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Interview de Pravind Jugnauth, Premier ministre

«Paul Bérenger et Navin Ramgoolam incarnent l’instabilité»

9 novembre 2024, 15:00

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«Paul Bérenger et Navin Ramgoolam incarnent l’instabilité»

En 2014, «l’express» avait cuisiné Paul Bérenger, leader du MMM, à la veille des législatives, puis Navin Ramgoolam en 2019, à quelques jours du scrutin. Cette année, c’est Pravind Jugnauth qui a répondu aux questions du directeur des publications de La Sentinelle Ltd, Nad Sivaramen, à moins de 48 heures des élections générales sur le plateau de Décryptage, où plusieurs politiciens de tous bords se sont succédé ces derniers jours. Il revient sur le programme électoral de l’Alliance Lepep et les financements de ses mesures, mais pas que ! Le Premier ministre sortant évoque aussi les fameux «Moustass Leaks»...

• «Nous nous dirigeons vers une grande victoire»

• «Nous savons tous qui est derrière Missie Moustass»

Pourquoi avoir choisi le plateau de «l’express», alors que vous n’entretenez aucune relation privilégiée avec nous ?

Vous m’avez invité, premièrement, et c’est l’occasion pour moi de donner des explications lors de cette campagne électorale. Il faut dire que l’express ne m’a pas fait de cadeau. Je n’ai pas peur de répondre aux questions…

Quel est votre état d’esprit à moins de deux jours de ces élections générales ?

Je suis serein et très confiant que nous nous dirigeons vers une grande victoire. J’ai fait campagne dans les 20 circonscriptions, nous avons fait des congrès, des meetings, des réunions et moi j’ai eu l’occasion d’être partout. Je suis satisfait des rassemblements que nous avons faits et surtout du grand meeting de dimanche dernier à Vacoas. Je peux dire en toute objectivité que nous avons eu quatre fois plus de foule qu’à Port-Louis. C’est un signal très fort que nous avons une majorité de personnes qui nous suivent. Maintenant, nous avons la possibilité d’expliquer notre bilan et nous avons fait face à une situation extrêmement difficile avec la pandémie de Covid-19.

Pourquoi avez-vous opté pour une campagne courte mais très intense ? Que pensez-vous de cette campagne ? Y a-t-il des polémiques qui viennent l’entacher ? Peut-il y avoir des dérives sectaires ou communales ?

C’est bien que la campagne soit courte. Il en a été de même pour 2019 et cela s’était bien passé. De notre côté, dans l’Alliance Lepep, la campagne s’est déroulée dans la discipline, dans l’ordre, on a respecté nos adversaires. Nous avons dit des faits vérifiables avec preuves.

Par contre, je déplore la campagne contre moi de l’opposition. On peut comparer nos dix ans au pouvoir à ceux de Navin Ramgoolam avant nous. Aucun gouvernement n’a fait autant. Et le programme non plus n’est pas comparable entre nous et l’opposition. Leur programme est fade et ils ont copié.

Ils sont tombés dans une bassesse que je n’ai jamais vue auparavant dans ma carrière politique, avec toutes sortes de fabrications et de complots, et surtout ce qui est plus grave, ils veulent soulever le «communal» dans le pays. N’oubliez pas que certains de l’autre côté ont dit que, s’il faut verser du sang pour cette élection, ils le feront. Mais je lance un appel à ce qu’on ne tombe pas dans leur piège.

On ne peut pas faire l’impasse sur un invité surprise qui continue à faire surface à deux jours des élections, le fameux «Missie Moustass». Comment vivez-vous cela ? Certains disent que c’est la première fois qu’ils entendent un Pravind Jugnauth qui tient un tel langage (NdlR : avec des jurons)…

Pas juste moi, mais mon épouse aussi, on a écouté les bandes sonores et on a reconnu nos voix, mais je peux vous dire qu’il y a beaucoup de ces propos que nous n’avons jamais tenus. D’ailleurs, j’ai dénoncé cela à la police. Aujourd’hui, avec la technologie, vous pouvez manipuler la voix d’une personne et la faire dire des choses qu’elle n’a jamais dites. Le gouvernement a déjà mis sur pied une commission d’enquête et nous avons sollicité l’aide d’experts étrangers dans ce domaine pour qu’ils assistent à cette commission d’enquête.

Puis, à titre personnel, mon épouse et moi prendrons des actions légales après la campagne électorale contre tous ceux qui ont partagé ces propos que nous dénonçons.

Beaucoup de ces bandes sonores ciblent votre femme. Quel est son rôle à vos côtés comme Premier ministre ?

En tant que politicien, vous pouvez m’attaquer, mais ce sont des lâches qui, à court d’arguments, choisissent de s’attaquer à mon épouse. Ils avaient fait cela en 2014 et 2019 et maintenant, l’histoire se répète. Moi, je fais des révélations sur des faits comme les comptes de Navin Ramgoolam à Singapour ! Qu’il me poursuive en diffamation, il sait que je vais divulguer le numéro de compte et les transactions. Et les autorités singapouriennes ont confirmé ces propos.

