-Pravind Jugnauth : «Seki éna lipié dan dé bato pou dégringolé»

La révocation de Vikram Hurdoyal a pris de court bon nombre de personnes dimanche soir. À commencer par le principal concerné lui-même, selon ses dires. Sept jours plus tard, le mystère plane toujours sur les motifs d’une telle décision de Pravind Jugnauth... Les thèses, elles, sont nombreuses.

Why ? Pourquoi ? Kifer ? Qu’a bien pu faire Vikram Hurdoyal pour mériter une sanction aussi sévère qu’est la révocation, venant d’un Pravind Jugnauth qui est pour le moins ‘indulgent’ envers ses ministres en temps normal ? On se rappelle notamment comment Yogida Sawmynaden, dont le nom est associé à la mort de l’ex-agent orange Soopramanien Kistnen, avait démissionné de son poste de ministre en déclarant en février 2021, prendre un «congé politique» sans que son Premier ministre ne le pousse vers la sortie, officiellement du moins. Il y a encore le cas de Maneesh Gobin – dont le nom est cité dans l’affaire Franklin et qui était présent dans une chasse à Grand-Bassin à boire du Black Label et à manger du cerf en bonne compagnie apparemment – qui a eu plus de chance et demeure toujours ministre et Attorney General malgré ses frasques alléguées. Alors, Vikram Hurdoyal a-t-il fait quelque chose de bien plus grave que cela ?

Mais surtout et avant tout, c’est la manière de procéder à cette révocation qui a aussi fait tiquer. Le membre du MSM, ex-député de la circonscription Montagne-Blanche/Grande- RivièreSud-Est (no 10) a été révoqué le dimanche 11 février à 20 heures passées alors que ce dernier s’apprêtait à prendre l’avion pour rentrer au pays de Berlin. Selon l’ex-ministre de l’Agro-industrie, ce n’est que lundi matin à sa descente d’avion à l’aéroport de Plaisance qu’il a appris cette décision. Et c’est un Vikram Hurdoyal en larmes qui a remercié Pravind Jugnauth en soutenant à plusieurs reprises ne pas connaître les raisons d’une telle décision.

Une semaine après les faits, ni le membre du MSM, ni Pravind Jugnauth n’a voulu dévoiler les motifs de cette décision radicale. Le Premier ministre ayant confié pour sa part lors de ses sorties officielles qu’il a notamment rencontré Vikram Hurdoyal lundi et que tous deux ont convenu qu’ils ne divulgueraient aucune information à ce sujet. Pravind Jugnauth, frôlant presque par moment le chantage, a même ajouté qu’il le fera si Vikram Hurdoyal le fait ou si le besoin se fait sentir. Toujours est-il que jusqu’ici personne ne sait ce dont il se serait rendu coupable.

Même dans l’entourage du ministre, ceux qui le connaissent et l’ont côtoyé sont dans le flou. Ils affirment que Vikram Hurdoyal leur a parlé depuis sa révocation mais ne veut pas s’étaler sur le sujet. «Il veut prendre du temps pour lui», indiquent ceux à qui nous avons parlé. Alors depuis le dimanche fatidique, les spéculations vont bon train. Certains parlent d’un rapprochement avec le Parti travailliste, d’autres que Vikram Hurdoyal négociait pour que son frère soit candidat des Rouges. Mais aussi la pénurie d’oignons ou encore des fraudes commises au ministère de l’Agro-industrie – qui n’ont pas été prouvés jusqu’ici – se sont aussi invités au débat.

La thèse selon laquelle l’ex-ministre de l’AgroIndustrie aurait refusé d’accorder un contrat pour l’exportation de singe à Shafeek Jhummun (NdlR, le directeur de Hammerhead International Ltd avait fait parler de lui lorsqu’une ferme illégale avait été découverte à Jin Fei. Les quelques 440 singes étaient dans un sale état) est aussi évoqué (voir aussi en pg 12). Tout comme le fait que tout n’était plus si rose au conseil de district de Flacq depuis que le protégé de Vikram Hurdoyal, Kishore Jeewooth, avait lui aussi été révoqué de la présidence. Il se disait alors que Vikram Hurdoyal menaçait déjà de démissionner et avait déjà sa lettre sous le coude.

La plus farfelue – ou pas – des spéculations reste le fait que cette démission de Vikram Hurdoyal serait en fait une stratégie de Pravind Jugnauth lui-même pour provoquer une élection partielle au no 10 et ainsi tester la force de l’opposition et de Ramgoolam avant les législatives. Le Premier ministre a d’ailleurs affirmé face à la presse il y a quelques jours que ces partielles auraient bel et bien lieu. Mais comme l’a dit Navin Ramgoolam, ainsi que d’autres dirigeants politiques et observateurs, les chances qu’un tel scrutin soit organisé sont presque nulles. Pravind Jugnauth a lui adressé cette rumeur en disant ceci : «J’agi sur les faits, je me laisse guider par mes principes (...) Tou zafer ki arivé dan sa péi-la zot trouve ena mo lamé ladan...»

Mais la raison la plus probable et confirmée par des sources sûres du bureau du Premier ministre (PMO) serait bel et bien, une ‘trahison’ de Vikram Hurdoyal. L’on indique que Pravind Jugnauth avait des renseignements fiables selon lesquelles ce dernier négociait avec le PTr. Du moins qu’il avait établi une ligne de communication avec certains dirigeants rouges. Pourquoi ? Il était déjà ministre, qu’aurait-il pu demander de plus ? On ne le sait pas. Mais font remarquer nos sources du côté du PMO, que «pas plus tard que samedi dernier (NdlR, un jour avant la révocation de Vikram Hurdoyal), Pravind Jugnauth avait soutenu lors du comité régional que ceux qui ont ‘lipié dan dé bato pou dégringolé’. Ce message était destiné à Vikram Hurdoyal. Le Premier ministre savait déjà ce qui se passait et avait déjà pris sa décision.»

Il est bon de rappeler que Vikram Hurdoyal a nié tout rapprochement avec le PTr et que Navin Ramgoolam, à au moins deux reprises, en a fait de même. Le leader des Rouges a précisé qu’il a rencontré l’élu orange lors d’une prière au no 10, sans plus. Mais cette révocation interviendrait aussi en partie parce que Pravind Jugnauth n’aurait pas apprécié que l’ex-ministre de l’Agro-industrie ait entrepris son voyage privé à Berlin. Et Vikram Hurdoyal a fait la sourde-oreille à ce sujet. Nos sources ajoutent par la même occasion que le PMO serait aussi en possession d’un «dossier» compromettant sur Vikram Hurdoyal mais aucune autre information ne transpire à ce sujet pour l’heure.

Jusqu’où les deux protagonistes garderontils le silence alors que la population réclame des explications au sujet de cette soudaine révocation ? Ce qui est certain, c’est que la rentrée parlementaire s’annonce d’ores et déjà mouvementée avec des questions qui devront surgir à ce sujet du côté de l’opposition...