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Port, pluie et 14ᵉ mois

26 novembre 2023, 09:05

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Port, pluie et 14ᵉ mois

Le gouvernement traite le port comme on traiterait un véritable embarras ! Résultat ? Il n’y avait plus de chairman de conseil d’administration de la Mauritius Ports Authority (MPA) jusqu’à la nomination récente de Jérôme Boulle. Il n’y a toujours pas de directeur général à plein-temps ; Shakeel Goburdhone faisant l’intérim depuis décembre 2022 quand celle qui remplaçait Shekur Suntah, parti à la retraite ; Madame Aruna Bunwaree-Ramsaha, fut mise en congé, apparemment sur la base d’une lettre anonyme, l’accusant de fuiter des informations à l’opposition… Le management «par lettres anonymes», vous connaissez ?

On s’active, depuis peu, à recruter un nouveau directeur général. Cette offre d’emploi est pour un contrat d’un an renouvelable et est ouverte aux Mauriciens et aux étrangers. L’avis de recrutement spécifie qu’«experience in the port sector would be an advantage». Tiens ! C’est une excellente idée, ça…

Ce qui est certain c’est qu’un tel avis de recrutement vient clairement mettre sur la touche tout recrutement à l’interne, aucun employé de la MPA ne souhaitant probablement abandonner son ‘temps de service’ pour les avantages d’un poste d’une année, comme le souligne le syndicat dans l’hebdomadaire Week-End ? Et une fois encore, s’il faut recruter publiquement plutôt que d’assurer une promotion interne, qu’est-ce que cela dit sur les disponibilités, les compétences ou encore les compatibilités politiques (ou pas) des postulants potentiels au sein de la MPA ? Après le cas récent du directeur de l’agriculture au ministère du même nom, s’achemine-t-on, à nouveau, vers un recrutement à court terme, d’un étranger, probablement retraité, provenant d’un pays tellement ami que l’on ‘coule’ devant lui, de plus en plus fréquemment ?

Le port n’en est pas à une insuffisance près. Comme déjà souligné par Alain Malherbe lors du troisième anniversaire du naufrage du Wakashio, fin juillet, la MPA n’avait à ce moment-là, ni chairman, ni directeur général, ni Port Master, ni ingénieur, ni directeur de ressources humaines, ni directeur administratif, ni directeur d’audit… On sait de plus, dans le sillage du naufrage du remorqueur (tug), le Sir Gaëtan, au large de Poudre-d’Or, que nos remorqueurs n’étaient plus de première jeunesse et qu’il fallait clairement les remplacer. Les procédures pour acheter jusqu’à quatre remorqueurs neufs (dont un pour Rodrigues) furent bien enclenchées l’an dernier, mais les valses d’hésitations usuelles (les avantages de l’économie circulaire ne dictent-ils pas, d’ailleurs, de commander, à prix égal, au chantier naval de l’océan Indien, localement ?) font que l’on loue, à prix fort, deux remorqueurs d’Abu Dhabi, personnel navigant compris, depuis 2021 ! Quelle gabegie ! Quelle honte !

Ce qui embarrasse le gouvernement à ce point c’est semble-t-il le coût politique d’une prise de décision face à du personnel dont on a carrément peur ! Pour les Coast Guards, ce n’est pas bien différent, encore que la direction est indienne. À travers le conseil d’administration de la MPA, qui est aux ordres du Prime Minister’s Office (PMO), l’objectif qui est de moderniser le port et ses services – pour trouver, avec la Cargo Handling Corporation (CHC), un nouveau souffle d’efficience et d’efficacité – traîne toujours, en conséquence, et crée des opportunités pour des concurrents régionaux qui nous bouffent tout cru ! Tout cela, parce que l’on hésite à trancher dans le fatras, à restructurer, à nommer des personnes compétentes et de courage qui, professionnellement et indépendamment, peuvent révolutionner la MPA et la CHC. Ce qui, enfin, ferait honneur à la devise «Port-Louis Harbour, the Future Hub» dont se fait fort la MPA, mais seulement verbalement apparemment.

Car le Container Port Performance Index 2022 classait, vous vous en souviendrez, le «Future Hub» de Port-Louis… au 327ᵉ rang des 348 ports étudiés par la Banque mondiale (BM) l’année dernière… À ce moment-là, nous étions classés, dans notre propre région, après les ports de Djibouti (26ᵉ), Colombo (28ᵉ), Tamatave (227ᵉ), Maputo (248ᵉ), Victoria aux Seychelles (249ᵉ), Mayotte (267ᵉ) et – ce qui doit nous faire le plus mal que tout – Port Réunion (298ᵉ) !