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Vous pouvez nous donner la garantie que votre femme ne s’occupe d’aucun dossier, d’aucune nomination ?

Certainement. Les décisions, c’est moi qui les prends au Conseil des ministres. Mon épouse m’épaule dans la campagne électorale, comme toujours.

Vous avez une idée de qui est derrière «Missie Moustass» ?

Nous savons tous qui est derrière Missie Moustass. Et on sait que ce dernier complote avec Paul Bérenger et Navin Ramgoolam. L’histoire retiendra cela.

Parlez-nous de la décision de bloquer les réseaux sociaux jusqu’au 11 novembre…

Nous avions eu des informations selon lesquelles il y aurait d’autres publications hautement communales et qui auraient pu avoir un effet sur certaines sections de la population… C’est grave et dangereux dans le contexte des élections. J’ai pris cette décision en sachant qu’il y aurait des gens mécontents, mais je l’ai fait dans l’intérêt du pays. Mais entre-temps, la police a fait son enquête et il y a eu des arrestations. Plus tard, nous verrons ce qui arrivera…

Comment expliquez-vous la candidature de Ravi Yerrigadoo ?

Il n’est pas le seul ministre à avoir dû step down. Il n’y a eu aucune charge contre lui… Il y a eu des allégations, mais l’enquête n’a rien donné.

Qu’en est-il de Yogida Sawmynaden qui n’est plus votre «Campaign Manager» ?

Il continue à nous donner un coup de main. Il est toujours sur le terrain. Il fait un travail formidable, il aide également dans d’autres circonscriptions.

Est-ce que l’affaire Kistnen vous gêne ?

Il y a eu toutes sortes d’allégations sans substance à ce sujet…

La population est intriguée et s’interroge sur les enregistrements attribués à des membres de l’opposition comme Patrick Assirvaden et Farhad Aumeer. Il y a de nouvelles bandes sonores qui sont en circulation et qui cette fois concernent les membres de l’opposition. Le public se demande même combien de «Missie Moustass» il y a. Quelle est votre réaction ?

J’ai pris connaissance de ces bandes, bien que je ne les aie pas toutes écoutées. Une question se pose : l’opposition choisit-elle de croire en un leak mais pas un autre ? Par exemple, certains propos tenus par Anil Bachoo ont été publiés. Je préfère éviter de répéter ici des mots blessants envers la communauté hindoue. On entend aussi des vidéos attribuées à Shakeel Mohamed parlant de «safran» et à Farhad Aumeer mentionnant les scènes de violence à la Citadelle où ce dernier dit qu’il est prêt à répliquer de telles choses en pire et il parle même de guerre mondiale. Le propos concernant Shakeel Mohammed ne sont pas juste en audio mais en vidéo où il parle de sindoor aussi. Ça montre qu’il n’y a aucune cohérence dans les propos de l’opposition et montre que l’opposition est sans argument et est tombée dans des attaques et une bassesse incroyable.

Que pensez-vous du traitement de ces «leaks» par la presse ? Vous trouvez que la presse publie davantage «Missie Moustass» d’autant qu’il y a des «leaks» tous les jours.

Je trouve cela très injuste. La presse diffuse des propos non vérifiés tout en évitant de montrer ceux de l’opposition. Pourquoi ne pas tout publier pour que le public puisse juger lui-même ? Pourquoi ne pas montrer les propos tenus par Farhad Aumeer ou encore Shakeel Mohamed ? Justement il faut tous les publier et que le public puisse décider de la véracité de ces dires.

Vous avez récemment annoncé trois dernières mesures : 18, 19 et 20. La mesure la plus choc concerne le 14e mois. Pourquoi avoir attendu la fin de votre manifeste pour le faire ou réimprimer un autre manifeste ?

Non on n’a pas réimprimé notre manifeste. Ce n’était pas une annonce de dernière minute. Notre programme était disponible avant celui de l’opposition. Nous avons constaté qu’ils copiaient certaines de nos mesures, maladroitement d’ailleurs.

Le 14e mois de salaire concerne tous les travailleurs, qu’ils soient dans le secteur public, privé ou indépendants. Quand cette mesure a été annoncée, l’opposition a réagi dans la panique. Ashok Subron a dit qu’il n’y aurait pas de 14e mois, Paul Bérenger a évoqué une étude de la question, et Navin Ramgoolam a affirmé que cela mènerait l’économie à la faillite. Comme toujours menteur et toi du bluff. Il dit que l’économie est en soins intensifs et en faillite et qu’il y a des squelettes dans le placard. Dans ce cas, comment il allait trouver l’argent, lui, pour financer cette mesure ?

Ils n’ont rien annoncé pour les self-employed, pensionnaires ou parents ? Ils ont juste copié et ne vont pas payer cette mesure. J’en ai la preuve. Paul Bérenger et Navin Ramgoolam viennent dire qu’en 1995, sir Anerood Jugnauth allait donner une augmentation de 15 % aux fonctionnaires. Ils avaient dit qu’ils allaient donner et une fois après avoir gagné les élections, ils n’ont rien donné. Le peuple peut aller vérifier cette information. Ce sont des menteurs qui embobinent la population.

