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Pénurie
Pourquoi œufs et poulet se sont volatilisés
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Pénurie
Pourquoi œufs et poulet se sont volatilisés
Un éleveur aurait perdu Rs 60 000 car la moitié des poussins à Rs 40 l’unité qu’on lui avait livrés étaient en mauvaise santé et sont morts peu après.
L’œuf ou la poule ? On ne sait toujours pas lequel est venu en premier. Mais après l’œuf, c’est au tour de la volaille de se faire rare. Une question tout aussi complexe interpelle bon nombre de personnes dans le pays : quelle est réellement l’origine de la pénurie ?
Au niveau des producteurs de poulet, cette pénurie est attribuée à une hausse substantielle de la demande et de la consommation. Par exemple, chez Inicia, un des principaux fournisseurs, on explique avoir constaté une hausse significative de la demande de poulet ces dernières semaines. «Malgré cela, la production chez Inicia est restée constante et nous continuons à fournir nos clients normalement, sans interruption dans nos livraisons. Nous prévoyons que la demande diminuera à partir de la fin du mois, car la demande de viande de poulet tend à être plus faible en septembre et octobre, en raison des périodes de carême observées dans le pays», explique la direction.
Panagora Marketing, qui a émis un communiqué de presse à ce sujet, indique que cette situation est due à une demande plus importante que d’habitude depuis quelques semaines, notamment de la part de nouveaux commerçants qui n’étaient pas clients jusqu’ici. Le ministère de l’Agro-industrie dit suivre la situation de près, mais maintient l’absence de plaintes ou doléances sur lesquelles il pourrait agir. Il précise qu’il a prévu une réunion avec les gros producteurs la semaine prochaine pour en savoir plus sur cette question.
Manque de poussins
Mais éleveurs, revendeurs et petits commerces sont loin d’être convaincus, certains se retrouvant sans activité ou sans chiffre d’affaires pendant des jours, contraints de fermer boutique plus tôt que prévu en raison d’une pénurie qu’ils qualifient de bien réelle. «On ne nous livre plus que 50 sachets de poulet au lieu de 120. Pour l’instant, on arrive à compenser avec les stocks précédents, mais on nous dit que le prix du poulet va augmenter prochainement en raison de la pénurie. Certains disent que la situation se stabilisera dans quelques semaines, tandis que d’autres disent qu’elle persistera jusqu’en décembre», relate une gérante d’un point de vente de la capitale.
M.R., éleveur depuis des années et fournisseur de poulets à des restaurants et commerces, évoque le manque de poussins en bonne santé de la part d’un producteur et le monopole de la production de poulet comme principales raisons de la pénurie. «Il y a très peu d’entreprises impliquées dans l’élevage de volaille, et le problème survient lorsque le ‘parent’ n’est pas en bonne santé. Kan paran-la pa bon, li pa donn bon dizef, lerla poussin-la pa bon.» Il affirme avoir acheté le mois dernier son stock de 3 000 poussins à Rs 40 la pièce auprès d’un grand producteur. «Mais 1 500 d’entre eux sont morts dans les dix premiers jours car ils n’étaient pas en bonne santé. Un poussin en bonne santé pèse idéalement entre 40 et 45 g, et le producteur m’a donné des poussins pesant 25 g, dont beaucoup étaient même handicapés. Comment les éleveurs peuvent-ils les nourrir ? Zot donn ou li pou mem pri, zot fini ar ou. Quand la moitié des poussins sont morts, ils n’ont même pas voulu me rembourser.» Pour lui, ces morts de poussins représentent une perte de Rs 60 000. «Viennent ensuite les frais des bâtiments et les salaires des travailleurs. Nous sommes obligés d’accepter la perte et de nous débrouiller.»
Un autre éleveur explique que cette situation a entraîné une augmentation considérable de la demande des éleveurs auprès d’autres producteurs de volaille de qualité, demande qu’il est difficile de satisfaire. «Outre les poussins, qui nécessitent 40 à 42 jours pour être ‘prêts’, j’achète également de grosses volailles pesant 2,5 livres chez les producteurs, je les nourris pendant deux semaines et je les vends. Comme un producteur n’offre pas de poussins en bonne santé et qu’il y a donc un manque de poulets et d’œufs, les éleveurs se tournent vers un autre producteur, qui ne peut pas répondre à la surcharge de la demande.»
Faire une omelette du monopole
Certains fournisseurs ont déjà augmenté le prix du poulet de Rs 10 ou Rs 15 le kilo lors de la vente aux revendeurs, qui à leur tour sont confrontés au dilemme d’augmenter leur prix de vente aux consommateurs pour couvrir l’augmentation des coûts d’achat. Revendeurs et consommateurs parlent d’une «manière délibérée de maintenir une pénurie artificielle pour augmenter les prix du poulet, comme pour les œufs, et la justifient, sachant que la population se livrera à des achats de panique. Les grandes surfaces et les restaurants disposeront d’une quantité suffisante et vendront le poulet à des prix élevés, sans aucun contrôle sur le marché, tandis que les petites entreprises risquent d’être touchées». Nous avons sollicité le ministère du Commerce et de la Protection des consommateurs, mais nous n’avons reçu aucune information sur les mesures prises pour assurer le contrôle des prix du poulet dans le contexte de la pénurie.
M.R. est d’avis qu’il est temps de commencer à importer du poulet à Maurice afin de briser le monopole des producteurs et d’offrir une concurrence et un meilleur choix. Jayen Chellum, président de l’Association des consommateurs de l’île Maurice, partage cet avis et réclame la libéralisation de l’importation du poulet pour rendre sa consommation accessible et abordable. «Avec un marché protégé, dirigé par les fournisseurs plutôt que par des consommateurs responsabilisés, les producteurs font la pluie et le beau temps et décident des prix. Mais lorsque le marché est compétitif, il permet de corriger les profits additionnels que les compagnies réalisent ici pour remplir les poches des actionnaires», a-t-il soutenu lors d’une conférence de presse jeudi.
Saisonnalité
Il est important de noter que les poules pondent généralement moins d’œufs en hiver. Ce phénomène est lié à la réduction des heures de lumière naturelle, qui influence leur cycle de ponte. Les poules ont besoin de 14 à 16 heures de lumière par jour pour maintenir une production d’œufs optimale. En hiver, leur organisme reçoit moins de lumière, ce qui réduit la ponte. Les éleveurs peuvent compenser cette diminution en installant des éclairages artificiels pour prolonger les heures de lumière, mais la ponte reste généralement moins abondante qu’en été.
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