.
Rapport du National Drug Observatory : Chiffres inquiétants
En 2022, sur les 4 502 infractions liées aux drogues signalées, 43 % étaient dues au cannabis, suivies de 30 % pour les délits liés à l’héroïne, tandis que 17,8 % des infractions liées aux stupéfiants étaient attribuées aux cannabinoïdes synthétiques. D’autres drogues, principalement la méthadone et le haschisch, représentaient 5,5 %, tandis que les sédatifs/tranquillisants représentaient 3,7 %.
Les arrestations dues aux drogues effectuées par l’ADSU étaient principalement dues aux opioïdes (43 %), surtout l’héroïne et quelques cas de buprénorphine. Ensuite, les produits à base de cannabis, principalement des herbes et quelques morceaux de haschisch (résine de cannabis), représentaient 34,4 % des arrestations. Les arrestations restantes étaient dues aux nouvelles substances psychoactives (22,7 %), aux dépresseurs du système nerveux central (2,3 %) et aux stimulants du système nerveux central, à savoir la cocaïne et la méthamphétamine (0,2 %).
De 2021 à 2022, le nombre d’admissions dans les institutions de santé publique suite à des complications liées à la consommation de drogues a augmenté de 8,7 %, passant de 927 en 2021 à 1 008 en 2022. Pour la même période, les admissions liées à la consommation de stupéfiants chez les hommes ont augmenté de 4,5 %, passant de 864 à 903, tandis que celles des femmes ont augmenté de 66,7 %, passant de 63 à 105. La majorité (78,7 %) des nouveaux cas recherchant un traitement de réadaptation dans des ONG étaient âgés de 18 à 39 ans. Au cours de la période 2019-2022, le nombre moyen annuel de nouveaux cas dans les ONG était de 69 chez les moins de 18 ans, de 1 092 chez les 18-29 ans et de 545 chez les 30-39 ans. En 2022, 4 149 cas confirmés de substances illicites ont été signalés par le FSL, soit en moyenne environ mille cas tous les trois mois. Pour toute l’année 2022, le cannabis était la substance la plus populaire confirmée, avec 44,9 % des cas. Les cas d’héroïne constituaient 31,6 %, suivis des nouvelles substances psychoactives, avec 18,1 %, et les 5,4 % restants étaient attribués à d’autres drogues non spécifiées.
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