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Kronik KC Ranzé

Pas ce que l’on croit…

23 juin 2024, 08:29

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Pas ce que l’on croit…

La visite de Poutine en Corée du Nord vient d’étendre le réseau formel des autocrates à un membre de plus. Ce n’est pas que nous découvrons aujourd’hui seulement, un autocrate additionnel en Kim Jong-un, mais cet autocrate-là était embarrassant à plus d’un titre, au point où, jusqu’ici, il était presque infréquentable par ses pairs et ce, malgré l’accolade extraordinaire et surprenante d’un autre autocrate en puissance le 30 juin 2019, Donald J. Trump !

L’Iran, la Chine, la Russie… la Corée du Nord, cela fait une belle brochette, mais c’est un regroupement où la Chine paraît être de plus en plus incongrue.

En effet, la Chine, même si dirigée par un dictateur omnipotent, est, de ce quatuor, le pays qui est, de loin, le plus imbriqué avec le reste de la communauté mondiale, notamment commercialement et qui a donc besoin de bien soupeser jusqu’à quel point elle peut aller, sans se faire encore plus punir commercialement que récemment. En effet, son commerce s’ouvre bien plus largement sur des marchés de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) lucratifs, contrairement à la Russie, l’Iran ou la Corée du Nord…

La Corée du Nord n’a, en fait, quasiment aucun commerce avec le reste du monde, sinon à travers sa frontière avec la Chine. 99 % de ses importations et 69 % de ses exportations dépendent de la Chine en 2022 et seulement 21 % de ses importations de 900 millions de dollars sont couverts par ses exportations… À part le commerce, on crédite diverses équipes de Nord-coréens (Lazarus, Kimsuky, etc.), travaillant pour le gouvernement, de rapines technologiques sur l’Internet, de vols de crypto et même d’arnaques, déposant, par exemple, des malwares dans des systèmes critiques mondialement, réclamant ensuite paiement pour les libérer ; un peu comme on réclame des rançons pour libérer des otages, quoi… (*)

La Russie, post sanctions, voit, selon Reuters, ses exportations baisser de 28,3 % entre 2022 et 2023, à 425 milliards de dollars, dont 72 % est maintenant vers l’Asie (49 % en 2022). La Chine et l’Inde sont les gros importateurs de pétrole russe dont les achats progressent le plus et le commerce avec les pays de l’OCDE a beaucoup reculé, même s’il n’a pas disparu…

Les principaux fournisseurs commerciaux de l’Iran sont la Chine (28 %), l’UAE (20 %) et l’Inde (11 %) et les importations totales se chiffraient à 41 milliards de dollars en 2019, largement couverts par des exportations de 97 milliards de dollars cette année-là, principalement du pétrole et du gaz.

La Chine est, commercialement, dans une toute autre ligue. Économiquement aussi d’ailleurs, même si elle a quelques sérieux problèmes internes à régler ces jours-ci. En 2023, ses importations totalisaient 2,557 milliards de dollars, alors que le pays exportait pour 3,380 milliards. Les trois plus grands importateurs de produits chinois sont l’ASEAN, les États-Unis et l’Union européenne, chacun pour environ 500 milliards de dollars. Suivent le Japon (157 milliards) et la Corée du Sud (149 milliards), ce qui illustre combien la Chine doit faire attention avec ses fréquentations, dans un monde de plus en plus polarisé et où les ‘punitions’ d’un jour se paient apparemment ‘cash’ éventuellement… Dans les deux sens d’ailleurs.

Voyez, à cet effet, l’exemple de la Chine elle-même. En 2020, réagissant vigoureusement à une suggestion australienne d’une enquête indépendante sur l’hypothèse que le Covid-19 ait émergé d’un laboratoire chinois à Wuhan, elle imposait des tarifs de jusqu’à 212 % sur les vins australiens. La Chine, ayant ainsi tué ce marché de vin australien valant un milliard de dollars, est pourtant revenu à de meilleurs sentiments cette semaine, avec la visite du Premier ministre Li Qiang, qui chercherait en contrepartie, des facilites d’investissement en Australie. La visite d’une usine d’extraction de dioxyde de Lithium à Perth n’y est peut-être pas étrangère ?

Quoi qu’il en soit, la démonstration est, je pense, faite que les intérêts de la Chine, contrairement à ceux de ses compagnons russes, iraniens et nord-coréens sont loin d’être les mêmes. Des décisions difficiles les attendent donc à l’horizon. Comme dirait l’autre : «Watch this space !»