Je souhaite rajouter encore que quand Paul Bérenger avait été face à une question sur les supports financiers actuels, il avait dit qu’il n’allait pas donner ces supports car il allait revoir l’économie. La population doit faire attention. L’opposition va venir avec une politique où ils vont dire à la population «bizin ser sintir».

L’opposition propose une pension à Rs 21 500, tandis que vous avez fixé la vôtre à Rs 20 000. Pourquoi cette différence ? La population ne comprend pas ces chiffres et se demande quand cette augmentation aura lieu. À la fin de votre mandat ?

Notre gouvernement reste sérieux. Nous analysons les mesures et nous nous assurons qu’elles soient finançables. Nous avons travaillé dessus de manière sérieuse et comment nous allons payer.

La crise Covid a contracté l’économie de 15 %, mais nous avons surmonté cette période difficile et réussi à augmenter les revenus. C’est grâce à cette gestion que nous pouvons financer nos mesures.

Vous ne m’avez pas répondu sur les Rs 21 500.

J’y arrive. Navin Ramgoolam et Paul Bérenger ne cessent de dire que l’économie est en faillite. C’est faux. Ils essaient d’effrayer la population. N’oubliez pas, en 2019, après les élections, l’opposition a contesté l’augmentation de pension au Privy Council en qualifiant cela de bribe électoral. Ils voulaient affirmer que nos aînés ne devaient pas avoir d’augmentation. Ils ont dit que l’économie est en faillite mais ils vont payer plus, eux. Paul Bérenger et Navin Ramgoolam incarnent l’instabilité.

Alors que l’opposition s’approprie l’idée du 14e mois, vous semblez mieux préparé. Pourquoi cette approche plus structurée ?

Nous avons bien rebondi et nous nous sommes bien relevés après la crise sanitaire. Le gouvernement a fait beaucoup d’efforts en aidant les entreprises et travailleurs au niveau des salaires. Il y a eu des subsides sur les denrées alimentaires. Nous avons dépensé beaucoup d’argent pour éviter une crise sociale. Je suis fier quand je vois les organisations internationales comme le FMI et l’OMS qui nous félicitent sur la gestion de la pandémie.

Plusieurs économistes critiquent les chiffres que vous avancez, en disant que vous faussez les chiffres, et le président de Statistics Mauritius a récemment démissionné. Quelle est votre réaction ?

Ces accusations sont infondées. Si les chiffres étaient manipulés, pensez-vous que le FMI ou la Banque mondiale nous soutiendraient dans notre gestion économique ? Ces organismes réalisent des audits indépendants. L’opposition devrait produire des preuves au lieu de lancer des accusations.

Nous faisons face à des défis comme des instabilités dans le monde, comme au Moyen Orient, où il y a eu une escalade en termes de violence qui va affecter le prix du pétrole prochainement.

Vous avez annoncé une baisse des prix des produits pétroliers. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

Avec la croissance de nos revenus, nous avons décidé de réduire la TVA sur les produits de base pour alléger le fardeau sur la population. C’est une mesure réfléchie et rendue possible par notre gestion budgétaire.

Quelles nouvelles orientations économiques envisagez-vous pour Maurice ?

Nous consolidons nos secteurs, surtout le tourisme. Nous avons signé un accord de libre-échange avec la Chine et l’Inde, offrant à Maurice de nouvelles perspectives économiques.

Maurice vient de retrouver sa souveraineté sur les Chagos. Comment cela pourrait-il influencer l’économie ?

La question des Chagos est essentielle pour nous. Nous avons travaillé pour obtenir des réparations pour les Chagossiens, et un fonds est en préparation pour l’avenir de l’archipel. Les Britanniques verseront des fonds pour la location de Diego Garcia, mais nous révélerons cette somme une fois l’accord signé. Ce fonds servira à financer des projets de développement.

Cette annonce pourrait-elle être liée aux récentes annonces sociales ?

Pas du tout. Nos mesures sociales reposent sur une augmentation de nos revenus existants. Nous avons toujours mis un point d’honneur à assurer la stabilité économique sans dépendre d’aides extérieures.

Dans l’accord final sur les Chagos, les États-Unis et l’Inde sont mentionnés. La récente élection américaine pourrait-elle influencer cette situation ?

Nos discussions se font uniquement avec le Royaume-Uni, même si celui-ci a informé les États-Unis. Nous souhaitons collaborer avec l’administration américaine tout en maintenant nos engagements vis-à-vis du Royaume-Uni.

Quelles sont les différences clés entre votre programme électoral et celui des autres partis de l’opposition ?

À chaque alliance entre Navin et Paul, cela se termine en cassure. Aujourd’hui, leur alliance est encore fragile. Notre coalition, en revanche, est solide avec Xavier Duval et Ivan Collendavelloo à nos côtés. Nous avons un programme cohérent et transparent. Je suis fier d’avoir instauré des réformes comme le salaire minimum et une pension de vieillesse à Rs 14 000. Nous avons également construit plus de logements sociaux que tout autre gouvernement. Notre vision est de renforcer l’économie tout en soutenant la culture et le vivre-ensemble. Nos initiatives sont pensées pour l’avenir du pays.