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Journée mondiale

Population vieillissante: L’économie se fait des cheveux blancs

14 juillet 2024, 18:48

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Population vieillissante:  L’économie se fait des cheveux blancs

Baisse de la fécondité et population vieillissante : deux points relevés cette semaine, le 11 juillet, dans le cadre de la Journée mondiale de la population. L’occasion de réfléchir aux dynamiques démographiques. Il est observé que la population mondiale montre une tendance vieillissante. Selon les Nations unies, la population atteindra son pic dans les années 2080, mais à un niveau plus bas que prévu initialement.

À Maurice, la population était estimée à 1 260 379 habitants au 31 décembre 2023, représentant une diminution de 817 habitants par rapport à l’année précédente, selon les derniers chiffres du rapport Population and Vital Statistics de Statistics Mauritius publiés en mars. Maurice n’échappe ainsi pas à la règle et fait partie des pays témoignant d’un vieillissement de la population. Alors que la proportion de la population âgée de 0 à 14 ans a diminué, passant de 16,3 % à la mi-2022 à 16 % un an plus tard, la proportion des personnes âgées de 15 à 64 ans a également chuté, passant de 70,6 % en 2022 à 70,4 % en 2023. Parallèlement, celle des personnes âgées de 65 ans et plus a augmenté, passant de 13,1 % à 13,6 % au cours de la même période. De juillet 2022 à juillet 2023, le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans est passé de 244 362 à 252 933 puis 269 245 en 2024. Ce vieillissement s’explique par l’augmentation de la longévité et la baisse du taux de natalité. Le nombre de naissances pour 1 000 habitants à Maurice a diminué de 75 % au cours des 60 dernières années. Résultat : plus de vieux, moins de jeunes.

Qu’en est-il de l’économie dans tout cela ? Il ne risque pas de se faire de vieux os, non ? Azad Jeetun, économiste, rappelle tout d’abord qu’avec l’augmentation de la longévité, il y a une augmentation des dépenses publiques. Il cite notamment les pensions des retraités ayant un effet significatif sur le budget national, nécessitant un financement plus conséquent pour les pensionnés. Rappelons que suite aux augmentations du 1er juillet dans le Budget 2024-2025, la pension de vieillesse à partir du 1er janvier 2025 grimpera à Rs 15 000. Les retraités âgés entre 65 et 74 ans recevront Rs 16 000, tandis que la pension des personnes de 75 ans sera de Rs 17 500. La pension des personnes de 90 à 99 ans augmentera à Rs 25 210, et celle des centenaires sera de Rs 30 210. Cela s’ajoute aux autres mesures sociales pour les retraités, comme le loyer. Sans compter les soins de santé, nécessitant un budget plus élevé pour répondre aux besoins. D’ailleurs, comme démontré dans notre édition d’hier, le gouvernement a donc décaissé la somme de Rs 3,76 milliards pour répondre à l’augmentation prévue de la pension de vieillesse annoncée dans le Budget 2024-2025. Cette hausse a bénéficié à un total de 269 245 personnes âgées donc, marquant dès lors une augmentation de 987 bénéficiaires par rapport au mois de juin. En parallèle, les veuves, les invalides et les orphelins ont également reçu des allocations significatives, totalisant Rs 629,7 millions pour le même mois.

Augmentation du fardeau fiscal

Mais revenons à nos moutons. Lorsque la proportion de personnes en âge de travailler diminue par rapport à celles qui sont retraitées et bénéficient de pensions, cela entraîne invariablement une augmentation du fardeau fiscal pour soutenir ces pensions. Cela contribue à accroître la dépendance économique. Cependant, selon l’économiste, les personnes âgées ne sont pas nécessairement un fardeau. Il rappelle qu’autrefois, les gens travaillaient jusqu’à l’âge de 60 ans, mais qu’aujourd’hui même après cet âge, les personnes d’un âge vénérable continuent de travailler si elles sont en bonne santé physique et mentale, ce qui contribue à l’économie du pays. Leur expérience accrue représente en outre un atout. Rappelons qu’en 2023, le secteur secondaire, faisant face à une pénurie d’enseignants dans plusieurs matières à tous les niveaux, recrutait des enseignants à la retraite pour pallier le manque. Toutefois, Azad Jeetun souligne que la situation reste préoccupante due à la baisse du taux de natalité, qui accentue les problèmes démographiques et économiques.

