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Passer le flambeau, pas verrouiller le pouvoir

7 mai 2025, 08:00

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Passer le flambeau, pas verrouiller le pouvoir

Il y a ceux qui gouvernent. Il y a ceux qui aspirent à gouverner. Et puis, il y a ceux qui ne veulent plus jamais s’arrêter. Ces derniers sont, sans doute, les plus dangereux.

Qu’on soit à Port-Louis ou à Washington, DC, le syndrome de l’éternel homme fort hante les démocraties. Il ronge les institutions, fige les alternatives et transforme le pouvoir en droit de propriété. Donald Trump, président pour deux mandats, flirte avec l’idée d’un troisième, au mépris du 22e amendement de la Constitution américaine. «Je plaisante», dit-il à demi-mot. Mais pendant ce temps, ses supporters vendent des casquettes Trump 2028. L’ironie s’efface vite derrière l’ambition.

Maurice, elle, ne vend pas de casquettes. Mais l’obsession du pouvoir s’y joue à guichet fermé. Depuis plus de cinq décennies, la scène politique est dominée par les mêmes noms, les mêmes dynasties, les mêmes partis. Et à chaque échéance électorale, la même rengaine :zot tou parey. Le peuple finit par croire que le pouvoir est un jeu clos, réservé à quelques familles politiques qui se passent le flambeau… sans jamais vouloir le lâcher.

Et c’est bien là que réside le drame : le pouvoir est devenu une fin, pas un moyen. Il ne s’agit plus de servir, mais de durer. Quitte à suspendre les municipales pendant dix ans. Quitte à repousser les réformes. Quitte à faire semblant de préparer la relève, tout en verrouillant méthodiquement la succession.

Mais un vrai leader se mesure à sa capacité à former d’autres leaders, pas à les éclipser. Il faut avoir le courage de quitter la scène quand le moment est venu. De transmettre le flambeau avant qu’il ne s’éteigne. D’ouvrir la porte aux jeunes, aux femmes, aux minorités, à ceux qui n’ont pas encore de réseau mais beaucoup d’idées.

Il ne suffit pas de revendiquer le changement : encore fautil l’incarner. Et cela commence par une règle simple : on ne gouverne pas pour l’éternité. On gouverne pour un temps, pour une génération, pour une vision.

Or, aujourd’hui, ce que les peuples voient, c’est le contraire. Un Trump qui suggère qu’il pourrait revenir encore. Un Ramgoolam qui tient le volant des Rouges depuis plus d’un quart de siècle. Un Bérenger éternel opposant mais éternel candidat. Ailleurs, ce sont des présidents qui modifient la Constitution pour rester, ou qui inventent des «républiques présidentielles» pour se tailler un pouvoir sur mesure. Chez nous, il n’y a pas de limites, sauf celles de la mortalité.

Et dans ce grand théâtre, la jeunesse regarde, se détourne, s’abstient, refuse de voter. Elle ne croit plus aux discours mensongers. Elle ne croit plus aux promesses populistes. Elle ne croit plus que la politique est un outil de transformation. Parce qu’elle ne voit que des fauteuils occupés à vie, des débats vides, des héritages figés.

Or, la politique ne doit pas être une rente. Elle doit être une respiration. Un pays ne se renouvelle que si sa classe politique accepte de faire de la place, de former, de transmettre. Comme dans toute entreprise, il faut organiser la relève, pas l’empêcher.

Il est temps de penser la sortie comme un acte politique noble, pas comme une défaite. C’est au moment où l’on part qu’on peut véritablement évaluer son œuvre. C’est quand on libère un espace qu’on permet à l’histoire d’avancer.

Les grands hommes et femmes ne sont pas ceux qui s’accrochent. Ce sont ceux qui passent le témoin. Et qui le font en sachant que la démocratie ne leur appartient pas. Elle leur est confiée. Pour un temps, un mandat, voire deux.

Alors non, ni Trump ni personne ne devrait servir trois mandats. Pas plus qu’on ne devrait rester Premier ministre pendant 20 ans ou plus. La démocratie n’est pas un siège réservé. C’est un courant continu. À ceux qui croient le contraire : merci de sortir. Par la grande porte.

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