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Financial Crimes Commission

Pourquoi elle est si controversée…

17 décembre 2023, 19:00

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Pourquoi elle est si controversée…

Vendredi, une manifestation a été organisée par l’opposition, notamment, pour dénoncer la FCC.

Le projet de loi sur la Financial Crimes Commission (FCC) sera de toute évidence soumis au vote à l’Assemblée nationale mardi prochain, après les interventions des quatre orateurs restants et le summing-up du Premier ministre. Recommandée par la commission Lam Shang Leen sur la drogue, elle sera responsable de la lutte contre les crimes en col blanc, les transactions suspectes du centre financier international de Maurice et les délits liés au trafic de drogue et au blanchiment de l’argent sale. La FCC vient regrouper les responsabilités de l’Independent Commission against Corruption (ICAC), l’Asset Recovery Investigation Division, actuellement sous la Financial Intelligence Unit, et l’Integrity Reporting Services Agency. Sa création soulève une polémique marquée par des préoccupations sur son potentiel pouvoir absolu et son utilisation à des fins politiciennes. La perception de toute puissance attribuée à la FCC soulève des interrogations sur les garde-fous nécessaires pour assurer son impartialité et son indépendance. Pourquoi cette entité suscite-t-elle une telle levée de boucliers dans la profession légale et la société civile ?

Pouvoirs menacés du DPP

Certains craignent que la super-agence ne devienne un instrument entre les mains du pouvoir, susceptible d’être utilisée à des fins de manœuvres politiques. Des préoccupations émergent quant aux pouvoirs considérables attribués au directeur général de la FCC. Le projet de loi accordant à la commission le pouvoir de détecter, d’enquêter et de porter des accusations dans des affaires de criminalité financière sans l’aval du Directeur des poursuites publiques (DPP) suscite de réelles inquiétudes. Bien que la Constitution maintienne le privilège du DPP de reprendre, poursuivre ou abandonner des procédures pénales initiées par le directeur général de la FCC, des préoccupations persistent sur d’éventuelles dérives et son instrumentalisation politique. La nomination du directeur général par l’exécutif, disent-ils, pourrait être considérée comme contraire à la Constitution, remettant en question l’indépendance de l’institution. Cet article de la loi pourrait s’avérer anticonstitutionnelle, surtout que l’article 72 de la Constitution donne le pouvoir exclusif de poursuites au DPP.

Nomination du directeur général

Le processus de nomination du directeur général de la FCC suscite d’autres craintes légitimes en raison de son éventuelle politisation. Elle repose sur une recommandation du Premier ministre, en consultation avec le leader de l’opposition, entérinée par le président de la République. Cependant, des critiques pointent du doigt le fait que cette procédure pourrait entraîner des nominations partisanes, accentuant ainsi les inquiétudes liées à l’indépendance et l’impartialité de la FCC. Selon l’article 10, le président de la République serait contraint de nommer le directeur général de la FCC sur la recommandation du Premier ministre, après avoir consulté le leader de l’opposition. Cependant, l’analyse de la situation suggère que le pouvoir de décision ultime demeurerait aux mains du Premier ministre, qui dirigerait de facto la commission.

Article 66 sur la surveillance

L’article 66 de la loi autorisera le directeur de la FFC à mettre une personne sur écoute sans soupçons raisonnables, contrairement à la pratique actuelle qui exige un ordre de juge pour cette mesure. La surveillance générale, définie comme le contrôle permanent d’une personne dans un espace public, permettrait d’obtenir des informations privées sur cette personne ou une autre. L’article 66 (2) prévoit qu’avec l’ordre d’un juge en chambre, une personne peut être soumise à une surveillance intrusive. Cette forme de surveillance personnalisée implique l’observation, l’écoute et le suivi des déplacements, conversations et activités dans des espaces privés, tels qu’habitations, véhicules personnels ou propriétés privées.

Contrairement à la surveillance générale dans des lieux publics, la surveillance intrusive utilise des dispositifs technologiques avancés, tels qu’appareils spécialisés de surveillance, drones ou autres équipements électroniques, pour pénétrer dans des lieux privés. La loi autorise également l’interception d’équipements. La garantie d’un ordre de la cour ne serait pas automatique, laissant ainsi une possible lacune dans la protection des droits individuels. Il se pourrait que des individus soient soumis à une surveillance prolongée, sans que la procédure plus stricte de l’article 66(2) ne soit activée. Quelqu’un pourrait donc être écouté pendant des années sans ordre de la cour et il n’y a pas de temps imparti pour sauvegarder ces enregistrements. Ainsi, cela pourrait engendrer des abus de ce pouvoir car l’article 66(1) ne le restreint pas aux cas de reasonable suspicion. De plus, il n’y aurait pas de judicial supervision car aucun ordre de la cour n’est exigé.

Pouvoirs d’arrestation

Le directeur général se voit aussi attribuer des pouvoirs d’arrestation. La FCC a le pouvoir d’émettre des charges provisoires, déclenchant une enquête menée par le directeur général lui-même. Ce processus devient préoccupant lorsque l’on considère que le titulaire du poste est un nominé politique, doté de l’autorité exclusive sur ces décisions cruciales. La FCC, en émettant une charge provisoire, peut arrêter toute personne visée par l’enquête, sans que le DPP ne puisse intervenir avant une accusation formelle. Cette disposition critiquée crée ainsi un vide juridique, privant le DPP du pouvoir d’intervention jusqu’à ce qu’une charge formelle soit déposée. La concentration de pouvoirs entre les mains d’un nominé politique soulève ainsi des questions cruciales sur la séparation des pouvoirs et la protection des droits individuels sans compter de réelles préoccupations d’éventuels abus…