Reaz Chuttoo, membre de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP), explique que quand la population vieillissante n’est pas «remplacée» par les jeunes, l’effet sur l’économie dépend de la politique gouvernementale. Cela peut être bénéfique pour les employeurs et le pays. Par exemple, si une population vieillit sans être remplacée et que des travailleurs étrangers sont importés, cette main-d’œuvre, bon marché, efficace, disponible à tout moment et travaillant à moindre coût, représente pour les employeurs une ressource «comparable à une machine». Pour le pays, l’augmentation du nombre de travailleurs étrangers entraîne une consommation accrue et des paiements de taxes sans bénéficier des prestations sociales ou des allocations de retraite, ce qui augmente les revenus fiscaux. Le gouvernement peut utiliser ces revenus pour divers projets sociaux.

Une population vieillissante peut avoir des effets positifs ou négatifs, dit-il, selon les politiques gouvernementales choisies. En résumé, une population vieillissante n’est pas un problème si la main-d’œuvre est remplacée. Dans le cas contraire, la proportion des personnes travaillant ne sera pas suffisante pour soutenir les pensions de retraite. C’est pourquoi à Maurice, le système est passé des pensions de retraite aux allocations de retraite financées par des taxes comme la CSG et la taxe sur la consommation. Le gouvernement a choisi de baser l’avantage concurrentiel de l’économie sur la surexploitation des travailleurs étrangers. Qui plus est, poursuit Reaz Chuttoo, à Maurice, non seulement l’importation de travailleurs étrangers est encouragée, mais d’autre part rien n’est fait pour retenir les jeunes qui quittent le pays pour aller travailler ailleurs. Et si les Mauriciens envoient de l’argent à leurs familles, cela reste une rentrée d’argent non négligeable grâce à la diaspora. Les facteurs contribuant à ce changement de visage au niveau de la main-d’œuvre ici comme ailleurs, incluent le changement climatique, qui entraîne une augmentation du nombre de réfugiés. Des étrangers sont ainsi contraints d’accepter des conditions de travail précaires. En outre, ceux fuyant des conflits, comme ceux en Éthiopie, au Soudan, en Ukraine, à Gaza ou au Congo, rejoignent également cette masse. Ces situations peuvent créer un environnement propice à l’exploitation dans certains systèmes capitalistes.

Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’Île Maurice, souligne qu’aujourd’hui, avec la vie qui est de plus en plus chère et malgré les allocations accordées dans le dernier Budget pour les femmes enceintes notamment, de nombreux couples ne souhaitent pas avoir d’enfants, n’en font qu’un ou deux, car il est devenu plus complexe de répondre à leurs besoins, aggravant cette situation de population grisonnante. Il met également en avant le fait que la population active est en baisse, celle-là même qui génère la richesse et les revenus à travers les taxes, et doit financer entre autres les pensions, ce qui impose un fardeau considérable. À cet égard, il plaide en faveur d’une révision ciblée des pensions de retraite. Il questionne la pertinence d’une pension universelle pour ceux qui bénéficient déjà de grosses pensions ou qui sont parmi les hauts salariés du secteur privé ou public, par rapport à ceux qui dépendent entièrement de leur pension pour subvenir à leurs besoins.


Les solutions pour les prochaines générations

En résumé, la tendance mondiale au vieillissement de la population est une réalité démographique qui pose des défis considérables tant au niveau économique que social. À l’instar de Maurice, de nombreux pays sont confrontés à une diminution du taux de natalité et à une augmentation de l’espérance de vie, ce qui entraîne un déséquilibre entre les générations actives et les retraités.

À l’échelle mondiale, plusieurs solutions sont envisagées et mises en place pour répondre à ces défis :

Réformes des systèmes de retraite

Adapter les systèmes de retraite pour les rendre financièrement viables à long terme. Cela pourrait inclure l’augmentation de l’âge de la retraite, l’introduction de pensions indexées sur les revenus, et la promotion de régimes de retraite privés.

Promotion de la natalité

Encourager la natalité par des politiques de soutien aux familles, telles que les allocations familiales, les congés parentaux payés, et des services de garde d’enfants abordables.

Mobilisation des seniors

Encourager la participation active des personnes âgées dans le marché du travail par des programmes de formation continue et des incitations fiscales pour les employeurs.

Immigration ciblée

Faciliter l’immigration de travailleurs étrangers pour combler les pénuries de main-d’œuvre et soutenir la croissance économique.

Investissement dans la santé publique

Améliorer les systèmes de santé pour répondre aux besoins croissants d’une population vieillissante, notamment en matière de soins de longue durée et de maladies chroniques.

Ces solutions, combinées à une approche proactive et à des politiques adaptées aux réalités locales, peuvent aider les pays à mieux gérer les défis posés par une population vieillissante tout en exploitant les opportunités qu’elle offre. Maurice, comme beaucoup d’autres nations, devra adopter d’autres stratégies innovantes pour assurer une croissance durable et un bien-être accru pour toutes les générations.