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Champion du monde de handball

Patrick Cazal : «Triste de voir que pour les Jeux des Iles, la Réunion a toujours un avantage considérable»

20 juillet 2025, 08:50

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Patrick Cazal : «Triste de voir que pour les Jeux des Iles, la Réunion a toujours un avantage considérable»

De passage à Maurice, le Réunionnais (au centre) s’est dit prêt à s’engager dans un projet régional ambitieux, misant sur les qualités physiques naturelles des jeunes de la région. © Sumeet Mudhoo

Sa simplicité et sa modestie détonnent. Patrick Cazal fait partie de cette génération dorée de Réunionnais qui ont porté le maillot de l’équipe de France de handball et qui ont décroché un titre suprême : champion du monde en 1995 et 2001. Lors de son passage à Maurice, récemment, il s’est dit ouvert à un projet d’envergure pour le handball dans l’océan Indien, lui qui a fait les beaux jours de Dunkerque pendant 18 ans.

D’emblée, il faut savoir que Patrick Cazal est un habitué de Maurice. «Comme je suis Réunionnais, je viens en vacances tous les ans à la Réunion en famille. Durant les six semaines là-bas, j’en profite pour venir découvrir Maurice pendant deux semaines, puisque c’est à côté. Ce qui me plaît à Maurice, c’est de me retrouver dans un petit cocon familial très restreint avec que mes enfants et ma femme, mais aussi découvrir cette belle île. Ma grande fille veut être biologiste marine donc elle veut découvrir les fonds marins. Chaque fois qu’on vient, on essaye de découvrir un petit peu l’île», fait-il remarquer.

Après une brillante carrière de joueur, il s’est reconverti en entraîneur. Mais il raconte que ce n’était pas voulu. Du tout ! «L’année durant laquelle j’ai arrêté de jouer, je ne savais pas trop ce que je voulais faire mais je me disais que je ne voudrais jamais entraîner. J’étais sûr de moi sur ce point-là. Et puis, à travers les bilans de compétences que j’ai passés derrière, c’était une évidence que c’était ce chemin-là que je devais prendre. Je ne regrette pas, même si c’est un métier qui est très exigeant, pénible et très usant au haut niveau», avoue-t-il.

Aujourd’hui, après avoir fait ce métier pendant 18 ans avec Dunkerque, il aspire à d’autres idées, pas axées sur la performance mais plutôt pour «soulever la masse et amener un plus grand nombre vers le très haut niveau». «Ne serait-ce que dans l’océan Indien, il peut y avoir de grands projets à mener avec Maurice, Mayotte, Madagascar et la Réunion. Développer le handball dans ces pays permettrait d’apporter une émulation pour tous les handballeurs et leur permettre de grandir à travers ces confrontations. Je suis triste de voir que pour les Jeux des Îles, la Réunion a toujours un avantage considérable et derrière, ça a du mal à suivre. Évaluer un travail, c’est de se dire qu’on prend un cycle de quatre ans. Je sais que les joueurs mauriciens ont les qualités physiques nécessaires», explique le natif de Saint-Joseph à la Réunion.

Cependant, il connaît les embûches. «Ce sont des choses qui demandent du temps et qui sont très compliquées à mettre en place mais je pense que ça pourrait être une solution dans les années à venir. Il y a des gens de bonne volonté car, on ne va pas se mentir, qui ne voudrait pas travailler dans un cadre pareil (Ndlr : la plage de l’hôtel Riu au Morne où il logeait quand il était là) ? Je suis sûr que je pourrais monter une équipe pour créer des fondations solides, mais chaque projet demande des moyens», précise-t-il.

Génétiquement adaptés

Au handball, le physique est primordial. Or, Patrick Cazal avoue que le prototype du sportif de l’océan Indien a déjà des dispositions pour réussir. «Ce qui est nécessaire dans notre sport, c’est cette capacité musculaire d’explosivité et la possibilité de la reproduire en permanence, pas sur de longues distances puisque c’est un sport explosif. On a un avantage dans l’océan Indien puisque génétiquement, on est adaptés à ce sport-là. La difficulté, c’est de savoir ce qu’on fait de ce physique ?» pose-t-il comme question. Il va plus loin dans son analyse : «Et c’est là tout le problème, car quand on n’en a pas, personne ne pourra lui en donner, malheureusement. Par contre, quand on en a, il faut des gens de compétences pour l’optimiser et l’améliorer. En France, ils ont tous les maillons de cette chaîne qui leur permet d’aller vers le haut niveau et nous, on croit que ça se fait uniquement à travers l’entraînement».

