Publicité
Questions à…
Pascal Lagesse: «Avec la bipolarité, un chemin existe pour aller mieux!»
Par
Partager cet article
Questions à…
Pascal Lagesse: «Avec la bipolarité, un chemin existe pour aller mieux!»

Ambassadeur du réseau Hidden Disabilities Sunflower, l’artiste Pascal Lagesse a partagé un témoignage poignant et empreint d’espoir, le samedi 12 juillet, à Inclusion Station, Vacoas, sur le thème des troubles bipolaires.
🟢 Quand avez-vous bénéficié d’un diagnostic pour troubles bipolaires ?
En 2009, un psychiatre a posé ce diagnostic, notamment par rapport à des antécédents familiaux (une tendance dépressive héréditaire) et à la suite d’achats compulsifs effectués dans des épisodes dits de «manie». Le diagnostic exact pour moi est «bipolarité de type 2 et dépression récurrente».
🟢 Le diagnostic pour les troubles bipolaires est souvent difficile à poser et retarde le traitement. Dans votre cas ?
Effectivement. Je souffrais de dépression depuis les années 1990. À l’époque, je n’étais pas allé consulter. Mes proches attribuaient mes changements d’humeurs à ma personnalité d’artiste… À la suite de moments difficiles au début des années 2000, je me suis tourné vers des généralistes et seulement en 2009, vers un psychiatre. Je recommande donc de se tourner vers un spécialiste.
🟢 Comment s’est déroulée l’induction au traitement ?
Traitements au pluriel, avec une longue phase d’essais et d’erreurs. Je crois que la stabilisation a pris une dizaine d’années, pour enfin identifier le «bon» traitement, en fait une combinaison de médicaments. Et je ne suis pas stabilisé à 100 %. Je continue à avoir des épisodes de manie et je m’écroule toujours après une exposition. Dans les phases de manie, je souffre d’hyperactivité cérébrale, je trouve le sommeil difficilement… Ce qui est «positif», c’est que dans cette phase je peins beaucoup… J’enchaîne les toiles sept jours sur sept. Ma femme remarque et m’alerte quand je pars dans ces épisodes-là.
🟢 Par choix, vous avez préféré éviter un traitement au lithium, pourquoi ?
Certains traitements, comme le lithium, occasionnent des tremblements des mains, ce qui est assez incompatible avec ma vocation d’artiste. Alors, j’ai fait un choix, mon traitement me stabilise mais pas à 100 %. J’accepte ma vie faite de hauts et de bas.
🟢 Vous auriez pu changer de style, comme l’artiste Henri Matisse quand sa vue avait baissé ?
Si un jour je devais absolument changer de médicament et donc de style alors pourquoi pas ?
🟢 Peut-on mener une vie équilibrée avec les troubles bipolaires ?
La vie «stable» peut venir, par exemple, de la relation avec son conjoint et du soutien familial. Ma femme, Carol, est exceptionnelle ! Nous vivons cette maladie-là ensemble. Je réalise la chance immense que j’ai de l’avoir à mes côtés. Ma stabilité vient sans conteste de ma vie familiale. Même les enfants ont bien compris et acceptent qu’il y a des moments où je fonctionne peu et des périodes où je peins trop ! La difficulté vient davantage d’être compris de l’extérieur, en dehors du cercle des proches…
🟢 Votre bipolarité impacte donc vos relations sociales ?
Tout à fait. Cette maladie est invisible. Par exemple, la personne qui vous attend pour un rendez-vous ne peut pas comprendre pourquoi vous devez annuler. J’ai des amis qui comprennent. Et d’autres que j’ai perdus. Pour moi, cela représente une difficulté énorme d’être en public. Un rendez-vous d’une heure me coûte beaucoup d’énergie. J’angoisse quatre jours avant et je peux déprimer pendant quatre jours après, comme sous l’effet d’un contrecoup. Le challenge dans mon travail, c’est la communication autour d’une exposition. Par exemple, parler en public pour le vernissage ou participer à une émission de radio. Maintenant, j’anticipe également la baisse de régime après une exposition. Je sais que mon activité va retomber, je ne prévois rien le mois suivant une exposition. Dans ma vie quotidienne, aller au supermarché ou même voyager me drainent également. Faire la queue à l’immigration me fatigue et m’angoisse…
🟢 Pour vous, témoigner sur les troubles bipolaires est primordial ?
Oui, j’aimerais souligner cependant que chaque patient a sa «propre» bipolarité. Je peux témoigner de ma maladie à moi. Certains patients ont des obstacles que je n’ai pas. Par exemple, je conduis, certains ne peuvent pas. C’est important de témoigner sur les troubles bipolaires pour encourager d’autres personnes à en parler, afin qu’elles trouvent un réconfort et aient le courage d’aller consulter un professionnel. C’est facile pour moi de témoigner car je suis artiste donc employé par personne. Je suis le seul à pouvoir me mettre à la porte… Imaginez devoir vivre sa bipolarité sans pouvoir en parler, craindre de se faire traiter de «fou» par ses collègues ou vivre avec la peur de perdre son travail. Il y a également encore beaucoup de salariés et de citoyens qui ne sont pas diagnostiqués. Vivre avec une pathologie mentale non diagnostiquée rend la vie quotidienne encore plus complexe… au niveau professionnel, familial. Il y a aussi ceux qui n’acceptent pas d’être bipolaires. L’acceptation est primordiale.
🟢 Ce nouveau rôle d’ambassadeur pour le réseau Hidden Disabilities Sunflower semble vous tenir extrêmement à cœur...
Tout à fait, j’ai été très touché d’avoir été choisi pour cette mission volontaire et je remercie au passage l’équipe de Small Step Matters de m’avoir mis en contact avec Nadjah Abbasakoor, la représentante de Hidden Disabilities Sunflower pour Maurice et les Seychelles. À chacun de mes témoignages, j’aurai en tête l’histoire de mes grands-oncles maternels, qui étaient très créatifs, très productifs dans leur domaine, mais qui ont terminé leur vie totalement reclus. S’ils avaient vécu de nos jours, s’ils avaient eu accès au traitement, leur vie aurait été très différente et oh combien facilitée ! Je souhaite que mon expérience serve à d’autres! Il n’y a pas que la médication qui m’aide à vivre au jour le jour. J’ai aussi fait un long suivi psychologique, du sport et poursuivi un dialogue auprès de ma famille proche. Mon rêve est de montrer qu’avec la bipolarité, un chemin existe pour aller mieux !
🟢 Un dernier message ?
Quand on parle de bipolarité, encore aujourd’hui, certains n’y croient pas ! Certains apparentent cela à une faiblesse de caractère. D’autres vont dire dans une phase dépressive : «Tu ne fais pas assez d’efforts.» La vie d’un bipolaire est faite d’efforts constants. Mon message, c’est que les troubles bipolaires sont une maladie, au même titre que le diabète ! Les patients bipolaires ont droit au respect et à une certaine forme de compréhension et de bienveillance comme tous les patients atteints de pathologies visibles ou invisibles. Pour terminer je voudrais dire merci à tous ceux qui m’ont aidé et qui m’aident encore aujourd’hui.
Renseignements sur le réseau Hidden Disabilities Sunflower et le lanyard pour les membres (pour les patients atteints d’un handicap invisible) sur 55057189.
Publicité
Publicité
Les plus récents




