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Budget 2025-26
Pouvoir d’achat sous pression avant le Grand oral
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Budget 2025-26
Pouvoir d’achat sous pression avant le Grand oral

En marge de la présentation du Budget 2025-26, alors que l’inflation ralentit et que la roupie reste stable, les prix élevés continuent de peser lourd sur le porte-monnaie des Mauriciens. Experts et acteurs de la société civile appellent à des mesures concrètes pour lutter contre la vie chère et préserver le pouvoir d’achat.
Vinay Ancharaz : «Le niveau des prix continuera d’augmenter car nous importons la majorité de nos produits de consommation»
Réagissant à la perception d’un paradoxe entre une inflation en baisse, une roupie stable et un coût de la vie toujours élevé, l’économiste Vinay Ancharaz estime : «Le niveau des prix continuera d’augmenter car nous importons la majorité de nos produits de consommation. Le coût élevé nous est en quelque sorte imposé.» Il rappelle que l’inflation correspond au taux de variation des prix et non à leur niveau absolu. «Les prix ne baissent presque jamais, sauf pour certains légumes soumis aux saisons. Une inflation plus faible signifie simplement que les prix continuent d’augmenter, mais moins vite. (…) Tout ce qu’on peut faire, c’est de gérer l’inflation pour éviter que la vie ne devienne encore plus chère même si, inévitablement, elle le deviendra. On ne peut pas faire baisser les prix car ils nous sont imposés par nos partenaires commerciaux.»
Il insiste sur la nécessité de renforcer la résilience du pays face aux chocs extérieurs. «Nous sommes vulnérables à ce qui se passe sur le plan mondial. Cela justifie davantage la production locale.» À titre d’exemple, il déplore l’importation de produits comme la pomme de terre, l’oignon et la carotte qui, selon lui, pourraient être cultivés localement. «Un tiers de nos importations concerne les carburants, notamment l’huile lourde. Nous devons sérieusement accélérer la transition vers les énergies renouvelables pour alléger la facture des importations.»
Commentant la situation économique du pays, l’économiste Vinay Ancharaz reconnaît l’existence de problèmes structurels, mais rejette l’idée que l’économie mauricienne serait «à genoux». «Nous avons une économie dynamique, avec plusieurs secteurs à relancer, même si la croissance prévue pour le tourisme et la construction est quasi nulle», souligne-t-il. Il déplore cependant l’absence de politiques concrètes pour faire face aux défis de fond.
Le prochain Budget, selon lui, devra envoyer un signal fort à la communauté internationale, notamment au Fonds monétaire international (FMI), à Moody’s et aux autres agences de notation. «Le Budget doit montrer un engagement ferme à mettre en œuvre un plan de redressement fiscal. C’est la priorité absolue du gouvernement.» Cela passe, dit-il, par une consolidation fiscale crédible. «Le gouvernement doit démontrer un meilleur contrôle des dépenses publiques tout en trouvant des moyens d’augmenter les recettes. Mais c’est un double défi : réduire les dépenses est politiquement difficile et augmenter les recettes l’est tout autant.»
Il entrevoit toutefois des opportunités comme le secteur pharmaceutique, «une industrie prometteuse», ainsi que la production individuelle d’énergie renouvelable, «un domaine à encourager». Vinay Ancharaz prévoit : «Il faut s’attendre dans les années à venir à un taux d’inflation plus souple et gérable.» Concernant la croissance économique, il note un ralentissement par rapport aux années précédentes où les taux étaient plus élevés. Même si le FMI table sur une croissance autour de 3,5 %, il reste optimiste et prévoit un taux de croissance à 4 %. «Cela pourra se réaliser grâce à des politiques économiques favorisant la stimulation de l’économie, à un regain de confiance des investisseurs, ainsi qu’à la transition vers une économie verte.»
Jayen Chellum : «Un signal fort attendu pour lutter contre la vie chère»
Sur la question de l’introduction de mesures ciblées dans le prochain Budget en faveur des groupes vulnérables – retraités, familles monoparentales, jeunes – pour les aider à faire face à la hausse du coût de la vie, Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice, estime : «Le prochain Budget doit envoyer un signal fort que le gouvernement prend en considération les problèmes auxquels ces groupes font face dus à la vie chère et qu’il existe une volonté politique claire pour combattre l’inflation. Ce budget doit donner ce signal fort. » Pour lui, il ne s’agira pas seulement de discours, mais la population doit voir concrètement que des mesures sont prises.
