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Peut-on dissocier Indépendance et démocratie ?
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Peut-on dissocier Indépendance et démocratie ?
Allons à la racine du mot. Stricto sensu, l’indépendance désigne le refus de toute relation de dépendance, pression ou contrainte. On parle d’indépendance d’esprit, d’opinion, par exemple. Pour un État, c’est encore plus complexe que pour un individu : l’indépendance signifie l’obtention de son autonomie politique et économique. Ce qui implique pour un pays d’être maître de sa Constitution, de ses lois et de ses relations internationales. Pour Maurice, c’est le choix fait, le 7 août 1967, à 55,6 % en faveur de l’Indépendance – et 44,4 % contre !
Notre choix d’indépendance ne s’est pas fait dans un vacuum, ni après une révolution sanglante comme celle de Madagascar ou de l’Inde. Il s’insérait dans un contexte général de décolonisation, durant la période post-Seconde Guerre mondiale, avec une Europe à genoux, incapable de se relever par elle-même des ruines de ses guerres intestines.
Mais la donne et le monde ont changé depuis. Dans un monde de plus en plus mondialisé et interconnecté, pouvons-nous rester indépendants ? Il importe, donc, de clarifier le sens et la portée de l’indépendance nationale dans le contexte de l’économie mondiale. Par exemple, pouvons-nous remplir nos hôtels sans le tourisme européen ? Pouvons-nous faire tourner l’offshore mauricien sans le soutien de l’Inde ? Pouvons-nous exporter notre textile sur le marché US sans l’AGOA ?
À l’ère du capitalisme mondial, de la formation de grands ensembles économiques, de Facebook et de Tik Tok, quelle est la pertinence de l’idée d’indépendance des États-nations ?
L’indépendance repose sur un principe universel : celui de l’auto-détermination des peuples. Et dans les sociétés démocratiques, comme la nôtre, la quête d’indépendance est normalement encouragée, valorisée. Les individus, les groupes et les institutions aspirent à préserver ce précieux statut, mais dans la réalité des faits de chez nous, ce n’est pas toujours le cas. Les discours officiels vantent le besoin d’indépendance de la police, de la justice, de la presse. Mais entre la parole officielle et les actes officieux, il y a un énorme fossé. Dans lequel nous nous enfonçons, comme le souligne, depuis quatre années consécutives, le Democracy Report, un outil de référence produit par V-Dem, institut suédois qui n’a aucun agenda contre notre pays ou le régime en place.
Au fil du temps, souveraineté et démocratie sont devenues deux concepts indissociables qui signifient, plus ou moins, la même chose : se gouverner soi-même. C’est du reste l’oppression impériale, l’incapacité de se gérer soi-même, et le non-respect des droits démocratiques qui ont engendré, après un terrible bain de sang, l’Indépendance américaine. Cette thèse est développée dans la Déclaration d’indépendance de Thomas Jefferson :
«Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes : que tous les hommes naissent égaux, que leur créateur les a dotés de certains droits inaliénables parmi lesquels la vie, la liberté, la recherche du bonheur ; que pour garantir ces droits, les hommes instituent des gouvernements dont le juste pouvoir émane du consentement des gouvernés, que si un gouvernement quelle qu’en soit la forme vient à méconnaître ces fins, le peuple a le droit de le modifier ou de l’abolir et d’instituer un nouveau gouvernement.»
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Comme un peuple indépendant, nous faisons et défaisons théoriquement les gouvernements. Mais chez nous, ils se défont par eux-mêmes, la plupart des fois, avant la fin de leur mandat.
Davantage que l’Indépendance, ne devrait-on pas surtout célébrer le mauricianisme ? S’il y a, de temps en temps, de fabuleux exemples de fraternité nationale localement, c’est surtout hors du pays que se manifeste ce formidable ciment qui nous unit, qui nous solidifie. N’est-il donc pas temps d’importer ces réflexes d’ailleurs, de détruire les murs qui nous séparent, de construire des ponts pour nous rapprocher, bref de valoriser les seules ressources que nous possédons vraiment : c’est-à-dire nous-mêmes ? Faudra-t-il pour cela, en même temps, exporter ceux qui nous divisent, socioculturels et ceux qui les fréquentent en tête de liste ? Faudrait-il conclure que celui qui préside le comité ministériel, qui est chargé de réformer nos lois électorales, ne va rien faire, car il profite, ainsi que sa famille, du pernicieux Best Loser System, et qu’il aime goûter aux joies d’être reçu par les socioculturels, devant les caméras de la MBC...
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