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C’est à n’y rien comprendre ! Dans le summing-up du ministre des Finances sur le Budget 2023/24 et en réponse quasi directe à l’opposition qui lui faisait le reproche d’avoir alimenté l’inflation grâce à sa politique trop dépensière qui affaiblissait la roupie, M. Padayachy nous a livré un secret qui pourrait vraiment faire peur, si seulement il tenait la route : selon lui, une politique de roupie forte et, partant, d’une roupie surévaluée, ne ferait… qu’accroître l’inflation !

Cependant, s’étant presque exclusivement focalisé sur les années de gestion travailliste 2005-2014 pour prouver ses propos (taux d’épargne et d’investissement en baisse, pain maison doublé de prix, par exemple), il cite, à titre de preuve, une inflation de 42 %… en 1980! Serait-ce parce que l’inflation d’entre 2005 et 2014 lui convenait moins ?

Les faits sont les suivants : l’inflation maximale de la période est atteinte en 2008 avec 9,73 %.(**) De plus, l’inflation a été de plus de 5 % pour seulement 4 des 10 années de cette période et il y a eu autant d’années où l’inflation baissait par rapport à l’année précédente, qu’il n’y a eu d’années où elle augmentait, soit 5/5. Pourquoi donc éviter les FAITS de 2005-2014 et les remplacer par le chiffre théâtral de 1980 ? Est-ce intellectuellement acceptable ?

M. Padayachy cite même des rapports du FMI qui auraient «indiqué que la surévaluation de la roupie était un risque pour l’économie mauricienne», ajoutant, (on à peine à le croire) : «Et ils avaient raison. Car c’est bien cette politique d’une roupie surévaluée qui a apporté l’inflation» !!!

À mon humble avis, le risque de l’économie de la roupie forte était, grosso modo, qu’elle rendait plus facile d’importer et plus difficile d’exporter. Car, une roupie forte implique clairement moins d’inflation importée, tout comme la roupie faible actuelle rend tout ce qui est importé plus cher. Affirmer que la roupie forte «apporte l’inflation» relève de délire économique pur.

Sauf si l’on peut aussi nous affirmer que la dévaluation de 44,7 % de la roupie depuis début 2015, n’est pas du tout responsable de la flambée actuelle des prix ?

Je ne suis pas et ne serais jamais le défenseur automatique de la politique économique des travaillistes ou de quiconque d’ailleurs, mais autant la longue liste des items de consommation courante citée par le ministre Padayachy pour illustrer l’augmentation des prix entre 2005 et 2014 est intéressante et même violente, il serait intéressant (et peut-être même violent ?) d’y ajouter aussi les prix de 2024 ? Pourquoi ne pas le faire puisqu’il a apparemment les faits en main ? C’est embarrassant ? Mon tub de Lurpak ‘spreadable’ est passé de Rs 95 à Rs 162 en moins de trois ans… Atypique ?

Le gouvernement actuel, qui prône «une économie de justice sociale» à la place du «favoritisme des élites» et une «économie progressiste» plutôt qu’une «économie ultralibérale», a, certes, quelques solides réalisations à son actif depuis la pension de vieillesse de Rs 13 500, le revenu minimum garanti de Rs 20 000, l’income allowance aux plus bas salaires, un coefficient de GINI, nous dit-on, en baisse. Là où le bât blesse cependant c’est que ces solides progrès sont largement défaits par l’érosion de la roupie de 44,7 % depuis le début de 2015 et qu’ils ont été accomplis au prix d’acrobaties économiques et statistiques majeures qui vont nous coûter très cher à l’avenir…

En effet, si l’on tient compte de toutes les sommes pompées des réserves de la banque centrale, la dette est à 95 % du PIB et non pas 65,4 %. Il n’y a presque pas de réserves qui restent pour le prochain coup dur auquel l’on devra inévitablement faire face. Sans l’apport potentiellement folâtre du «Global Business» (qui n’entend pas, d’ailleurs, être concerné par les défis climatiques, même s’ils sont planétaires et qui ne veut donc pas d’une taxe sur ses profits) !), le déficit de la balance des comptes courants de 12 % est insoutenable. Le budget social du gouvernement pèse et pèsera de plus en plus lourd ; 4.6 économiquement actifs par retraité en 2014, passant à 2.4 en 2034 et… 1.6 en 2054 ! La croissance ne semble toujours pas se faire assez à travers du productif de haute valeur ajoutée (pharmacologie, vaccins, biotech, blue economy, Deep AI, fintech). Le déficit budgétaire est plus grand qu’on ne le croit…

Le présent est évidemment illusoire si, en sus de la Banque centrale, il pompe nos avenirs ! Or, nous vivons au-dessus de nos moyens en empruntant sur l’avenir de nos plus jeunes générations…

(*) The Record l UN probing 58 alleged crypto heists by North Korea worth $3 billion

(**) Macrotrends l Mauritius Inflation Rate 1960-2024