Patrick Cazal estime que l’ancienne génération avait déjà des aptitudes sans le savoir. «Ceux de mon âge (54 ans), avaient une forme de préparation physique vu que nous n’avions pas de réseaux sociaux ou d’ordinateurs. On était toujours dehors, par exemple à grimper sur un cocotier, donc c’était un renforcement qui se faisait naturellement. Cette partie-là doit être prise entièrement dans les séances qu’on doit proposer aux jeunes. Quand tu t’entraînes une ou deux fois la semaine, tu n’as pas le temps de le faire. Là où la différence se fait pour un joueur des îles quand il va en France, c’est que physiquement, il est en retard», pense-t-il.

«En tant qu’entraîneur, il faut savoir identifier les difficultés, avoir un fil conducteur et être capable de planifier en avançant sur les progrès de ceux qui sont entraînés. Ce serait une erreur de vouloir simplement avancer balle en main en oubliant de se garantir que l’athlète s’arme physiquement pour pouvoir jouer et avancer. Aujourd’hui, dans le très haut niveau, pour éviter toute blessure, la priorité d’un jeune, c’est d’être physiquement construit», renchérit l’ancien champion du monde.

Il pousse ses arguments plus loin: «Dans le centre de formation de mon club, quand le gamin sait jouer, il sait jouer. Par contre, il ne faut pas qu’il brûle les étapes car si physiquement, il n’est pas armé, il va très vite se blesser et on va perdre le joueur. Aux jeunes entraîneurs, quand vous avez des jeunes athlètes, il est primordial de leur faire travailler leur gainage et le physique pour leur permettre d’éviter toute blessure et pouvoir jouer le plus longtemps possible.»

Patrick Cazal a aussi fait une parenthèse en Tunisie en tant que sélectionneur. «Les Tunisiens étaient parmi les premiers en Afrique et commençaient à être dans le Top 10 européen. Je pense qu’ils ont mené une politique qui n’était pas à leur avantage. L’Égypte a réussi à inverser les forces dans cette région. Là, on va revenir sur les moyens. Aujourd’hui, quand un jeune Tunisien est bon, il ne vient plus en Europe parce qu’il va dans les pays du Golfe où il y a des championnats qui ne sont pas aboutis et qui sont d’un niveau de trois divisions en dessous de la France. Ça s’entraîne peu et on ne leur emmène pas les notions tactiques comme de savoir quels types de comportements et de défenses il faut adopter. Or, la construction et l’exigence tactique se font en Europe. Le niveau du championnat en Allemagne et en France est plus haut que le niveau international !» expose-t-il.

Et sa présence dans cette partie du monde lui a permis de voir les forces et faiblesses de chacun : «C’est la différence avec l’Égypte pour leur vivier de jeunes joueurs. S’ils veulent quitter le pays, c’est pour aller en Europe. Aujourd’hui, les joueurs de l’Égypte sont tous dans les plus grands clubs et notamment en France. Donc ce sont des athlètes qui apprennent et emmagasinent des connaissances et qui, avec ça, ont des entraîneurs européens pour organiser la sélection, qui parlent le même langage.»

«Être sélectionneur ne nous donne pas assez de temps pour apporter cette notion tactique car je ne passe que deux mois et demi avec eux. Cela se fait en club. Quand j’étais sélectionneur, j’allais voir les entraîneurs des clubs pour échanger et voir de quelle manière le joueur pouvait progresser. Par moment, cet entraîneur-là pouvait bien me dire oui, mais il avait son projet car il a ses intérêts. Ce ne sont pas les miens qui primaient. Tu peux avoir une génération qui peut te permettre, tout d’un coup, de faire un petit exploit mais ce ne sera pas le cas dans la continuité», conclut-il.

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