Missie Moustass est de toutes les conversations et marque les esprits. La preuve ? On avait commencé à produire des fake moustass pour essayer de détourner l’attention ailleurs. Manque de pot : les moustass fake n’étaient pas publiés sur la page officielle connue de Missie Moustass sur YouTube et un exercice de contrôle de la bande audio, qu’évoquait le journal Le Défi, affirme que les voix «robotisées» sont en fait du «deepfake».

Une commission d’enquête a été, entretemps, ordonnée par le gouvernement. Elle sera présidée par un ex-juge, qui aura deux experts étrangers comme assesseurs. Le mandat de cette commission est d’enquêter sur «l’utilisation abusive de l’infrastructure des télécommunications» et sur les «écoutes téléphoniques». L’angle d’attaque est clair. De toute manière, le bilan des commissions d’enquête dans notre pays est plutôt désolant : elles créent un espoir, elles prennent malheureusement du temps et puis, bien trop souvent, les conclusions de l’enquête ne sont jamais publiées, sauf si pas gênantes. Le rapport sur le Wakashio, celui sur les dialysés morts à l’hôpital de Souillac, ou l’enquête judiciaire sur la mort de Kistnen, n’ont jamais été publiés. Certains ont fuité mais si les conclusions sont jugées incommodes, les autorités ont alors beau jeu de suggérer que ce qui a fuité, n’étant pas officiel, est peut-être truqué…

Deux questions m’ont interpellé.

La première est que si cette commission d’enquête détermine que les écoutes téléphoniques existent bel et bien (et qu’elles ne devraient pas être tolérées, puisqu’illégales), elle doit inévitablement alors conclure que les contenus révélés par Missie Moustass sont… authentiques! Autrement dit, pour pouvoir épingler qui que ce soit pour ces écoutes téléphoniques, il faut en même temps valider les conversations elles-mêmes et donc forcément sanctionner les intervenants au comportement écœurant et immoral («Larg mo dimounn»,«Mett ‘natural causes’ pou so lamor», «ralenti linternet la»«get ki to kapav fer pu mo garson…», «la vierz mari…», «sann bout la, li pa bon» etc.)

La deuxième est celle-ci. Les insinuations du parti au pouvoir sur l’identité de Missie Moustass étaient on ne peut plus évidentes, même si, et c’est à noter, le PM est, lui, resté plutôt discret jusqu’à sa conférence de presse vendredi. En effet, dans le giron du MSM, on évoquait, entre autres, la coïncidence parlante entre la visite du Maharajah à Navin Ramgoolam, d’une part, et la grande première sortie de Missie Moustass le même jour. Si leurs soupçons pèsent sur Sherry Singh, c’est à se demander pourquoi ce dernier n’avait pas encore été arrêté avant hier, comme l’ont été de nombreux autres qui, avant lui, ont connu les affres d’une provisional charge parce qu’ils gênaient : Akil Bissessur, Bruneau Laurette, par exemple…

Raison pour laquelle il n’avait

La seule théorie plausible à ce stade, c’est que, si Moustass c’est bien Maharajah, ce dernier a bien dû faire comprendre à ceux qui veulent le descendre, qu’ils risquent gros si on lui cherche noise. Cela n’étonnerait personne, en effet, que soient stockées quelque part, probablement à l’étranger, une petite série de bandes audio particulièrement dévastatrices, qui seraient programmées pour être relâchées si jamais Missie Moustass était inquiété…

Vous avez une autre explication ?

De toute manière, le gouvernement, croyant bien faire, a sorti le bazooka vendredi. Plus de réseaux sociaux jusqu’au 11 novembre, annonçaiton, puis, dans le sillage, cinq arrestations sous la Prevention of Terrorism Act et l’invocation de rien de moins que la «sécurité nationale». Le dernier à invoquer la «sécurité nationale» c’était Dayal, si je ne me trompe. Ce qui le gênait ? Les fausses décorations et autres médailles !

Puis samedi, devant le tollé tant national qu’international, l’ICTA, peut-être inspirée par le PMO, levait l’interdiction des réseaux sociaux avec effet immédiat. La «sécurité nationale» était sans doute assurée à nouveau ? Et Missie Moustass de lancer une nouvelle «sezon» sur YouTube ! Ça va rapporter des votes, vous croyez ?

Le programme électoral de l’Alliance du changement a été lancé. J’y ai trouvé du bon et du moins bon, enveloppé dans pas mal de platitudes, comme dans le programme électoral de l’Alliance Lepep d’ailleurs. Cependant, le manifeste électoral du changement fait plus structuré, mieux réfléchi. Un indicateur de cela ? Dans la table des matières du programme Lepep, on annonce, à la page 8, «nos 15 mesures phares». À ladite page 8, on en retrouve… 17 !

Les axes prioritaires choisis par l’Alliance du changement feront tilt : coût de la vie, drogue et sécurité, accountability, libertés et environnement. Cependant je ne comprends pas comment LA pièce maîtresse de notre avenir, c.-à-d. l’éducation, n’en fait pas partie !

