Publicité
Rodrigues
Pénurie d’eau: un combat sans fin
Par
Partager cet article
Rodrigues
Pénurie d’eau: un combat sans fin
La crise de l’eau perdure dans l’île autonome. Pourtant, les Rodriguais n’ont cessé de garder espoir sur leur île, joyau de l’océan Indien, qui est depuis longtemps confrontée à un problème récurrent qui ne semble pas avoir de fin en vue. Les réservoirs vides et les rivières asséchées parlent d’eux-mêmes, d’une situation désespérée qui affecte profondément la vie des habitants. Qui pourra trouver la solution, une solution définitive pour que l’eau courante devienne une normalité, comme dans les autres pays du monde ?
«Depi kreasion Rodrig mo krwar pena delo. Sak fwa mem zafer. Zot tou dir pou regle sa problem-la me li res parey. Seki pli intelizan-la li pa pe trouv solision ki bizin. Aster kan dimounn ki konn Rodrig propoz solision, zot pa anvi ekoute. Zot konsider bann dimounn-la kouyon. Se dimounn ‘kouyon’ ki pou rezoud problem delo si zot aksepte ekoute», explique Chevery Jacques. Ce dernier, qui habite à Coco, se pose des questions sur tous les projets annoncés depuis la nuit des temps afin de résoudre le problème d’eau à Rodrigues en passant par la construction de réservoirs ou de systèmes de captages de l’eau de pluie ainsi que le dessalement.
Jameson Ravina, la trentaine, rencontre le même problème. Cet habitant de Montagne-Goyaves est désemparé. Ce problème d’eau ne semble pas finir et il remercie les cieux de posséder un pick-up qu’il utilise pour aller trouver de l’eau tous les jours. Il est aussi père d’un enfant handicapé qui a subi une opération l’année dernière en Inde et il a besoin d’eau pour son enfant. «J’espérais trouver une solution car le besoin d’eau est important mais rien. Je ne sais plus à quel saint me vouer», confie-t-il avec une voix empreinte de désespoir. L’accès à l’eau potable est un luxe qu’il ne peut plus se permettre.
Lorsque le soleil pointe le bout de son nez, Jameson prend le volant de son pick-up pour parcourir les routes sinueuses de l’île à la recherche d’une source d’eau. Ses allers-retours sont devenus une routine épuisante qui consume son temps et son énergie. Les rivières locales, autrefois riches en eau cristalline, sont désormais asséchées ; les réservoirs publics sont vides depuis plusieurs mois. Il a eu recours à des camions-citernes mais même cela commence à devenir impossible. «Mo konn enn kamion fer kours pou delo Rs 1 200. Aster bannla pe demann Rs 2 500. Savedir pe pay delo plis kours kamion-la», confie-t-il. «Je suis obligé de parcourir plusieurs kilomètres pour trouver un point où je peux remplir mon seau.»
Conditions sanitaires
La quête pour trouver un minimum d’eau devient un véritable parcours du combattant : parfois c’est aux particuliers que Jameson s’adresse dans l’espoir qu’ils aient un excédant d’eau pour partager. Il a récemment fait une vidéo en direct où un ami vivant en Angleterre lui a fait avoir un peu d’eau d’une maison qu’il possède sur l’île. Il se repose lui aussi sur l’efficacité des stations de dessalement. «Avant , la fourniture d’eau se faisait quatre fois dans un an mais là on ne comprend plus rien. La dernière fois qu’on a eu l’eau courante c’était le 27 mai 2024, juste suffisant pour remplir le réservoir que je possède chez moi même pas à moitié.»
Ses voisins partagent également ce sentiment d’angoisse face à cette précarité qui s’installe chez tous les habitants de Rodrigues. «Certains jours, nous avons même dû boire l’eau non potable que nous parvenons à collecter», raconte Laura, mère célibataire de deux jeunes enfants. Elle évoque aussi la détérioration des conditions sanitaires sur l’île : «Avec si peu d’eau disponible, nous devons redoubler d’efforts pour garder nos maisons propres et nos enfants en bonne santé et trouver de l’eau potable.» Les habitants expliquent que les réservoirs sont plus ou moins remplis en ce moment et déplorent que les stations de traitement sont en panne.
La situation actuelle souligne un problème plus large touchant toutes les îles du pays où le changement climatique exacerbe la rareté des ressources naturelles. Est-ce que le problème résulte d’une mauvaise gestion locale ou à des conséquences directes du dérèglement climatique sur ces territoires vulnérables ?
Parmi les derniers projets de la Commission of Water Resources figure l’augmentation de la capacité de production d’eau dans l’île dont la construction d’un réservoir principal et la réalisation de projets de dessalement de l’eau de mer sur le plan régional. La plupart des hôtels de Rodrigues sont équipés d’unités de dessalement tandis que les petits hôtels continuent à faire face à un problème de fourniture d’eau.
L’une des mesures prises par les nouveaux dirigeants de l’île a été la création d’une compagnie privée, la Rodrigues Public Utilities Corporation (RPUC) responsable de la distribution, la gestion et la production d’eau potable dans l’île. La société avait signé un contrat avec une compagnie israélienne, Mokorot Development and Enterprise Ltd, pour préparer un plan de 15 ans afin de fournir l’eau potable à la population. Rappelons que la demande quotidienne en eau est de 12 000 mètres cubes à Rodrigues et que les différentes stations de dessalement de l’île n’arrivent à produire que 6 000 mètres cubes par jour. Raison pour laquelle l’ARR et la RPUC ont travaillé sur un plan pour aménager une autre station de dessalement de 3 000 mètres cubes à Pointe-Coton.
L’ancien chef commissaire Johnson Roussety se veut rassurant et soutient que les travaux sont en bonne voie pour améliorer la fourniture d’eau et demande aux Rodriguais d’être patients. Tout est en oeuvre, précise-til, pour résoudre ce problème et explique les projets en cours, dont trois unités de 350 m3 à Caverne-Bouteille, Anse-aux-Anglais et Pointe-Coton qui augmentera la capacité journalière par 1 050 m3 d’ici septembre/octobre ; 3 000 m3 cubes vont d’ici l’année prochaine fournir trois réservoirs en béton qui transféreront l’eau vers un réservoir de 2 000 m3 à Petite- Brûlée et les stations de pompage de Pointe-Coton, d’où l’eau sera redirigée vers Malabar, Malartic et Quatre-Vents et ainsi toucher toute l’île ; et des canalisations seront creusées vers les réservoirs de distribution de Montagne-Cabris, Acacia, Mt-Patate et Terre-Rouge. La politique, souligne Johnson Roussety, est d’enterrer les tuyaux de transfert d’eau pour que personne ne puisse les saboter.
À noter que l’Agence française de développement (AFD) avait annoncé son engagement à soutenir Rodrigues dans la restructuration de son secteur de l’eau. Le 30 janvier 2023, une séance de travail a eu lieu entre la délégation de l’AFD et le chef commissaire d’alors, Johnson Roussety, afin d’évaluer l’organisation actuelle du secteur et de formuler des propositions de financement.
Publicité
Les plus récents