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Petit théâtre, grands frustrés
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Petit théâtre, grands frustrés
Pour dire le moins, le démarrage de la campagne du camp gouvernemental n’a guère été un succès dans la circonscription numéro 6. Deux ministres ne devaient pas se voir offrir la chance de se représenter, et leurs mandants, mus par la colère ou simplement en service commandé, ont laissé éclater leur mécontentement face au président, au secrétaire général et au nouveau candidat du MSM, qui porte le patronyme de Jugnauth. Ce qui souligne l’écart profond entre les calculs stratégiques des dirigeants et la réalité du terrain, où les habitants de la circonscription ne voient qu’au travers des prismes, souvent étroits, de leur zone géographique ou de leurs intérêts claniques, pour ne pas dire castéistes.
Dans ce petit théâtre de la politique, tout n’est que répliques éculées et trahisons attendues. Roshi Bhadain déclare que jamais une alliance avec Bruneau Laurette ou Nando Bodha n’a été envisagée, alors même que l’heure aurait dû être au rassemblement des forces opposées au gouvernement, une tâche que tente de réaliser Linion Moris, en ouvrant ses portes à Patrick Belcourt et Sheila Bunwaree. Mais les oppositions plurielles restent trop divisées même si Sherry Singh a décidé de soutenir Ramgoolam- Bérenger-Duval-Subron, en tournant le dos aux Valayden-Bodha-Sunnasy-Belcourt-Ramdenee-Bunwaree-Police-etc.
De son côté, Navin Ramgoolam n’est plus le favori de Xavier-Luc Duval, ce dernier ayant choisi de rejoindre l’Alliance Lepep avec Pravind Jugnauth, scellant une nouvelle union strategique avec le trio Collendavelloo-Ganoo-Obeegadoo.
Les mouvements d’humeur qui animent nos pages politiques ne sont que la première étape d’une partie de chaises musicales, un bal masqué qui s’achèvera au Nomination Day. Ramgoolam, après avoir dompté le MMM, les Nouveaux Démocrates et ReA, se bat pour retrouver sa place au Parlement, après deux défaites qui ont marqué son parcours d’une amertume tenace.
Pendant que ces discussions stériles et les marchandages de places au sein des blocs électoraux alimentent les bavardages, Maurice reste englué dans une mélasse dont il peine à s’extraire, avec des proches des leaders politiques qui veulent manger aussi les miettes d’un pouvoir encore inaccessible.
Ce dont le pays a besoin, c’est d’hommes et de femmes capables de faire émerger une nation où les différences culturelles s’enrichissent mutuellement, une île moderne, ouverte, tolérante, où les rêves de progrès peuvent reléguer au second plan les vieilles divisions, les réflexes sectaires et les intérêts d’un autre temps. Les partis politiques et les dynasties y relatives, ainsi que les lobbies socioculturels, ont trop longtemps mêlé, avec une insouciance cruelle, la politique à la religion, dressant les uns contre les autres, creusant des fossés que seuls les votes peuvent combler le temps d’une élection.
Autour de Ramgoolam et de Jugnauth, les tensions montent, chacun s’excite à l’idée de la prochaine bataille. Dans ce duel entre Vaish, où se cache donc la reconnaissance du mérite politique ? Dans une République moderne, un chef de gouvernement ne devrait pas être jugé par l’origine de son nom ou par l’appartenance à un groupe, mais bien par sa vision, par son programme, et par la capacité qu’on lui prête à réaliser des transformations concrètes. Hélas, tout se joue encore sur des symboles et des identités figées, et l’on avait vu Paul Bérenger et Xavier-Luc Duval, conscients de leur insuffisance face au défi, essayer de gonfler la stature de Nando Bodha comme un rempart face à Ramgoolam, une manoeuvre aussi vide qu’une promesse électorale. Aujourd’hui Bérenger et sa clique ne jurent que par le tant vilipendé Navin Ramgoolam.
Mais à l’ombre des discours ethniques, où sont les idées neuves ? Où se trouvent les solutions économiques capables de redonner espoir à un peuple désabusé ? Le rêve mauricien a-t-il déserté les esprits, ou bien est-il encore possible de le réinventer ? La jeunesse mauricienne ne restera sur cette terre que si elle peut croire en de nouvelles promesses de justice sociale, en des combats sincères pour une égalité des chances qui dépassent les alliances de façade. Pour l’heure, qu’ils soient dans l’opposition ou dans la majorité, au sommet de l’État ou dans les conseils d’administration du secteur privé, les jeunes constatent que les meilleurs sièges sont toujours réservés aux héritiers de l’entre-soi, aux enfants des élites et des propriétaires, là où la méritocratie se transforme en une farce tragique.
Toute société porte en elle ses propres préjugés, ses lignes de fracture, mais lorsque la politique se transforme en club privé, en chasse gardée d’un petit cercle d’élus, c’est la démocratie qui en souffre, et avec elle, les espoirs de toute une République. Jusqu’à quand le peuple cautionnera-t-il ces imposteurs, ces prétendus porte-parole qui parlent en son nom tout en le trahissant chaque jour davantage ? Le temps des réponses viendra, mais pour l’instant, le spectacle continue, et pratiquement les mêmes acteurs se partagent les rôles et le script qui va avec.
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