La promesse «d’institutions indépendantes gérées par des professionnels compétents» est une annonce bienvenue, en espérant que nous avons tous la même définition du mot «indépendant». Remplacer les sbires du gouvernement sortant par les siens ne fera sûrement pas l’affaire… Lepep ne peut d’ailleurs pas oser promettre cela, vu son parcours ! Une Fiscal Responsibility Act pour réduire les gaspillages et gérer les finances publiques de manière responsable donne de l’espoir. Bravo ! Un retour de la méritocratie ? Espérons ! Souhaiter être une île verte et une économie bleue, qui servira «d’exemple à d’autres États insulaires à travers le monde», c’est mettre la barre bien haut ! Mais c’est ce qui pourrait, enfin, nous mener bien loin…

Mais se transformer de Small Island Developing State (SIDS) en Large Ocean State (LOS) me paraît vaniteux et peu utile. 2,3 millions de km2 de réserves économiques exclusives rendent ils virils ? Lepep a retenu l’idée d’exploiter les algues. Le Changement veut produire des médicaments à partir des ressources marines. Ça nous changera des cinq ans médiocres et sans hauteur du ministre Maudhoo…

Élaborer un Early childhood development plan INDIVIDUALISÉ, pour CHAQUE enfant, vous croyez cela réaliste ? C’est tout basé sur l’ADN ? Qui va nous expliquer comment cela va se concrétiser ? Les lois du travail, qui sont déjà extrêmement favorables aux droits des travailleurs, au point de choquer les étrangers venant investir et travailler au pays vont, apparemment être… renforcées ? Je veux bien qu’il doit y avoir de «mauvais» employeurs, mais pourquoi donc les «mauvais» employés seraient-ils protégés au-delà du raisonnable, au détriment de leur entreprise et de leurs collègues plus responsables ? Ces «mauvais» exemples vontils servir la cause des emplois ?

La gouvernance dans la transparence ? À la bonne heure ! On jugera sur les faits.

La dimension «démographique» a le mérite d’être mentionné, mais ne promet que des études «holistiques» ou systémiques ou des politiques qui restent à établir. Le problème est pourtant connu : le vieillissement de la population et un taux de dépendance qui se détériore demandent des décisions déjà élaborées : âge de retraite à allonger, means testing, dépolitisation, pensions contributives à favoriser (defined contribution plutôt que defined benefit). Comme Lepep, le Changement évite les solutions qui peuvent faire mal électoralement. La fin du paragraphe 7a, qui disparaît, dans la fumée, en est-elle symptomatique ?

Un Senior Volunteer and Executive Scheme, c’est bien. Le billet d’avion aux seniors les mènera à Rodrigues plutôt que la Réunion. C’est plus malin. La Carer’s allowance augmentée pour une population qui vieillit, c’est plus pertinent et efficace que de l’argent direct.

Après avoir constaté que l’automobiliste «subit quotidiennement un confort inacceptable en raison des embouteillages», on ne propose que le transport gratuit et des «mesures incitatives» pour réduire l’usage de la voiture. Ces mesures «incitatives» s’appelleraient-elles «taxes» ? Pourquoi ne pas le dire ouvertement et comment les réconcilier avec la promesse d’une baisse immédiate du prix de l’essence ?

Si la section «Éducation» fait un constat sévère, mais elle est juste un peu courte sur les solutions. On aurait aimé lire que le cursus scolaire changera et se modernisera, que les pass marks ne seront pas manipulées vers le bas, ou que nous allons enfin nous soumettre à la comparaison internationale grâce à PISA, par exemple. Rien de tout cela. Par contre, 3 credits suffiront, à nouveau… «At one and the same sitting…» espère-t-on, au moins ?

Dans la santé, un nouvel organisme de régulation, comme si nous n’en avions pas assez, pour superviser la qualité des soins et les tarifs. Bonne chance !

J’ai particulièrement aimé la section «Écologie», mais il faut noter que l’objectif du 60 % d’énergie renouvelable à l’horizon 2030 a disparu. Une réduction des tarifs d’électricité est promise. Est-ce réaliste ? Ayant dénoncé, avec raison, la promesse non tenue d’un approvisionnement 24/7 en eau, le Changement fait miroiter la «réduction des pertes (64,5 % en 2023) à des normes internationales», sans préciser ni les normes (30 % ?), ni l’échéance. Ça fait sérieux, ça ?

Moins d’eaux usées dans nos lagons ? Bien ! Favoriser les jeunes, les «travailleurs culturels», les loisirs ? OK ! Plus de démocratie, de méritocratie, d’intégrité ? Stopper la drogue ? On est preneur !

Pour concrétiser tout ça, il nous faut des hommes et des femmes de qualité avec une sincérité inébranlable. Les avons-nous réunis ? Qui est ce pauvre ministre des Finances qui va devoir financer les promesses (pensions éventuelles à Rs 21 500, transport gratuit, Rs 10 milliards de subventions, médicaments gratuits, etc.), avant ou sans Diego ?

Mais je ne ferais pas la fine bouche. Les casseroles d’un pouvoir usé pèsent trop lourd après deux mandats ! Et si j’avais aussi besoin de raisons purement subjectives pour déterminer mon choix, j’en ai trouvé deux : je n’ai, depuis dimanche, une fois encore, plus de cette eau 24/7 que l’on nous promet depuis 2014 ! D’autre part, la route qui mène chez moi réclame toujours, 10 ans plus tard, un… hovercraft plutôt qu’une voiture, tellement elle est bosselée/trouée ! Je soupçonne ne pas être le seul dans cette situation et le pont SAJ, s’il m’aide, n’adoucit en aucune manière mon irritation !