Qu’est-ce qui rendrait ces ports meilleurs que nous ? La qualité de la performance de leur PMO à eux, ou carrément l’absence de PMO dans les décisions ? Notons seulement que Djibouti a coopté la gestion de DP World depuis juin 2000 et qu’au port de Colombo, un accord de BOT (Build-Operate-Transfer) existe avec la China Merchants Holding (International) Ltd, une filiale géante du groupe CMG, qui a investi dans 42 ports situés dans 25 pays et dont l’efficience portuaire est reconnue mondialement…

Pendant ce temps-là, la première réaction des autorités locales, avec notre arrogance coutumière, était d’abord de questionner les chiffres et la méthodologie du rapport de la BM, puis de suggérer qu’il fallait lire derrière les chiffres. C’était en mai 2023. Un mois plus tard, le managing director de la CHC, Presley Paul, démissionnait à la suite d’une PNQ du leader de l’opposition qui mettait en doute ses qualifications et ses compétences. Il avait pourtant été chairman depuis 2017 et nommé managing director de notre unique port en 2020. On n’y a vu que du feu népotique !

Ouille !

Encore un poste pour un petit contrat court pour un ‘grand frère’ retraité et bienveillant ? Jusqu’à quand ces inanités et ces sparadraps à la place de la chirurgie qui s’impose ?

Cette gestion portuaire et maritime lamentable et franchement calamiteuse (les rapports Wakashio et Sir Gaëtan sont, par ailleurs, toujours tenus au secret : ça embarrasse qui ? Ça passe quoi comme message ?) va clairement coûter très cher au pays! Avec l’eau 24/7, la corruption et la glissade de la démocratie ; le port est parmi les grandes défaites de ce gouvernement qui, à elles seules, dicteraient un changement d’équipe aux prochaines élections. Est-il encore temps de changer de cap ? Possible, mais improbable…

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Quelqu’un d’un certain âge me faisait remarquer l’autre soir que les pluies de novembre que nous connaissons cette année-ci contrastaient beaucoup avec les mois de novembre généralement très secs de ces dernières années, qui annonçaient inévitablement des réservoirs mis à sec et des coupures déshydratantes de la CWA. Il paraît, qu’à l’époque, on attendait et que l’on bénéficiait, tous les ans, de «la pluie de la Toussaint» ! Régulièrement.

Vivement que reprenne cette tradition! Même si elle est due au ‘dérèglement’ climatique…

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Oulala ! Le retour possible du 14e mois de salaire ! Proposition faite par le leader de l’opposition pour ceux qui touchent moins que Rs 50 000 par mois pour faire face à l’érosion de la roupie et donc à l’inflation. Les intentions sont bonnes sans doute, mais Xavier-Luc Duval, qui est comptable, base sa demande sur les profits de Rs 42 milliards de 19 compagnies/groupes, en 2023 (?), par rapport aux Rs 13 milliards enregistrées par ces mêmes entités en 2019. L’extrapolation au pays tout entier est, au minimum, hasardeuse !

En effet, pour commencer, les roupies de 2023 ne ressemblent plus beaucoup aux roupies de 2019, la dévaluation étant passée par là. On se contentera de dire qu’il faut, par rapport au jour de la Toussaint de 2019, Rs 8 de plus, le même jour en 2023, pour acheter un dollar américain ! Les 42 milliards sont donc plus près de Rs 34,4 milliards de 2019…

De plus, les chiffres cités sont absolus et pas relatifs et peuvent donc fausser la perspective. En effet, si les profits apparents ont augmenté d’environ 165 % entre 2019 et 2023, il faut d’abord se demander si les profits de 2019 étaient raisonnables ou anormalement bas et si ceux de 2023 sont raisonnables ou anormalement hauts. Il faudrait donc comparer ces profits par rapport, par exemple, au chiffre d’affaires atteint ou au capital mobilisé qui auraient peut-être progressé par 165 % ou plus ?

Et si ces compagnies jugent qu’il faut payer un 14ᵉ mois pour ceux au bas de l’échelle, elles le feront, encore que ces compagnies ont tendance à avoir, du moins proportionnellement, bien moins de salariés touchant moins de Rs 50 000 par mois que les autres employeurs du pays, ce qui rendra ce cadeau relativement bien plus supportable pour eux.

Cependant on devrait aussi penser aux PME, aux ONG, aux usines, aux restaurants, aux magasins qui soutiennent, proportionnellement, bien plus de salariés gagnant moins de Rs 50 000 par mois ! Et qui ne croulent pas sous les profits ! Sans compter que si s’ensuit, dans le sillage de l’inflation, une inflation salariale du même acabit, SANS gains de productivité ou d’amélioration de compétences, sur un lit de lois du travail déjà exigeant ; le pays va inévitablement perdre des emplois et très certainement trouver difficile d’en créer…

Si la proposition de XLD est de marquer des points politiques, c’est une réussite. Cependant cette proposition (qui équivaut à 7,7 % d’augmentation sur une année), n’est ni responsable, ni supportable pour beaucoup et aura imparablement d’autres conséquences douloureuses.