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Pravind Jugnauth discute élections en Afrique
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Pravind Jugnauth discute élections en Afrique
«Se déroule un autre nouveau phénomène d’affaissement de nos institutions de gouvernance, régionales et continentale, [qui s’]inquiètent du sort de l’organisation continentale (…) pour combien de temps l’édifice résistera-t-il à l’affaissement de ses piliers, de ses fondations ?» s’est exclamé hier Moussa Faki Mahamat, le président de la commission de l’Union africaine, lors du 37e sommet des chefs d’État de l’Union africaine, auquel participe le Premier ministre.
Oubliant quelque peu la partielle au no 10, dont il a pourtant confirmé la tenue (même si l’opinion n’y croit pas), Pravind Jugnauth participe, à Addis-Abeba, aux discussions relatives à l’invalidation, cette semaine, par le Conseil constitutionnel sénégalais de la décision du président Macky Sall qui voulait reporter l’élection présidentielle du 25 février au 15 décembre 2024. Selon le Conseil constitutionnel, la décision de reporter l’élection ne repose sur aucune base légale, «le président de la République ne disposant pas du pouvoir de reporter ou d’annuler le scrutin» – comme c’est le cas à Maurice par rapport aux élections législatives, qui ne peuvent être renvoyées, contrairement aux élections villageoises ou municipales. Un politicien qui tente de contrôler la tenue ou non des élections est juge et partie, ont observé les sages sénégalais et ont condamné Macky Sall, qui a tenté un coup d’État légal avec la complicité du Parlement.
Les élections en Afrique demeurent au coeur de controverses et de critiques, principalement en raison de la manipulation des lois et des mandats par les dirigeants en place. Ces actions compromettent non seulement la constitution mais engendrent également instabilité et conflits à l’échelle locale et régionale. L’argument souvent avancé – les limites de mandat ne seraient pas adaptées aux complexités africaines – entre en conflit direct avec la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de 2002. Cette charte appelle explicitement à «enraciner une culture politique de changement de pouvoir» et identifie comme illégaux les refus de céder le pouvoir après des élections libres et transparentes, ou toute modification constitutionnelle violant les principes de changement de pouvoir démocratique.
L’adhésion aux cadres constitutionnels et démocratiques est souvent liée à la stabilité et au développement économique. La prolongation des mandats favorise la corruption et l’inégalité, enracinant les dirigeants dans le pouvoir et les détournant de l’intérêt véritable de leurs citoyens. Cette pratique est malheureusement courante, avec plusieurs dirigeants africains ayant tenté de contourner les limites de mandat, exploitant souvent des failles institutionnelles avec le soutien de majorités parlementaires fortes.
L’année 2024 s’annonce cruciale pour la gouvernance en Afrique, avec des élections importantes prévues dans pas moins de 19 pays. Ces élections sont symptomatiques des défis et opportunités uniques auxquels chaque pays fait face, et reflètent des tendances plus larges de maturité démocratique, de dérives autoritaires, et de quête de renouveau politique. Chaque cas, de Maurice avec ses dynasties politiques, au Sénégal et son dilemme démocratique, au Mali sous la règle militaire, et l’Afrique du Sud avec sa politique de coalition et les défis de l’ANC, montre les complexités et les enjeux des élections sur le continent.
Les résultats de ces élections ne façonneront pas seulement les paysages politiques domestiques mais signaleront également des tendances plus larges dans la gouvernance africaine. La capacité des nations à naviguer entre alliances stratégiques, à embrasser le renouveau politique, et à maintenir l’intégrité démocratique déterminera l’avenir de la gouvernance en Afrique. Les élections, en tant que mécanismes fondamentaux de la démocratie, sont cruciales pour le développement et la stabilité, mais elles sont également le théâtre de problématiques profondes qui nécessitent une attention et des réformes soutenues pour garantir leur intégrité et leur efficacité.
L’Union africaine, qui a pris en 2002 le relais de l’Organisation de l’unité africaine, n’a pas pu jusqu’ici, largement à cause des coups militaires et des régimes putschistes, 1) renforcer l’union politique et le développement socioéconomique du continent, 2) promouvoir la démocratie et les droits humains, et 3) favoriser l’intégration de l’Afrique sur la scène internationale. «L’Afrique habite nos imaginaires, mais son histoire reste méconnue, voire déconsidérée… car tellement chargée de préjugés. Ce continent que l’on résume trop souvent à la misère, à la corruption, à la guerre et aux dictateurs indétrônables a pourtant toujours eu de quoi s’enorgueillir, hier comme aujourd’hui», résume parfaitement Chantal Cabé en ouverture de «l’Atlas des Afriques» (édition 2023).
Nous sommes bel et bien des Africains, même si nous regardons davantage vers l’Asie ou l’Europe. En termes de gouvernance, les similitudes avec le reste du continent sont assez parlantes. Ainsi la conservation du pouvoir à tout prix – (comme s’y attelle, ces temps-ci, la dynastie Jugnauth) – impacte sérieusement les économies et empêche le progrès du continent – pourtant promis à un bel avenir en raison de son réservoir de jeunes : 43 % des Subsahariens ont actuellement moins de 15 ans.
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