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Premila Dunputh: une route toute tracée
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Premila Dunputh: une route toute tracée
C’est en 1984 que tout a démarré. Premila Dunputh devenait une des premières sinon la première femme à tenter sa chance comme directrice d’une auto-école. «C’est définitivement mon frottement avec les pays étrangers, surtout européens, qui a suscité en moi l’idée de lancer ma propre auto-école. Lorsque j’ai découvert que la conduite à tous les niveaux de la circulation routière dans les pays visités était accessible aux femmes, je me suis dit pourquoi ne pas en faire autant à Maurice.» Elle qui croyait que les choses allaient être aussi faciles que l’installation de cette ambition dans sa tête, allait en voir de toutes les couleurs…. Mais elle n’est pas de celles que les obstacles freinent.
La dure réalité était le fait que la culture mauricienne n’était pas encore prête pour voir une femme à la tête d’une auto-école. C’est avec beaucoup de difficultés qu’elle parviendra à obtenir un rendez-vous pour ses examens. Elle se voit en face d’un panel composé uniquement d’éléments masculins. Son passage à l’étranger lui a appris de ne jamais se laisser impressionner par le sexe opposé. Cependant, elle ne s’attendait vraiment pas à entendre ce qui se préparait pour ses oreilles. «J’ai eu le choc de ma vie lorsqu’on m’a fait comprendre que le domaine pour lequel j’ai manifesté de l’intérêt pour y évoluer n’est pas fait pour les femmes.» Elle est rentrée bredouille à la maison. Ces remarques désobligeantes étaient loin d’éteindre son ardeur à obtenir son permis pour lancer une auto-école. On lui donne rendez-vous pour dans… deux ans.
Le jour de l’examen, une voix masculine bien évidemment, lui dit ceci : «Ankor oumem!» Elle va passer le test tant au niveau oral qu’au niveau pratique sur la route. «Était assis à ma gauche comme élève, un inspecteur de police. Celui qui est assis sur le siège arrière note mot pour mot les échanges entre l’inspecteur et moi.» Cette fois, malgré tout, c’est la bonne. Premila Dunputh est détentrice d’un permis pour gérer sa propre auto-école. «Femina» est née...
Elle a une préférence pour la clientèle féminine. «Aujourd’hui, concède Premila Dunputh, bon nombre de femmes gèrent leur propre autoécole. Et de nombreuses résidentes de la ville de QuatreBornes ont pu obtenir leur permis de conduire avec l’aide de ‘Femina’.» Après quarante ans de bons et loyaux services, Premila Dunputh, qui était infirmière de profession, compte prendre sa retraite. «Je ne considère aucune nouvelle demande pour des cours de conduite.»
Si en termes de son épanouissement en tant qu’une des premières femmes à faire la démonstration que la gestion d’une auto-école n’est pas un domaine réservé aux hommes, Premila Dunputh se dit satisfaite à 100 %, a-t-elle des regrets? «J’ai fait le plaidoyer pour la mise en place de deux projets. Ce sont respectivement l’enseignement du code de la route dès la maternelle et l’introduction du permis à points. J’ai le regret de constater que ni l’un ni l’autre n’a malheureusement pas vu le jour.»
Que pense-t-elle dans l’ensemble de la qualité de conduite du Mauricien en général sur les routes ? «Le Mauricien a la mauvaise habitude de faire croire qu’en termes de conduite, il sait tout mieux que son vis-à-vis. Maurice est un des pays où la moyenne des conducteurs est très indisciplinée et manque d’égard vis-à-vis de l’autre. Je vous donne un simple exemple : rares sont les conducteurs qui vont faire preuve de compréhension et de patience devant une voiture d’auto-école. Que de fois, on n’a pas entendu klaxonner au risque de confondre le conducteur non-expérimenté pour ensuite doubler en montrant clairement que c’est l’expression de son agacement devant une personne qui commence à peine à conduire…»
Premila donne volontiers la palme de la bonne conduite aux femmes. «Elles sont disciplinées et réfléchissent à deux fois avant de poser un acte de circulation routière.» S’il fallait recommencer l’aventure d’une femme qui ose entrer dans un domaine jusqu’ici réservé aux hommes, sachant que les mêmes dos-d’âne l’attendaient, le ferait-elle ? «La question ne se pose même pas. Lorsque la détermination, dans le cadre de la mise en place imminente d’un projet ou d’une initiative, s’affiche et s’installe en moi, rien ne pourra me contraindre à faire marche arrière».
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