Alors que la consommation a toujours été un levier important pour renflouer les caisses de l’État, Jayen Chellum se réfère aux propos des dirigeants de l’Alliance du changement, qui affirment que la relance économique ne passera pas par la consommation. «Cela signifie que la croissance ne dépendra pas de la consommation. Il faudra donc bien comprendre ce que cela implique. À mon avis, il est essentiel de contrôler l’inflation tout en surveillant l’évolution de la consommation.» Par ailleurs, la création du Fonds de stabilisation de Rs 10 milliards, annoncée dans le manifeste électoral pour contenir les prix des produits essentiels, devrait être présentée dans le prochain Budget, selon lui. Ce fonds pourrait ainsi contribuer à soulager la population en stabilisant les prix.
Jayen Chellum regrette la résistance de certains commerçants à baisser le prix des produits de première nécessité malgré la stabilisation de la roupie et la maîtrise de l’inflation. Il cite l’exemple des légumes surgelés, dont une baisse immédiate des prix avait été annoncée par le gouvernement, mais qui ne s’est pas concrétisée. «Lorsqu’un prix doit augmenter, cela se fait immédiatement, mais quand il doit baisser, on nous demande d’attendre la prochaine cargaison. Or, le ministre du Commerce lui-même a reconnu que des marges extraordinaires sont pratiquées.» Il estime qu’il est nécessaire d’appliquer des sanctions contre ces commerçants récalcitrants. Ces marges excessives, ajoute-t-il, concernent de nombreux produits.
Suttyhudeo Tengur : «Consolider le pouvoir d’achat des pauvres et de la classe moyenne»
Alors que le pouvoir d’achat de la population diminue, Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs, estime que le prochain Budget doit permettre de «consolider le pouvoir d’achat des pauvres et de la classe moyenne». Selon lui, l’endettement des ménages est insoutenable et «engloutit» leur trésorerie. «Le salaire des ménages sert d’abord à rembourser les dettes, puis à se nourrir.» Une révision de la taxe sur la valeur ajoutée pour soulager la population, dit-il, ne sera pas à l’ordre du jour du gouvernement, car cette taxe apporte des recettes importantes dans les caisses de l’État.
Parmi ses attentes pour le prochain Budget : que la roupie reste stable, l’introduction du Fonds de stabilisation et de soutien de 10 milliards ainsi que l’élargissement du nombre de commodités concernées par un mark-up. Il reconnaît que les prix continuent d’augmenter dans les commerces. Il explique que depuis l’application du mark-up sur certaines commodités, seuls 24 000 produits sont concernés et que ce nombre devrait être porté à 50 000 produits. «Ainsi, le consommateur remarquera une différence dans son panier.»
*Ignace Lam : «Le manque de devises est un gros problème»
L’absence de devises sur le marché reste un problème majeur qui affecte les consommateurs. Selon Ignace Lam, directeur des supermarchés Intermart, cette situation s’est même aggravée car les commerçants ont du mal à honorer leurs paiements auprès de leurs créanciers étrangers. Si cela continue, il craint que la réputation de Maurice soit ternie car «les fournisseurs étrangers sauront que les commerçants mauriciens ne peuvent pas payer» et certains risquent de perdre leur ligne de crédit. Il demande que les réserves internationales brutes (gross international reserves) soient utilisées pour approvisionner le marché.
Si le pouvoir d’achat des Mauriciens a baissé, la raison évidente, dit-il, est la dépréciation de la roupie et la hausse des prix des commodités à l’étranger. Toutefois, il note que depuis quelque temps, les prix se sont stabilisés par rapport à avant. Malgré cela, il souligne que les produits continuent de se vendre normalement. Par ailleurs, il estime que l’introduction d’un fonds de stabilisation de Rs 10 milliards pour les prix des produits de première nécessité ne fonctionnera pas car cette somme risque d’être «évaporée» et que cette mesure ne suffira pas à faire baisser les prix. «Les Mauriciens connaissent déjà la gravité de la situation. Ils savent que ce sera un Budget de rigueur.» Pour lui, si les Mauriciens ont conscience qu’ils ont obtenu des largesses, celles-ci ne pourront pas être financées indéfiniment.
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